Le pitch : Alors que Jean, maire très conservateur d’une petite ville du Nord, est en campagne pour sa réélection, Edith, sa femme depuis quarante ans, lui annonce une nouvelle qu’elle ne peut plus taire… Au plus profond de son être, elle est – et a toujours été – un homme.
Un Homme d’Exception, Un Homme Idéal, Un Homme Pressé… Le genre humain ne cessera jamais de fasciner, de drame en thriller en passant par des comédies, comme le prouve le nouveau film de Tristan Séguéla (16 ans ou Presque, Rattrapage, Docteur ?), Un Homme Heureux. Honnêtement, vu le sujet et la filmographie du monsieur, j’avais de sacrés doutes sur ce film, ayant peur de voir le la communauté LGBT réduite à un film pour beaufs, baignant dans l’humour potache et la caricature grotesque. Au final, j’ai cédé à la curiosité, surtout pour le casting : j’imaginais mal Catherine Frot et Fabrice Lucchini donner dans la transphobie ordinaire en toute quiétude. Et j’ai bien fait.
On va pas se mentir, Un Homme Heureux s’adresse à une cible qui ressemble à ces personnages. À l’heure où l’identité de genre continue de faire débat, chez les plus jeunes d’entre nous c’est devenu plutôt courant et compris (à défaut d’être toujours accepté). Mais pour la population plus mature et/ou plus conservatrice, la transexualité reste un sujet nébuleux, considéré au mieux comme une tendance de jeunes, au pire comme une lubie passagère. Ce que j’ai apprécié dans le film Un Homme Heureux, c’est que le scénario autorise à ses personnages le droit de réagir à l’annonce d’un homme assumant sa nouvelle identité.
En effet, le plus compliqué dans les phénomènes « woke » c’est souvent l’impossibilité de questionner, tant toute tentative de comprendre, même maladroite, peut rapidement être perçue comme hostile voire transphobe. Or, aussi ouvert soit-on, la surprise et le choc restent des réactions tout à fait humaines, et parfois le chemin vers l’acceptation peut être long, voire même passer par la case du rejet.
À travers une comédie s’amusant des clichés « vieille France », le film de Tristan Séguéla observe la relation d’un couple qui s’étire alors que le mari découvre que sa femme a entamé une transition. Maire d’un village dans le Nord de la France, cocooné à la culture locale et limité par des idéaux poussiéreux, Un Homme Heureux bouscule la vision du monde paisible et binaire de ses personnages. Même si les dialogues s’autorisent des remarques politiquement incorrecte pour étoffer l’ensemble, la sincérité des personnages prend le dessus et on comprend rapidement que le film cherche plus à retranscrire les réactions des uns et des autres que de se moquer du héros en pleine transition. Mieux encore, la démarche du personnage Catherine Frot est entourée d’une bienveillance salutaire, proposant même une petite parenthèse éducative pour expliquer (dans les grandes lignes) la transexualité.
Toutefois, Un Homme Heureux est tout sauf un drame. L’humour est présent, mais c’est surtout l’amour qui est au centre à travers l’histoire de couple marié et solide depuis des années, qui va voir sa relation chahutée par une variable de taille. Le film de Tristan Séguéla manque souvent de subtilité, mais réussit, grâce à un certain humour au second degré, à nous attacher aux personnages. Et oui, même si certains dans la salle ne comprendront pas tout de suite, ce n’est pas le fait de voir une femme en costume qui est drôle, mais plutôt les situations et les réactions assez rétrogrades de son mari !
Si l’ensemble est sympathique et pourra probablement éclairer le public d’un certain âge, Un Homme Heureux propose une comédie gentillette mais au rythme un poil maladroit. Une fois l’installation comique passé, la priorité des enjeux des personnages s’inversent, créant un ventre mou aux motivations tardivement compréhensibles. Heureusement, l’acte final plein de tendresse et de bienveillance vient adoucir ce long métrage aussi solaire que sommaire. La réalisation de Tristan Séguéla manque souvent de dynamisme, ce qui n’avantage pas le scénario plutôt linéaire. Si je ne doute pas d’une future programmation sur TF1 ou France 2 un dimanche soir, je me demande si toute l’intrigue autour de la campagne électorale du nouveau maire n’était pas un frein au récit qui aurait eu plus d’intérêt en n’ayant que le couple au centre.
Au casting, deux monstres sacrés de la comédie française se font face : Catherine Frot (La Fine Fleur, Sage Femme, Sous Les Étoiles de Paris…) rayonne dans un rôle qui aurait très facilement pu virer à la caricature. Mais heureusement, sans en faire trop et en partageant des motivations simples, l’actrice nous embarque facilement dans la transition de son personnage. De son coté, Fabrice Lucchini (Le Meilleur Reste à Venir, Alice et le Maire, Un Homme Pressé…) est tout aussi solide, même si ses moments hystériques le rapprochent un peu trop du style de Christian Clavier, ce qui est extrêmement bizarre.
Autour d’eux, on retrouve Philippe Katerine (Le Poulain, Le Grand Bain…), Artus (J’adore Ce Que Vous Faites, Le Bonheur des Uns…) et Grégoire Bonnet (Arthur Rambo, Le Sens de la Fête…) dans l’entourage proche, tandis que quelques comédiens et humoristes viennent hanter le paysage, comme Agnès Hurstel (Coupez !, Jeune et Golri…), Paul Mirabel (Classico…), Haroun (Selfie…) ou encore Thomas VBD (Play…).
En conclusion, j’ai été agréablement surprise par Un Homme Heureux qui aborde le sujet de la transexualité avec humour, bienveillance et quelques pincettes, tout en s’adressant à un public plus mature (ou moins ouverts). Alors oui, ça reste en surface et il y a un petit coté « la transexualité pour les nuls », mais le film de Tristan Séguéla autorise la réflexion, le doute et les questionnements, tout en prônant l’écoute et le dialogue avant tout. À voir.
Dunno the movie 