
Le pitch : Une prétendue malédiction semble s’abattre sur un couple de jeunes mariés qui essaient de concevoir un enfant. Leur quotidien est filmé 24h sur 24h car ils participent à une émission de télé-réalité.
Créée par Nathan Fielder et Benny Safdie
Avec Emma Stone, Nathan Fielder, Benny Safdie…
Disponible sur Paramount+
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The Curse, la nouvelle série signée par l’acteur Nathan Fielder et le réalisateur Benny Safdie (Uncut Gems, Good Time…), disponible sur Paramount+, est une expérience singulière qui dérange autant qu’elle captive. Avec Emma Stone, Nathan Fielder et Benny Safdie dans les rôles principaux, la série nous embarque dans le quotidien d’un jeune couple, Asher et Whitney Siegel, impliqué dans un projet de télé-réalité sur fond de gentrification et de problématiques environnementales. Sous ses airs de satire, The Curse se révèle être une réflexion cinglante sur l’hypocrisie contemporaine, notamment dans le monde de l’influence, le culte de l’image et des bonnes actions « politiquement correctes ».

Dès les premiers épisodes, le malaise s’installe. Les Siegel, ce couple à la vie parfaite, sont filmés dans le cadre d’une émission de télé-réalité où ils proposent de réhabiliter un quartier déserté, avec pour argument de préserver un territoire amérindien non réclamé. Mais plus on avance, plus leur image lisse se fissure. Sous la surface bienveillante qu’ils s’efforcent de montrer, se cache une relation en crise et des motivations bien moins nobles que celles qu’ils prétendent. La série réussit brillamment à exposer cette façade de perfection, tout en montrant à quel point les personnages sont déconnectés des réalités qu’ils prétendent servir. Leur projet de gentrification écologique, qui semble vertueux en apparence, finit par nuire à une communauté locale, révélant ainsi toute l’hypocrisie de leurs actions et le détachement systématique dont ils font preuve face à la réalité.

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Rien n’est laissé au hasard, tant les personnage sont enfermés dans leurs propres rôles. Ben Safdie endosse celui du fauteur de troubles, exposant aussi bien ses propres failles que celle du couple. Les personnages sont mis à nu malgré eux, révélant leurs angoisses et leurs quêtes extrêmes de reconnaissance (ou de rédemption) – quitte à susciter le mépris des autres. La gêne laisse place à la satire, tant les personnages sont obnubilés par leurs ambitions respectives, qu’ils cherchent à tout prix à masquer derrière des intentions honorables. La série excelle à mettre en lumière l’absurdité des bonnes intentions mal placées de ses personnages et le décalage entre ce qu’ils montrent, ce qu’ils projettent et – le plus intéressant – la façon dont ils sont perçus. Le format de télé-réalité sert ici à amplifier cette dichotomie, offrant une plongée dans l’intimité des personnages et exposant leurs véritables failles. De nombreuses scènes sont purement jubilatoires : d’une conversation ubuesque dans une serre à tomates jusqu’au don faussement désintéressé d’une maison, en passant par la fameuse malédiction, du vol à l’étalage autorisé ou encore les a-prioris sur les minorités, The Curse est un trésor de moments cringes maîtrisés et absolument savoureux.

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Au casting : Emma Stone, fraichement doublement oscarisée pour La La Land et Pauvres Créatures, est excellente dans cette série, maniant habilement son personnage dévorée par son image et aveuglée par ses ambitions. Autour d’elle, les deux showrunners Benny Safdie (Licorice Pizza, Stars At Noon, Oppenheimer…) et Nathan Fielder (The Night Before, The Disaster Artist…) complètent un triangle fascinant d’égos torturés, entre l’envie d’être reconnu et celui d’être aimé à tout prix.
En conclusion, The Curse est une série intrigante et audacieuse, qui dépeint avec une finesse dérangeante les travers de notre époque, entre quête de perfection, de likes et de prétendues bienveillances. Pour ceux qui aiment les séries qui bousculent, qui déroutent et qui laissent une impression durable, The Curse est un choix incontournable. À voir.

/!\ SPOILERS /!\
Explications (ou interprétations) de l’épisode final :
Le dernier épisode est sans doute l’un des plus déroutants de la série (ou de nombreuses séries toutes confondues). Il cristallise toutes les thématiques explorées jusque-là, tout en poussant les personnages et la narration dans une dimension presque surréaliste. C’est une conclusion à la fois étrange et brillante, qui pousse à la réflexion sur la déconnexion des personnages avec la réalité, et sur les conséquences de cette distance dans leur propre vie.
Résumé : On retrouve le couple, quelques mois après la fin de leurs projets. Whitney est finalement enceinte, sur le point d’accoucher. Mais le fait le plus incroyable, c’est qu’on découvre qu’Asher est collé au plafond et dans l’incapacité de redescendre. Dans l’incompréhension la plus totale, le couple tente de trouver une solution mais Asher est irrémédiablement aspiré vers le haut. De peur d’entraîner son épouse, il l’enjoint à sortir de la maison pour appeler à l’aide, mais la panique aidante, Whitney commence à avoir des contractions.
En l’attente de l’aide des pompiers et de son doula, le couple parvient à sortir de la maison. Cependant, Asher, toujours aspiré vers le haut, est accroché au porche. Quand le doula arrive, il tente de l’aider mais Asher est emporté et parvient à se raccrocher de justesse à un arbre. Whitney étant de plus en plus en détresse, son doula l’emmène à l’hôpital pour accoucher, laissant Asher seul dans l’arbre, attendant les pompiers. Dougie, alerté par Whitney, rejoint Asher et les pompiers arrivent. Persuadé qu’Asher fait une crise de panique à l’idée d’être père, tous ignorent ses explications improbables. Les pompiers tentent de l’avoir par surprise, ne croyant pas à son histoire d’être aspiré par le haut, mais tout ce passe mal : Asher s’envole, irrémédiablement aspiré vers le haut, dans le ciel puis dans le confins de l’espace où il finit par mourir.
En parallèle, Whitney finit par accoucher toute seule, paniquée. Mais lorsqu’elle accueille enfin son nouveau-né, elle ne semble plus préoccupée par l’absence d’Asher.
Fin.

D’abord, il faut saluer la réalisation technique de cet épisode qui parvient à montrer un acteur collé au plafond, puis rampant de pièce en pièce, avec des effets spéciaux habiles et imperceptibles.
Ensuite, j’ai passé tout l’épisode scotchée, à me demander si je n’étais pas entrée dans la quatrième dimension ou si l’un des personnages rêvait. J’ai même recherché sur Google s’il était possible d’être aspiré dans une poche d’air de cette façon (spoiler dans le spoiler : non). Finalement, j’ai réussi à comprendre les intentions surréalistes de cet épisode qui raconte deux choses bien distinctes.
Premièrement : Asher. Dans l’épisode précédent, il avait littéralement baissé son froc pour reconquérir Whitney, faisant fi de toutes ses convictions pour qu’elle reste avec lui, malgré tout ce qu’elle a pu dire sur lui. Il s’est complètement désavoué et a préféré accepter l’humiliation plutôt que de la perdre, quitte à valider les actions discutables de Whitney et ses méthodes castratrices. En reniant ce qu’il est fondamentalement, il perd le sens des réalités et s’en retrouve en dehors. Ce genre de sacrifice le force à se raccrocher aux moindres preuves d’affections de Whitney, aussi branlantes soient-elles (même si ce n’est pas montré à l’écran).
Dans cet épisode final, alors que son bébé est sur le point d’arriver et que leur couple a l’air d’avoir retrouvé un peu de sérénité, il se retrouve littéralement aspiré hors du monde, tout simplement parce qu’il n’y appartient plus. Il aura beau essayer de s’y raccrocher, il sera inexorablement éjecté hors de la Terre, du temps et de la réalité !
Deuxièmement : l’enfer est pavé de bonnes intentions. Malgré ses appels à l’aide et les explications pourtant claires d’Asher, personne de l’écoute. Ni son « ami » Dougie, ni les pompiers. Chacun se fait une idée de sa situation et cherche à trouver une solution selon leurs propres cadres de référence (l’abandon du père et la perte de sa famille pour Dougie, une simple crise d’angoisse à l’idée de devenir père pour les pompiers).
C’est littéralement ce qu’a fait Whitney tout au long de la série. Fille de promoteurs immobiliers aux méthodes discutables, elle utilise leur argent pour tenter de s’émanciper de leurs sillages (ce qui est déjà paradoxal en soi) et cherche à se racheter une conscience en tentant d’aider une communauté amérindienne. Oui mais voilà : elle apporte une solution sans jamais demander à cette même communauté ce dont elle a besoin ou si elle fait, elle n’écoute pas les réponses et impose ses propres décisions soit-disants salutaires. Résultat, toutes ses bonnes actions (injecter de l’emploi, faire émerger l’art local, trouver des locataires solidaires, etc…) tombe à l’eau et elle finit par payer de sa poche pour sauver les apparences. « La volonté de bien faire ou de faire le bien aboutit parfois au contraire du résultat espéré. »
L’échec des pompiers est une représentation plus accessible : ils ont voulu aider Asher, sans l’écouter ni le croire, en se basant sur ce qu’ils pensaient être bon pour lui. Et au final, ils empirent la situation, provoquant la mort de ce dernier.
Et Whitney dans tout ça ? Whitney a de nouveau payé de sa personne et a donné naissance à son nouveau projet. Elle n’a jamais eu besoin d’Asher et encore moins maintenant qu’elle est devenue mère.
Voilà, j’espère que cela vous aura éclairé. N’hésitez pas à partager ce que vous pensez du final en commentaires ^^
