Épouvante-horreur

Maniac : Une surprise déroutante et morbide… mais plutôt bien fichue !

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Étrange, dérangeant mais surtout captivant, Maniac, le dernier film de Franck Khalfoun (2ème sous-sol en 2007) a le don de surprendre par son atmosphère glauque, étouffante mais efficace. En nous mettant dans la peau d’un tueur, Maniac nous entraîne dans un film d’épouvante assez réussi et décalé, entre appréhension et fascination morbide.

Le pitch : Franck est le timide propriétaire d’une boutique de restauration de mannequins. Le jour où il rencontre Anna bouleverse son existence. Mais Franck a un terrible secret, la nuit il se transforme en assassin et traque ses victimes avant de les scalper…

Si au départ j’étais sceptique au sujet de ce film, l’idée de voir Elijah Wood casser son image de gentil hobbit a eu le dessus. Résultat, j’ai été agréablement surprise.
Bien que de nos jours le cinéma d’épouvante et le cinéma gore se confondent (un peu trop) régulièrement, Maniac réussit à extraire le meilleur des deux genres pour nous offrir un film oscillant entre le frisson et le dégoût avec un certain équilibre. En filmant la quasi-totalité du film en camera subjective, Franck Khalfoun nous enferme dans une intimité forcée avec son “héros”, instaurant d’entrée de jeu un malaise et une tension grandissants au fur et à mesure que le film avance. Une fois aux premières loges, la dualité du personnage intrigue tant il passe du personnage doux, naïf et presque attendrissant au tueur sanguinaire et froid qui scalpe ses victimes. En effet, Franck Zito n’a rien du meurtrier patibulaire et misogyne qui en veut à toutes les femmes, mais c’est en fait un grand enfant qui n’a jamais résolu un complexe œdipien, comme nous le confirme les nombreux flash-backs qui segmentent le film. De sa traque nocturne au plaisir manifeste qu’il ressent une fois le crime accompli, rien ne semble arrêter Franck, pas même son obsession pour la belle Anna, une jeune artiste qu’il rencontre en cours de route.

Si le personnage est timide, la caméra, elle, ne l’est pas. Âmes sensibles, abstenez-vous ! Certaines scènes sont hautement dérangeantes et brutes, même pour un amateur du genre. A travers une mise en scène maîtrisée, Maniac suit le parcours torturé de Franck, tentant parfois de (trop) justifier ses actes tout en restant, heureusement, bien ancré dans le présent. Maniac reprend quelques clichés (le tueur qui pleure sa maman, la romance sucrée…), sans pour autant céder à l’exhibitionnisme facile et à la surenchère sanguinolente (la patte Aja doit y être pour quelque chose). Oui, c’est gore, mais c’est du gore “encadré” et non utilisé dans le but de faire vomir la galerie (comme dans la franchise Saw par exemple). Du coup, ces scènes sont nettement plus efficaces car dénuées d’artifice et rendues plus réalistes, donc crédibles (et si ça m’arrivait ?). La démarche originale du film, bien qu’il s’agisse d’un remake (Maniac de William Lustig en 1980), ne laisse pas indifférente et, même en grimaçant par moments, on ne peut détacher les yeux de l’écran. On apprécie la fidélité de Khalfoun à son sujet, qui suivra les délires psychotiques de son “héros” jusqu’à un final assez déjanté, mais finalement très logique.

Visuellement, les effets de style sont intéressants, notamment la façon de flouter l’image lorsque Franck perd le contrôle ou encore la caméra qui “quitte” le corps de Franck au moment où il tue ses victimes, comme pour accentuer son dédoublement de personnalité. Tout cela donne plus de vie au montage, qui souffre parfois des désagréments de la caméra unique et donc parfois limitée. La photographie privilégie les couleurs froides, ce qui accentue l’absence d’émotion rationnelle de Franck. Le choix de tourner en caméra subjective est audacieux et fonctionne bien mieux qu’un found footage – qui laisse souvent un sentiment de frustration – même si les moments où on aperçoit la trogne d’Elijah Wood ressemblent surtout à un rappel du style “n’oubliez pas que c’est bien lui qui joue, hin !”. Au niveau sonore, si la bande originale lancinante colle parfaitement au film, l’abus de jumpscares annoncés par un bruit strident et agressif est plutôt désagréable, d’autant plus que ces derniers sont inutiles.

Coté acteurs : grand habitué des rôles de gentils garçons (The Faculty en 1998, Hooligans en 2005 et bien sûr la saga Le Seigneur des Anneaux), la dernière fois qu’on a vu Elijah Wood jouer les bad boys c’était dans Sin City (2005) où déjà, il aimait bien découpé des femmes avec un sourire extatique. Dans Maniac, nous sommes portés essentiellement par le son de sa voix et finalement, on se prend rapidement au jeu. Face à lui, nous retrouvons Nora Arnezeder (Sécurité rapprochée, 2012) incarne Anna, dont la douceur et la “normalité” seront les seuls points de repères du film.

En conclusion, Maniac, pour être honnête, ne fait pas vraiment peur. Mais la force du film est ailleurs : son atmosphère dérangeante, l’intimité forcée et l’œil franc de la caméra ne vous laisseront pas indifférents. Malgré ses quelques défauts, Maniac surprend, captive et pourrait bien être le coup de fouet que le cinéma d’épouvante méritait pour se réveiller en 2013. A voir, donc.

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