Drame

Spring Breakers : Du racolage assumé sans véritable intérêt

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Depuis plusieurs mois, le sulfureux Spring Breakers fait couler beaucoup d’encre et de salive, particulièrement à cause l’hyper sexualisation et l’exhibition de jeunes actrices (principalement issues de l’écurie Disney) qui s’exposent joyeusement en string pour faire la promotion du film. Publicité racoleuse pour appâter le public ou petit bijou indépendant et audacieux ? Une chose est sûre, c’est que Spring Breakers ne fait pas dans la publicité mensongère : sexe, alcool, drogue et violence… Ce que Spring Breakers promet, Spring Breakers le délivre. Le film cultive tous les clichés possibles pour plaire à une jeunesse (navrante) bercée par MTV et donne vie à tous les fantasmes adolescents et masturbatoires imaginables. Derrière une réalisation psychédélique, arty et enivrante, Harmony Korine met en scène l’absence de l’innocence dans un monde où la morale n’a plus vraiment sa place. Le hic, c’est que Spring Breakers va tellement jusqu’au bout de ses idées qu’il est finalement difficile de discerner s’il faut le prendre au pied de la lettre ou s’il y a un message sensé caché en filigrane… Dans le premier cas, Spring Breakers n’est rien de plus qu’une sorte de Projet X (2012) au féminin, exacerbé et dopé au pop-art acidulé ; dans le dernier cas, le film était une belle tentative, malheureusement l’intrigue stagne rapidement en eaux troubles et il ne reste plus qu’un emballage répulsif à souhait.

Le pitch : Quatre amies décident de se rendre en Floride pour faire la fête au cours du spring break. Afin de combler leurs cagnottes, elles braquent un fast-food et mettent les voiles, mais la fête tourne court lorsqu’elles finissent par se faire arrêter. C’est alors qu’un malfrat, nommé Alien, leur paye la caution, et leur propose de travailler pour lui.

Le spring break est souvent utilisé en toile de fond dans les teen-movies estivaux (Piranha 3D, en 2010) ou pour illustrer des documentaires alarmants sur des tendances sympathiques tel que le « binge drinking » (bonjour M6). Considéré comme une parenthèse bénie par les étudiants américains, à la fin de l’hiver ou au début du printemps, le spring break est donc l’occasion de lâcher prise pendant une semaine et de faire la fête non-stop. Une tradition américaine qui chaque année sombre un peu plus dans la déchéance et la surenchère, donnant naissance à des programmes télévisés au goût douteux (mais mérités), tel que Girls gone wild (les filles se déchaînent).
Et aujourd’hui, Spring Breakers. Voilà un historique qui laisse dubitatif…

Pour son film, Harmony Korine s’inspire directement de l’énergie débordante, et sans limite du spring break pour y transposer ses personnages : 4 jeunettes désabusées et irresponsables en quête de sensations fortes et leur mentor, un caïd tout droit sorti d’un clip vidéo de gangsta-rappeurs collectionnant aussi bien l’artillerie lourde que les clichés attendus. La première partie de Spring Breakers agit comme une poussée d’adrénaline euphorisante, nous propulsant dans un univers à la fois fluo et envoûtant, ressemblant à un trip sous acide où les images glissent les unes sur les autres. Bercés par une bande son omniprésente, mélangeant des rythmes électro alternatifs (Skrillex) et l’amplification des bruits agressifs, les dialogues s’étirent et se répètent jusqu’à ce qu’ils se dénaturent. Spring Breakers résonne comme des fragments de rêves récurrents qui hantent les recoins de notre cerveau avec insistance. Le rêve se poursuit jusqu’au fameux spring break, insouciant et imperturbable, et se fond dans un méli-mélo de plans offrant généreusement des scènes de beuverie, de corps à moitié nus, de nez qui sniffent et de bouches qui fument.
Et soudain, c’est la redescente. Tel l’effet d’un stupéfiant, la période bienheureuse s’interrompt brutalement lors de l’arrestation de notre quatuor de choc, suivi par la rencontre avec leur « sauveur ». Spring Breakers entame alors une pseudo descente aux Enfers, d’une part bien méritée et, d’autre part, bien trop édulcorée à mon goût.

Quel est donc le but finalement de ce fameux Spring Breakers, en dehors de vouloir narrer l’histoire improbable d’un gang de trois gamines et demie (l’une d’elles se carapate en cours de route), à peine sortie de l’adolescence et qui n’ont qu’une envie : faire la fête, coûte que coûte ? Devons-nous s’enthousiasmer et se laisser prendre par l’effervescence communicative ou doit-on sombrer tête la première dans un sac à vomi devant cette avalanche de débauche gratuite et gênante, outrageusement vulgaire et trop souvent incohérente pour être excusable (peut-on être un pseudo-gangster et s’émouvoir devant un dessin animé ou chanter du Britney Spears) ?
Pour ma part, après une semaine et demie de digestion, je reste perplexe et partagée. Je suis surtout effarée quand je réalise que ce film va attirer un public assez extrême, oscillant entre des ados venus voir leurs idoles s’émanciper sur grand écran et des pervers adultes émoustillés par ces actrices au corps de femme et à la bouille d’enfant s’exhibant tout du long en bikini. Sans parler du message superficiel, libidineux et dangereux que le film véhicule en ne parvenant pas à trancher dans le vif ni à en faire ressortir un certain réalisme. En effet, plus le film avance, plus Spring Breakers ressemble plus à une caricature, en donnant vie à des ersatz de personnages sortis de clips vidéos (des clips censurés de Snoop Dogg à de la variété internationale du type PitBull…), alternant le rôle de la bimbo aux yeux de Bambi et celui de la méchante fille qui remplace la ponctuation par le mot « fuck », en étant aussi crédible qu’une bande de gamins jouant aux cowboys et aux indiens dans la cour de récré. Il en faut plus, finalement, qu’une mise en scène appliquée et originale, accentuée par une photo rose bonbon et acidulé, pour faire oublier la vacuité du scénario et ses personnages agaçants.

En exagérant son film sur tous les fronts, Harmony Korine ne se soucie pas suffisamment de son sujet qui peine à se dégager du bordel ambiant, résultat : tous ces efforts tombent à l’eau. Car oui, il y avait un but derrière tout ça, celui de montrer la jeunesse américaine sous son vrai jour (ou au moins une jeunesse sous un certain jour…), décomplexée, abusive et sans limite, loin du carcan puritain et innocent qu’on veut lui imposer, souvent pour sauver la face. Une réflexion cinglante et pourtant juste d’une jeunesse errante et abrutie par des médias vantant des valeurs de plus en plus discutables et Harmony Korine s’est donc chargé de nous délivrer le film que nous méritons. Spring Breakers s’assume et tente de jouer avec ses codes (les gamines qui minaudent en agitant des gros flingues, le bad boy bling-bling qui mime une fellation et chante du Britney Spears au piano…), mais le manque de naturel et toute cette fausse sensualité vire au grotesque.
Spring Breakers répugne et irrite plus qu’il n’amuse, par sa vulgarité et ses personnages tête-à-claques. On finit par attendre le moment glauque où ces quatre écervelées finiront par s’en prendre plein la tronche, en vain puisque le film se conclue une note étrangement positive, malgré tout, comme si tous les actes commis étaient justifiés, courageux et valables. Encore un message intéressant…

Coté casting, Harmony Korine a frappé fort en réunissant des acteurs inattendus. Des quatre sirènes en bikini, Selena Gomez (de la série Les Sorciers de Waverly Place) est peut-être la moins pénible, car la plus sage, tandis qu’Ashley Benson (vu dans la série Pretty Little Liars), Vanessa Hudgens (High School Musical, Sucker Punch) et Rachel Korine rivalisent de pouffiasserie avec une mention spéciale pour un jeu débordant de minauderie, de gémissements et de soupirs interminables (ce qui doit passer pour de la sensualité dans leur imagination). A leurs cotés, James Franco (la saga Spiderman version Raimi, 127 heures, La Planète des Singes : les origines) était peut-être le nom le plus rassurant du casting et pourtant, malgré une interprétation géniale qui répond certainement à la direction d’Harmony Korine, son personnage insupportable et peu crédible prend le dessus et ne parvient pas qu’à nous exaspérer chaque minute un peu plus.

En conclusion, Spring Breakers a su susciter de l’intérêt et frapper fort, malheureusement, après une première partie prometteuse, le film ne remplit pas son contrat. Pour compenser, Spring Breakers surfe sur du vide et tente de le compenser par du graveleux. Autant regarder MTV et ses émissions brillantes en continu pendant toute une journée, cela revient au même. Quoiqu’il en soit, ce n’est certainement pas un film à voir en famille et l’interdiction aux moins de 12 ans est bien trop douce.

Je vous laisse avec une autre affiche du film, bien différente de celle que l’on connait.

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C’est quand même mieux, non ?

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