Comédie, Thriller

[RATTRAPAGE] L’Ombre d’Emily, de Paul Feig

Le pitch : Stephanie cherche à découvrir la vérité sur la soudaine disparition de sa meilleure amie Emily.

Si Gone Girl avait une petite sœur qui cherchait à lui ressembler sans lui arriver à la cheville mais tout en ayant sa propre pointe de sel, ce serait L’Ombre d’Emily. En effet, le nouveau film de Paul Feig (SOS Fantômes, Spy, Mes Meilleures Amies…) ne brille pas par son originalité coté thriller, mais le ton choisit permet d’épicer cet ensemble incisif grâce sa petite dose d’humour noir.
L’histoire est simple (et pour le moins prévisible) : une femme disparaît, sa meilleure amie est inquiète et se rapproche du mari de la première, quitte à basculer. Rapidement, les soupçons tournent autour de ce triangle amico-amoureux, laissant entrevoir que les apparences ne reflètent pas la vérité. Avec la subtilité d’un soap opera, L’Ombre d’Emily abat ses cartes dignes d’un des meilleurs épisodes des Feux de l’Amour tant tous les clichés y sont réunis : l’assurance-vie augmentée juste avant la disparition d’Emily, le rapprochement entre Stephanie et le mari de la disparue, l’enquête qui révèle des secrets obscures sur la véritable Emily… Rien est épargné dans ce step-by-step du thriller pour débutant, comme si Paul Feig avait suivi tous les codes listés dans un livre imaginaire qui s’appellerait « le thriller pour les nuls ».

Les plus habitués du genre verront rapidement clair dans ce mystère trop fin, qui lorgne vivement du coté du film Gone Girl, à travers certains rebondissements évidents et la tentative d’utilisation des médias. Cependant, si le film de David Fincher se reposait sur une base à la fois solide, vicieuse et originale, L’Ombre d’Emily ne parvient pas à tisser une intrigue aussi réussie tans l’ensemble repose sur des twists bien trop commodes. Une jumelle ? Vraiment ? Désolée pour ce spoiler, mais au secours ! Cette excuse est la parade favorite de tous les soap opera qui ont pu exister, des Feux de l’Amour à Dallas, en passant par Sunset Beach ou encore Melrose Place… Si vous avez grandi dans les années 90, le coup du jumeau mystère reste une des pirouettes scénaristiques la plus flemmarde… après le « en fait, ce n’était qu’un rêve » !

Heureusement pour L’Ombre d’Emily, il y a un peu de Paul Feig à la réalisation et au scénario. Si l’aspect thriller est un échec, le soupçon de comédie noire sauve de justesse un film qui avait tout pour se vautrer. À travers ses personnages et une enquête qui creuse leurs facettes sombres (envie, luxure, cupidité…), le film ose un léger second degré salé qui relève la monotonie narrative.
Globalement, il faut être honnête, cela ne fonctionne pas très bien, mais l’ironie est bien trouvée, comme si le film se moquait de ses propres facilités. Résultat, L’Ombre d’Emily reste un film agréable à suivre, notamment grâce au cadre luxueux dans lequel l’ensemble évolue, ainsi que son intrigue à couches multiples et un humour décalé qui apporte une légèreté inattendue.

Mais le véritable atout du film reste ses personnages principaux : Paul Feig oppose la parfaite « soccer mom » un brin hyperactive à la businesswoman super glamour et s’amuse à briser leurs apparences trop propres à grand coup de mensonges, crimes et… inceste ! En fait, la question de savoir où est Emily devient rapidement inintéressante, ce qui booste le film c’est de découvrir le véritable visage de ces poupées modèles, entre provocation, cynisme et irrévérence.
Bon, par contre, ce n’était pas nécessaire de pousser le vice à raconter la suite des personnages dans le générique final, comme si c’était une histoire vraie…

Au casting, justement, Paul Feig mise sur l’image de ses actrices qu’il utilise à bon escient : Anna Kendrick (Pitch Perfect, Mr. Wolff, Hors Contrôle…) joue impeccablement un personnage oscillant entre la névrose et l’espièglerie cinglante, tandis que la célèbre Gossip Girl, Blake Lively (Instinct de Survie, Café Society…), rayonne comme la reine de la soirée, étrennant une garde-robe des plus glamours, hyper à l’aise dans son personnage vache à souhait. Autour d’elles, Henry Golding (Crazy Rich Asians…) est le dindon de la farce, tandis que parmi les supporters s’agitent Andrew Rannells (Girls…) et Jean Smart (Legion…).

En conclusion, Paul Feig n’est certainement pas David Fincher et a encore moins la plume acérée de Gillian Flynn : L’Ombre d’Emily fait pâle figure face à l’imposant Gone Girl. Cependant, si Paul Feig échoue à nous prendre au piège de son polar à tiroirs, il livre néanmoins une comédie policière noire animée par deux poupées de choc et de charme, déconstruisant la bienséance américaine avec une bonne dose de sulfure et d’acide. À voir, en connaissance de cause.

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