
Le pitch : Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, Lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
Adapté du récit autobiographique d’Azar Nafisi publié en 2003, Lire Lolita à Téhéran est un film qui embrasse une histoire intime autant qu’universelle : celle de femmes cherchant à respirer dans un monde qui les étouffe. Suivant le parcours d’une professeure de lettres revenue en Iran après des années passées aux États-Unis, Eran Riklis (Spider in the Web, Mon Fils…) dépeint le basculement d’un pays où l’espoir révolutionnaire se mue rapidement en régime autoritaire. Dès le début du film, les débats sur le roman « Gatsby Le Magnifique » de F. Scott Fitzgerald deviennent le prélude à une oppression grandissante, qui pousse l’héroïne et quelques étudiantes à inventer un espace clandestin de liberté : un club de lecture.

Ce qui frappe d’abord, c’est la simplicité de la mise en scène. On pourrait presque reprocher au film son classicisme un peu sage, mais cette retenue se révèle être une force : elle met en lumière les femmes et leurs récits sans jamais chercher à forcer l’émotion. Les actrices, toutes iraniennes exilées, portent avec une intensité rare le poids de l’histoire, et donnent chair à cette révolution confisquée qui a trahi ses promesses d’émancipation. Leur jeu, à la fois sobre et vibrant, transforme chacun de ces rendez-vous secret en un acte de résistance, d’autant plus que toutes partagent une histoire personnelle différente. Du régime en place à leurs relations avec les hommes Lire Lolita à Téhéran s’avère malheureusement encore trop actuel pour tomber dans les oubliettes.

Malgré son titre accrocheur, Lire Lolita à Téhéran ne s’attarde pas tant sur le roman de Vladimir Nabokov qu’on pourrait le croire. En réalité, le film est structuré en chapitres portant le nom d’auteurs ou de romans emblématiques (Gatsby, Lolita, James et Austen) et évoque ainsi tout un pan de la littérature occidentale bannie par le régime. Plutôt que de se concentrer sur un seul texte, l’histoire préfère montrer la puissance collective des livres comme vecteur de dialogue, de rire, d’amour et de survie.

Eran Riklis réussit surtout à trouver la bonne tonalité pour rendre son film lumineux malgré la gravité de son sujet. Dans cette bulle fragile, ces femmes continuent à rire, danser, rêver et à croire, même brièvement, qu’une autre vie est possible. Ce mélange d’humour, d’espoir et de courage rend hommage à la résilience de celles qui n’avaient que leurs mots et leur solidarité pour résister.
Sans jamais céder au mélodrame, Eran Riklis signe une ode à la liberté et à la féminité (comme le dit l’affiche avec justesse). Plus encore, il rappelle avec délicatesse que derrière chaque régime qui oppresse, il existe des voix qui persistent à lire, à rire, à chanter, à danser et à lutter. Et que ces voix, portées par des femmes, finissent toujours par résonner bien au-delà des murs qui veulent les enfermer.

Au casting, comme indiquée plus haut, les actrices sont iraniennes et toutes… d’une beauté époustouflante ! On y retrouve la magnifique Golshifteh Farahani (Roqya, Tyler Rake 2, Paterson…), entourée par Zar Amir Ebrahimi (Les Nuits de Mashhad, Les Survivants…), Mina Kavani (Enquête sur un scandale d’État, La Sirène…), Bahar Beihaghi (Blue Bloods…), Isabella Nefar ou encore Lara Wolf (Those About To Die…), tandis qu’Arash Marandi (All You Need, Téhéran Tabou…) incarne l’un des rares hommes qui attirent un peu de sympathique dans le film.
En conclusion, Lire Lolita à Téhéran s’impose comme un film simple mais nécessaire, qui célèbre la force des femmes et le pouvoir intemporel de la littérature, porté par une chorale d’actrices incarnées et superbes. Eran Riklis livre un hommage vibrant à celles qui, même dans l’ombre, refusent de se soumettre sans se battre, pour elles-mêmes mais aussi pour celles qui n’osent pas ou ne peuvent plus. À voir.

