
Le pitch : Des avocates en droit du divorce quittent une équipe très majoritairement masculine pour ouvrir leur propre cabinet. Ensemble, elles mettent leur expertise au service des femmes, prêtes à tout pour les aider à remporter la bataille face à leurs ex-maris dans les divorces les plus complexes. Dans un monde où l’argent est roi et où l’amour est un champ de bataille, ces femmes vont changer la donne.
Créée par Jon Robin Baitz et Joe Baken
Disponible sur Disney+
Avec Kim Kardashian, Naomi Watts, Niecy Nash, Sarah Paulson, Glenn Close…
TW : attention, la série aborde les sujets du v_ol, du deuil et montre les images (certes floues) d’un suicide.
Mettant de coté ses obsessions horrifiques, Ryan Murphy produit ici un écrin tapageur, réunissant ses muses (fétiches ou récentes) face à des figures plus connues du grand écran, le tout porté par une pluie de guests délicieusement nostalgiques, tout droit sortis des années 90-2000. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que All’s Fair ressemble à une version clinquante, cunty et bordélique d’un Ally McBeal boosté aux hormones (d’ailleurs un petit clin d’œil attend les fans).
All’s Fair, c’est une série qui brille trop fort et qui cligne des yeux en même temps, persuadée qu’aligner du luxe, du girl power et des punchlines suffit à raconter quelque chose sur les femmes, le pouvoir et le patriarcat. En cours de route, cette série à personnalités multiples mute en soap opera outrancier, empilant rivalités rancunières, amitiés improbables, drames intimes et excès en tout genre : du sexe aux meurtres, des dialogues crus à l’étalage obscène de richesse. On n’y croit jamais vraiment, et pourtant… difficile de détourner le regard.
Fascination ou perplexité, la série entretient ce flou jusqu’au bout.
En vrai, ça passe ou ça casse ?
3 raisons où ça passe 😄
1. Une promesse de série féminine girl power (au moins dans l’intention)
Un cabinet d’avocates qui quitte un environnement masculin pour imposer ses règles, défendre des femmes face à des futurs ex-maris (trop) puissants et jouer avec les codes du pouvoir : le point de départ est séduisant. Même si la série simplifie parfois à l’extrême (riches maris méchants, épouses victimes), elle pose un cadre immédiatement identifiable et parfois accrocheur, semblant même vouloir gratter le vernis pailletées qui déborde dès le premier épisode. Au nom du féminisme, All’s Fair dégomme les hommes et prône l’indépendance féminine à tous les étages, dans des décors tous droit sortie du collection Barbie bling-bling et des héroïnes aux looks impeccables. Bref, la série cherche à nous en mettre plein la vue dès le départ.
2. Un casting inégal mais parfois irrésistible
Glenn Close et Naomi Watts s’en sortent grâce au prestige d’une carrière plus qu’honorable, donnant ainsi, un minimum de tenue à un univers souvent détouré à la pelleteuse. Mais l’immense point fort de la série, celui qui m’a fait revenir à chaque fois pour un nouvel épisode, c’est la performance de Sarah Paulson, absolument formidable dans un personnage totalement déjanté qui débite des punchlines improbables, comme si elle laissait libre court à toutes ses pensées intrusives. Son personnage, clairement sociopathe, assume le chaos, les dialogues crus, les métaphores singulières et la démesure avec un plaisir irrévérencieux et contagieux. Elle est clairement celle qui comprend le mieux la nature excessive du projet.

3. Une série qui attise la curiosité, malgré elle
On continue moins par adhésion que par interrogation : qu’est-ce que All’s Fair cherche à dire ? Jusqu’où va-t-elle aller dans la vengeance, le drama et l’outrance ? À force d’empiler sexe, rivalité, trigger warnings à la pelle et règlements de comptes, la série devient un objet étrange, presque hypnotique, qui donne envie de voir si elle osera aller encore plus loin. De plus, la série cumule une galerie de guests intrigants, ressuscitant parfois la carrière d’actrices oubliées, allant de Judith Light à Brooke Shield, en passant par Jessica Simpson, Eddie Cibrian (lol), Elizabeth Berkley ou encore Jennifer Jason Leigh. Là aussi, il y en a pour tous les goûts ! Bref, un hate watch qui se transforme parfois en guilty pleasure !
3 raisons où ça casse 😫
1. Une identité narrative totalement floue
Drama juridique, satire féministe, soap pulp 2.0 ou fantasme de luxe ? All’s Fair ne choisit jamais son camp mais enfonce toutes les portes ouvertes possibles (et ne prend pas souvent la peine de les refermer). Les divorces complexes passent vite au second plan au profit d’une rivalité vieille de dix ans entre ex-collègues revanchardes. La série se transforme en chronique de vengeance, confirmant malgré elles toutes les croyances sur les rivalités féminines, plus qu’en récit sur la justice ou la sororité. De plus, alors que les héroïnes se « battent » pour faire tomber les maris infidèles, violents ou autre, quand le vent tourne pour l’une d’entre elles, le scénario se montre bien plus clément et utilise des entourloupes commodes pour éviter qu’elles se fassent prendre à leur propre jeu. Et oui, il ne faudrait pas qu’une « gentille » se fasse avoir même en flagrant délit de faute ! Injuste, dans une série soi-disant judiciaire ? Totalement.

2. Des personnages caricaturaux et une sororité factice
On ne croit jamais vraiment à cette alliance féminine censée être le cœur du projet. Les personnages sont trop écrits comme des archétypes : Kim Kardashian fantasme sa vie d’avocate multi-millionnaire, Niecy Nash continue de m’agacer par son jeu geignard (pas étonnant que le spin-of de The Rookie n’ait pas fonctionné), Naomi Watts est cantonnée au rôle de la british rigide, tandis que Glenn Close joue les mères poules. Encore une fois, on y croit jamais et la série peine à trouver son capital sympathie, et ce ne sont pas les personnages secondaires qui aident en ce sens (Teyana Taylor hyper vulgos, Matthew Noszka à l’air d’un ex-gigolo devenu acteur…). Et quand All’s Fair se rappelle que ses intentions judiciaires, elle n’a quasiment rien d’autres à défendre que des femmes soi-disant naïves qui se sont en réalité mariées plus par intérêt que par amour et qui réalise tardivement le piège dans lequel elles se sont enfermées au moment où elles sont sur le point de perdre leurs conforts de vie. « Des femmes qui aident des femmes » nous dit-on dans le premier épisode, mais surtout des femmes de millionnaires, certainement pas la première venue. Résultat : l’émotion peine à exister, malgré la gravité de certains thèmes abordés car aucun personnage n’est accessible.

3. Un étalage de richesse qui étouffe tout le reste
Mode, contouring et make-up, luxe obscène, corps sculptés dans des gaines qui m’ont rendues asthmatique par procuration… Cet excès permanent rend la série légèrement vulgaire et criarde, vidant de sens ses rares moments de sérieux. Les trajectoires de femmes carriéristes et gagnantes sont écrasées par un vernis bling-bling qui transforme le propos en simple soap de luxe qui se rêve irrévérencieux mais qui ne propose finalement que du trashouille imaginé par un homme, qui ne cesse de proposer des portraits féminins finalement très caricaturaux (Pose, Scream Queens, Feud…).

En conclusion, All’s Fair est une série aussi excessive qu’indécise, fascinée par sa propre opulence. Si sa sincérité est mise à l’épreuve, la curiosité maintient l’attention. Une saison 2 sera peut-être l’occasion de vérifier si tout cela mène quelque part… ou si l’on vient simplement d’assister à un long, très cher et très cunty écran de fumée. À tenter, mais attention ce n’est pas pour tout le monde !

