
Le pitch : Agnes et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux.
Grand Prix controversé au Festival de Cannes 2025, Valeur Sentimentale de Joachim Trier (Back Home, Thelma, Julie (En 12 Chapitres)…) est un drame familial où la réunion de deux sœurs avec un père absent depuis des années cristallise ressentiments et non-dits. Si la mise en scène est proche de la maestria, la promesse de profondeur psychologique se heurte à un récit parfois longuet et attendu. Après un Julie (En 12 chapitres) certes dramatiques mais tout de même plus lumineux, Valeur Sentimentale propose un drame plus grave et pesant, préférant également une structure plus linéaire et classique, agrémentée de quelques souvenirs nébuleux.

Avec ce film, Joachim Trier se penche sur les strates de relations complexes, entre une sœur comédienne rejetant son père cinéaste et une autre plus apaisée qui tente de composer avec une vie domestique ordinaire. L’histoire, classique dans son opposition père égoïste vs fille en mal d’amour, prend toute son ampleur lorsque le cinéaste, refusant le refus de sa fille, décide de modeler une jeune star hollywoodienne à son image. C’est un ressort dramatique intéressant, mais le reste du récit peine à surprendre : les dialogues et les non-dits s’étirent sur deux bonnes heures sans apporter de révélations vraiment inédites sur la psyché des personnages.

Là où Julie (En 12 chapitres) célébrait la vitalité et la complexité de l’individu dans sa quête de sens, Valeur Sentimentale enferme ses personnages dans un héritage familial lourd et répétitif. Pourtant, les deux films se répondent presque comme le jour et la nuit : l’un brille par son audace narrative et sa photographie lumineuse, l’autre par sa mise en scène élégante, mais plus pesante, à l’esthétique plus diaphane.

Car en effet, c’est dans sa mise en scène que Joachim Trier fait preuve d’un talent indéniable. La maison familiale devient le témoin omniprésent et silencieux des traumas transgénérationnels : elle conserve la mémoire des blessures et des moments heureux ou douloureux, et sert de pivot visuel au récit. C’est là que le film gagne son souffle et son envergure, offrant des plans plus parlants que certains mots et qui restent en tête bien au-delà de la salle de cinéma.

Malgré tout, Valeur Sentimentale arrive presque à chasser l’ennui grâce à aux talents esthétiques et techniques du réalisateur, le pendant dramatique du récit peine à émouvoir. Les amateurs de Joachim Trier et les cinéphiles sensibles à la puissance des cadres et à la direction d’acteurs trouveront probablement leur compte, tandis que ceux qui cherchent une dissection psychologique originale devront composer avec une certaine longueur et des effets dramatiques prévisibles.

Au casting : Joachim Trier retrouve Renate Reinsve (Julie (En 12 Chapitres), Présumé Innocent, A Different Man…) dans le rôle principale, livrant une facette diamétralement opposée à son film précédent, face à un Stellan Skarsgård (Dune : Deuxième Partie, Thor: Love and Thunder, Andor…) obsessionnel et froid. À l’affiche également, Elle Fanning (The Great, Un Parfait Inconnu…), Inga Ibsdotter Lilleaas (A Beautiful Life…), Anders Danielsen Lie (Mothers’ Instinct, Personal Shopper…) ou encore Jesper Christensen (Spectre, Melancholia…) dans un ensemble relativement dépouillé.
En conclusion, Valeur Sentimentale séduit par sa mise en scène habitée mais s’enlise dans un drame familial trop balisé. Joachim Trier livre un film élégant, certes, mais qui peine à dépasser la technicité et l’impact implicite de ses images. À tenter.

