Super héros

[CRITIQUE] Thor: Love and Thunder, de Taika Waititi (sans spoiler)

Dans la lignée de Thor – Ragnarok, ce nouvel opus des aventures du Dieu Asgardien baigne toujours dans l’exubérance colorée et l’humour régressif, boosté cette fois-ci, par les rifs de guitares endiablées des Guns N’Roses. Thor: Love and Thunder joue la carte de la bonne humeur estivale, dans un ensemble qui ne sera pas exempte de noirceur, notamment grâce à la présence de Christian Bale et la storyline de Natalie Portman. Ceci étant dit, j’aurai aimé voir Thor gagner un peu plus de maturité dans ce nouveau chapitre, surtout après les événements d’Avengers – Infinity War et Endgame qui lui ont pourtant coûté… à peu près tout.  

Le pitch : Alors que Thor est en pleine introspection et en quête de sérénité, sa retraite est interrompue par un tueur galactique connu sous le nom de Gorr, qui s’est donné pour mission d’exterminer tous les dieux. Pour affronter cette menace, Thor demande l’aide de Valkyrie, de Korg et de son ex-petite amie Jane Foster, qui, à sa grande surprise, manie inexplicablement son puissant marteau, le Mjolnir. Ensemble, ils se lancent dans une dangereuse aventure cosmique pour comprendre les motivations qui poussent Gorr à la vengeance et l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

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3 ans après le massif Avengers – Endgame, Thor est de retour en salles et c’est le premier super-héros de l’écurie Marvel Studios à s’offrir un quatrième opus. Dernière la caméra et au scénario, on retrouve Taika Waititi, le réalisateur néo-zélandais qui a su renouveller l’image de l’homme au marteau, ce dernier ayant bien eu du mal à trouver sa place à travers ses deux premiers films. Thor – Ragnarok s’est inspiré du moule « action hero » qui a façonné les années 80, pour dessiner un personnage plus accessible, quelques parts entre l’éternel adulescent et le super-héros presque invincible. 

Cependant, malgré son univers coloré et rock’n’roll, le personnage de Thor n’a pas été épargné. De Hela à Thanos, notre super-héros a beaucoup perdu en cours de route (on peut même dire que c’est celui qui a le plus morflé), entre la mort de personnages proches –  son père Odin, Loki, Heimdall, les Warrior Tree et surtout sa terre asgardienne – et la perte de confiance en lui quand il n’a pas réussi à stopper Thanos à temps dans Avengers – Infinity War. Nous avions donc quitté un Thor post-Endgame tout juste d’aplomb, suffisamment pour tenir tête à Star Lord, et avec quelques kilos en plus. La question était donc : dans quel état allions-nous retrouver notre héros blondinet ?
Très rapidement, les studios Marvel ont annoncé le retour de Natalie Portman dans le rôle de Mighty Thor, puis l’arrivée de Christian Bale dans le rôle de Gorr, le tueur de Dieux. Une annonce alléchante pour les fans des comics, puisqu’il s’agit d’un coté d’un personnage récent mais déjà devenu iconique et, de l’autre, d’un vilain des plus flippants. Ces deux figures marquantes dans un univers piloté par Taika Waititi avaient de quoi étonner. 

Et il y a de quoi : dès les premières minutes, Thor: Love and Thunder retrouve l’ambiance échevelée de Ragnarok, entre un humour bien présent, une bande-originale rock’n’roll et un Chris Hemsworth en pleine forme, toujours près à s’amuser dans la peau de ce Thor un peu bênet (admettons-le). Une installation qui m’a un peu fait grincer des dents, puisque cette partie donne l’impression que le héros n’a pas vraiment été affecté par toutes les galères qui lui sont arrivées. Le film démarre de manière précipitée pour retrouver son tempérament exalté, dans un cadre hyper coloré et qui déborde de partout, à la fois pour amuser la galerie mais aussi pour embarquer ceux qui découvriraient ce personnage au cinéma (il y en a). 

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C’est, pour ma part, le gros point faible du film. En voulant reproduire la même recette que Ragnarok, Taika Waititi en fait des caisses dans l’humour et semble avoir balancé tous les pots de peinture qui lui sont tomber sous la main sur l’écran, pour lui donner une sorte d’identité cossue. Sauf que, si dans Ragnarok, cela apportait une certaine fraîcheur décomplexée et de la nouveauté attendue autour du personnage, dans Thor: Love and Thunder, le style devient vite poussif, répétitif et attendu. Les moments comiques sont prévisibles (le discours héroïque ponctué par une catastrophe causée par ledit héros qui pensait bien faire…) et, pire, cela porte même préjudice à la présence des Gardiens de la Galaxie qui ont du mal à trouver leur place dans cette cacophonie décousue.
Difficile de passer du Thor paumé d’Endgame à cette nouvelle version testostéronée, tant les gimmicks et les essais comiques pullulent, avec pour prétexte une forme d’échappatoire émotionnelle pour éviter de souffrir. Certes, mais l’image du Dieu du Tonnerre doit-elle en souffrir pour autant ? Il est loin du Thor sérieux des comics, le voici toujours aussi décalé et semblant toujours arriver comme un cheveu sur la soupe où qu’il aille, tandis que le film essaie vainement de nous faire croire à son cœur meurtri qui refoule son mal-être. 

Et j’en viens à l’autre point faible du film selon moi : fallait-il retrouver le Thor romantique des premiers films ? Je ne pense pas. Même si les love interests des super-héros donne du corps aux personnages, l’approche de Taika Waititi manque véritablement de subtilisé et ce, parce qu’il s’évertue à dépeindre Thor comme un grand adolescent qui refuse d’affronter les drames qu’il a vécu et se raccroche au souvenir de sa feue romance avec Jane Foster pour vanter les mérites de l’amour avec un grand A. Encore une fois, la crédibilité du héros pallie devant les nombreux essais du film qui oscille entre la rigolade forcée à chaque scène et les moments mal amenés où Taika Waititi tente de faire maturer son héros. 

Heureusement, tout n’est pas à jeter, même si Thor: Love and Thunder reste globalement décevant. Quelques pointes d’humour sont efficaces (notamment les chèvres hurlants et, surprise, Stormbreaker !), mais ce seront surtout la présence de Gorr et de Mighty Thor qui vont étoffer le film, permettant d’entre-apercevoir ce qu’aurait pu être ce film sans cette impression de comédie forcée.
Aussi attendue que crainte, l’adaptation de Jane Foster en (Al)Mighty Thor reste, dans l’ensemble une réussite, car elle ramène le film dans un cadre plus humain et moins fantaisiste grâce à une storyline aux portes de l’espoir, qui va justifier son retour dans la franchise. Alors oui, on est un peu sur une excuse capillotractée, mais le plaisir de revoir Natalie Portman à l’écran prend le dessus et j’ai aimé la dualité de son personnage où son alter égo héroïque cohabite avec une forme de fragilité intéressante. Cette empreinte dramatique étonne autant que l’incarnation de ce Mighty Thor incroyablement conquérant (qui a dit « plus que Thor lui-même ! » ?). Après Captain Carter à la place de Captain America ou encore Pepper Potts en Rescue (Iron Man 3, puis Avengers – Endgame), la version féminine de Thor – déjà excellente sur le papier – ouvre un nouveau champ possible alléchant dans un MCU qui manque de mixité.  

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Face à elle, Christian Bale incarne le super-vilain du film, aka Gorr et réussit à faire plonger ce film familial dans un terrain de jeu cauchemardesque, sans jamais (malheureusement ?) retrouver un look similaire à sa version papier. Comme James Wan l’avait osé avec la séquence de la Trench dans Aquaman, Taika Waititi parvient à créer un univers sombre, monochrome et presque flippant, qui se démarque dans l’imagerie colorée du film, jusqu’à l’assumer dans une scène particulièrement réussie. Alors que le super-héros passe difficilement à l’âge adulte et a bien du mal à garder son sérieux même face à une ribambelle de gamins effrayés, ces personnages apportent plus d’étoffe, de noirceur et finalement d’humanité à un film qui préfère s’amuser.

Et c’est peut-être ça le vrai problème de ce Thor: Love and Thunder. Si l’histoire essaye de nous montrer un Thor solide qui garde le sourire malgré toutes les pertes qu’il a essuyées, le film échoue quand il s’agit d’illustrer cet aspect du personnage qui va rester dans l’humour et la déconne pendant la majeure partie du film, là où on aimerait qu’il grandisse un peu. Face aux motivations de Mighty Thor et de Gorr, les ambitions de Thor semblent plutôt floues et ce n’est pas le dernier acte du film qui rassurera les aficionados du super héros.

Visuellement, Thor: Love and Thunder assume son affiliation au genre space opera, avec ses personnages et ses créatures fantaisistes, ainsi que ses aventures en terres extraordinaires. L’effet kiss cool, cependant, reste l’abus de numérique puisqu’on ressent vraiment que les acteurs évoluent dans un espace minimaliste pour que les décors soient intégrés via les effets spéciaux en post-production. La magie opère moins bien pour le sixième film de la Phase 4 du MCU, ce qui colle plutôt bien, finalement, à l’impression que le chapitre post Avengers – Endgame semble éparpillé.

Et c’est d’autant plus dommage car pour la première fois, un film sur Thor explore la notion de déité au-delà d’Asgard, notamment avec une rencontre improbable avec Zeus, le dieu suprême de la mythologie grecque. Taika Waititi en profite pour effleurer d’autres mythologies existantes (avec un clin d’œil pour la communauté Maorie et pour les fans de Pixar…), comme un parallèle involontaire à la série Moon Knight. Mais, trop occupé par les nombreux personnages déjà présent dans le film, Thor: Love and Thunder fait l’effet d’une mise en bouche trop fugace pour donner envie d’en voir plus. 

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Globalement, j’ai été un poil déçue par ce Thor: Love and Thunder. Même si je m’attendais à un bis repetita de Ragnarok, j’espérais que ce quatrième opus creuserait un peu plus le potentiel dramatique de ce héros injustement mal représenté dans le MCU. Derrière le comique de service, le grand ado tout en muscle, il y a pourtant un personnage qui a tout perdu en cours de route et qui aurait mérité qu’on s’y attarde, plutôt que d’enfouir tout cela sous des couches de peintures criardes et un sourire de face, dans une volonté visible de marquer les esprits par son univers graphique et une ambiance régressive proche de l’adulescence (un créneau déjà habilement pris par Les Gardiens de la Galaxie, au passage). La bonne nouvelle, c’est que le film de Taika Waititi est suffisamment riche en rebondissements et en spectacle pour maintenir l’attention du public. J’apprécie également le sous-texte pro-LGBT+ qui entoure certains personnages, tout en douceur et sans chercher à en faire une exception – dans un film calibré pour la famille, c’est rafraîchissant. 

Au casting : Chris Hemsworth (What If…?, Spiderhead, Men in Black: International…) reprend du service, plus musclé que jamais – peut-être même un peu trop – et continue d’inscrire Thor dans un registre comique qui, même bien exécuté, ne fait que décrédibiliser son personnage. À ses cotés, Tessa Thompson (Clair Obscur, Creed 2, Sorry To Bother You…) est de retour dans son nouveau rôle de Roi d’Asgard et le réalisateur Taika Waititi (Free Guy, The Suicide Squad, Jojo Rabbit…) revient également dans le rôle de Korg, le side-kick tout en pierre. Deux personnages qui rempilent de bonnes grâces, mais qui se révèlent plutôt accessoires.
Coté retrouvailles, une Natalie Portman (Vox Lux, Annihilation, Song To Song…) toute en muscles reprend son rôle de Jane Foster avec cette fois plus d’étincelles. Partagée entre une storyline solide et son rôle de love interest, l’actrice parvient à rehausser l’image du personnage  un peu niais vu dans les précédents films tout en faisant honneur à son nouvel alter ego, (Al)Mighty Thor. On retrouve également une partie des gardiens de la galaxie avec Chris Pratt – dont le coté drôle et léger est nuancé pour laisser la part belle au héros titre du film, Dave Bautista, Karen Gillan, Sean Gunn et Pom Klementieff, tandis que les voix de Vin Diesel et de Bradley Cooper incarnent Groot et Rocket Raccoon.
Nouveaux venus dans l’univers Marvel : après avoir incarner Batman dans la trilogie réalisée par Christopher Nolan coté DC Comics / Warner Bros, Christian Bale (Le Mans 66, Vice, Hostiles…) fait une entrée remarquée dans le MCU en incarnant un Gorr aussi creepy que fascinant, tandis que Russell Crowe (Enragé, Boy Erased, La Momie…), l’éternel Gladiator, joue un Zeus décomplexé.
À découvrir dans le film, pas mal de surprises (et de retrouvailles). 

En conclusion, Thor: Love and Thunder s’inscrit comme un divertissement estival qui fait le job, grâce à son univers space-opera assumé, bruyant et coloré. Mais peut-être qu’après tous les déboires qu’a vécu le super héros, j’attendais plus de maturité dans le film de Taika Waititi qui atteint trop rapidement ses limites, laissant encore le Dieu du Tonnerre baigner dans un cadre souvent puéril qui devient très (trop) prévisible. Heureusement, le retour de Natalie Portman en Mighty Thor et l’arrivée de Christian Bale en Gorr permettent une embardée plus sombre, qui va rehausser l’ensemble en proposant des touches de noirceur accrocheuse. Entre chèvres hurlantes, fesses rebondies et éclats de tonnerre, Thor: Love and Thunder se confirme en tant que blockbuster estival, tonitruant et échevelé qui saura, en tout cas, remporter les faveurs de ceux qui ont adoré Thor – Ragnarok. À voir. 

PS : Il y a deux scènes bonus cachées dans le générique. On en reparle ici. 

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