Drame

[CRITIQUE] Le Roi Soleil, de Vincent Maël Cardona

Le pitch : Un homme est mort au Roi Soleil, un bar-pmu à Versailles. Il laisse un ticket de loto gagnant de plusieurs millions d’euros. En s’arrangeant un peu avec la réalité et leur conscience, les témoins du drame pourraient repartir avec l’argent… Et si la vérité n’était qu’un scénario bien ficelé ?

Après son César du Meilleur Premier film pour Les Magnétiques en 2022 (face à Slalom et La Nuée, m’okay..), Vincent Maël Cardona continue de sonder les travers humains avec Le Roi Soleil.  Sur le papier, son nouveau film avait tout du polar psychologique accrocheur : un ticket de loto gagnant, une mort brutale dans un bar-PMU et des témoins tentés de tordre la réalité pour s’enrichir. La cupidité, la morale, le poids du mensonge collectif… Un terrain de jeu en or. Mais à l’écran, ce qui aurait pu être un thriller tendu et obsédant se transforme en un fatras ampoulé où la mise en scène écrase totalement le récit.

Dès l’ouverture, on comprend que Vincent Maël Cardona veut “faire auteur”, comme pour prouver que son César n’était pas qu’un coup de poker. Le film démarre avec deux intros superflues (dont la première m’a fait douter d’être dans la bonne salle ou pas) viennent raccrocher de façon laborieuse les origines de la loterie à des personnages sans lien réel qui vont s’entrechoquer dans l’intrigue. Une surcharge qui annonce la couleur : l’inutile sera le fil rouge du film.

Très vite, Le Roi Soleil cherche à brouiller les pistes avec des méthodes plutôt convenue. Puisque la vérité et le mensonge seront aux cœurs de l’histoire, le film s’amuse avec les différents points de vue et multiplie les allers-retours temporels pour désarçonner le spectateur. Le procédé pourrait intriguer si le réalisateur assumait une structure éclatée, mais à chaque nouveau départ, alors qu’on pense aborder suivre un des protagonistes, la piste est abandonné en cours de route pour changer de personnage. Si au début, l’idée amuse, Vincent Maël Cardona a clairement trop siphonné la filmographie de Quentin Tarantino, rapidement la mécanique se grippe, agace et révèle surtout un scénario alambiqué qui ne sait pas comment se conclure.

À force de multiplier les gimmicks de cinéaste inspiré, Le Roi Soleil se perd en rebondissements de plus en plus improbable, dans un montage confus et un goût du contretemps épuisant avant même la moitié du film. Au lieu de s’éclaircir, l’intrigue ne cesse de s’alourdir, osant même rajouter de nouveau personnage dans ce huis-clos agité – une femme raciste et exécrable qui n’a jamais de place ni de justification dans l’ensemble du récit, d’ailleurs – tandis que les cadavres s’empilent sans jamais laisser place au moindre souffle. Plutôt que de creuser la psychologie et les dilemmes moraux, Vincent Maël Cardona opte pour une escalade de noirceur chaotique, qui frôle parfois le captivant… avant d’être brisée par un choix de mise en scène absurde.

Et c’est là que l’arnaque devient flagrante : les choix esthétiques. Plans sur des murs, des sols, parfois c’est un peu flou, d’autres fois ça tourne jusqu’à abrutir, ils y a des regards perdus dans le vague… Les interstices sont appuyé d’une musique pseudo baroque plaquée au clavecin pour rappeler Versailles (subtil comme un marteau-piqueur, parce que Le Roi Soleil, tavu) et une scène de karaoké grotesque finit de tirer le film vers le ridicule. Vincent Maël Cardona filme comme s’il voulait absolument laisser une “empreinte auteuriste” dans son polar faussement crasseux et affecté, mais derrière les poses, il n’y a rien. Nada. Le vide.

Le plus aberrant reste que le fil rouge véritable n’est même pas cette question morale initiale – partager ou non l’argent ensanglanté – mais l’histoire de deux policiers cherchant à couvrir une première bavure, puis une autre… et ainsi de suite. Comme dans BAC Nord, Le Roi Soleil essaie de noyer le poisson dans de la compote émotionnelle, cherchant à nous apprivoiser à travers ses personnages appâter par le gain…

Mais le film semble oublier que ses spectateurs ont également un cerveau. Même s’il cherche à se dédouaner en évoquant les failles dans son plan, toute l’idée est bancale car, planqué dans son huis-clos hors du temps, des erreurs élémentaires deviennent de plus en plus béantes (une voiture ouverte abandonnée sur le parking, le temps qui passe rend les mensonges de moins en moins crédibles… et l’endroit où un ticket gagnant a été acheté est enregistré, donc… ça aurait jamais marché au final). L’ensemble est encore plus ridicule, quand on réalise que ce sont des flics au centre de cette imbécilité sur patte, prouvant qu’il y a eu le minimum syndical de fait quant à l’écriture du scénario (écrit à quatre mains…).

Bref. De toutes façons, Le Roi Soleil se perd dans tant de digressions bancales, qu’arrivé en bout de course, le film préfère s’effondrer dans une pirouette lamentable pour éviter de trouver une fin digne de ce nom. Belle perte de temps, en plus d’être énervant !

Au casting choral, je note tout de même que les acteurs s’en sortent bien malgré l’écriture et la mise en scène épouvantable du film. Ainsi, on retrouve un Pio Marmaï (Astérix et Obélix : Le Combat des Chefs, L’Attachement, Une Année Difficile…) convaincant, entouré par Sofiane “Fianso” Zermani (La Vénus d’Argent, Mauvaises Herbes…) et Lucie Zhang (Captives, Un Métier Sérieux…) qui ont tout deux tendance à en faire trop, dans le peloton de tête. Autour d’eux, Panayotis Pascot (Les Enfants Sont Rois, Enterrement de Vie de Garçon…) et Xianzeng Pan font de leurs mieux pour garder un curseur moral dans l’histoire, tandis que Joseph Olivennes (Les Magnétiques, La Vallée des Fous…) et Nemo Schiffman (Toutes Pour Une, L’Empereur de Paris…) jouent à cache-cache. Malheureusement pour elle, la pétillante Maria de Medeiros (Une Affaire de Principe, L’Ordre Moral…) arrive comme un cheveu sur la soupe et écope d’un rôle des plus irritants au milieu d’un récit qui jouait déjà avec mes nerfs.

En conclusion, au lieu d’explorer la tentation, la morale et le vertige de la cupidité, Le Roi Soleil s’englue dans des effets de style vides, tant Vincent Maël Cardona préfère jouer les cinéastes inspirés plutôt que de laisser vivre un pitch pourtant intéressant. Et c’est d’autant plus rageant que le casting, impeccable, parvient à surnager malgré une mise en abîme totalement foirée. À Éviter

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