Le pitch : 2012. Les quartiers Nord de Marseille détiennent un triste record : la zone au taux de criminalité le plus élevé de France. Poussée par sa hiérarchie, la BAC Nord, brigade de terrain, cherche sans cesse à améliorer ses résultats. Dans un secteur à haut risque, les flics adaptent leurs méthodes, franchissant parfois la ligne jaune. Jusqu’au jour où le système judiciaire se retourne contre eux…
Présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2021, Bac Nord s’inspire librement d’un scandale qui avait éclaté à Marseille où plusieurs policiers de la brigade anticriminalité avaient été impliqué dans des affaires de rackets et trafics de stupéfiants. Autant dire que le film de Cédric Jimenez (HHhH, La French…) n’est pas là pour apaiser les tensions sociales ni redorer le blason d’une brigade aux méthodes connues pour être musclées. Bac Nord reprend le scandale et l’insère dans le quotidien d’un trio de flics, chacun répondant à une caricature précise, bousculé entre la pression de faire du chiffre (des arrestations, donc) et l’envie de démanteler les quartiers infranchissables de la banlieue nord marseillaise – connue pour ne pas être très très accueillante, on va dire.
J’avais peur que Bac Nord fasse écho film brillant Les Misérables, sorti en 2019 et quatre fois césarisé en 2020, mais là où Ladj Ly illustrait à merveille le cercle vicieux entre la précarité, la drogue et les violences policières sans diaboliser ni victimiser des parties, le film de Cédric Jimenez se concentre sur ses personnages de la Bac et leurs points de vue. Cowboys mi-beaufs à cœur, mi-têtes à claques et plus motivés par le pic d’adrénaline que par la justice, Bac Nord dresse un portrait sans retenue sur ses personnages de prime abord antipathiques, qu’il va essayer d’humaniser tout au long de son récit qui rime avec un engrenage perdu d’avance. Sous prétexte de vouloir démanteler un réseau et libérer une cité, le film tente de dénoncer la pression et le manque de moyen que subissent les policiers à qui on (le ministère ?) demande de faire du rendement, sans pour autant les laisser intervenir librement par sécurité ou par peur de faire des vagues dans les médias. Effectivement, Bac Nord est conscient du climat politico-médiatique qui pèse constamment sur les représentants de la loi et l’inscrit comme une justification plausible sur les agissements de ses personnages qui foncent, tête baissée, dans un jeu plus dangereux.
Le mot qui conviendrait à Bac Nord c’est évidemment « tension ». Dès les premières minutes, la caméra, souvent à l’épaule, de Cédric Jimenez nous catapulte dans le feu de l’action à travers une course poursuite effrénée. Rapidement, d’explicite cette tension deviendra palpable au fur et à mesure que les enjeux du film se mettent en place, alors que les personnages évoluent dans un univers saccadé de violences, entrecoupés par des instants de fraternités aux allures de sas de respiration. Mordant et vif, Bac Nord est un étau qui prend aux tripes, qu’on aime ou pas les personnages, tant on est embarqué par l’histoire.
Oui mais voilà, là où Les Misérables laissait pantois au générique final, Bac Nord est tellement dans la démonstration (de force) qu’il passe à coté du potentiel aimable de ses personnages qu’il cantonne à des caricatures presque patibulaires : le patriarche viandard et désabusé par sa longue expérience, la jeune tête brûlée prête à prendre une balle pour un concours de b*tes improvisés et le personnage du milieu qui est sensé être plus posé et loyal. Le film tente de justifier, de prendre part aux agissements des personnages mais la sauce ne prend qu’à moitié car dès le débuts, Bac Nord trahit l’honnêteté changeante de ses protagonistes. De plus, la légèreté du prétexte proposé pour lancer le cœur de l’intrigue semble bien facile et trop commode pour être crédible (les personnages ne cherchent pas vraiment d’autres solutions pour avoir l’information – qui au départ n’est qu’une promesse d’ailleurs !). L’ensemble souffre forcément de sa ressemblance dans sa forme avec Les Misérables, jusqu’à même retrouver un scène clé avec la prise d’assaut d’un immeuble. Malheureusement le fond ne suit pas alors que le dernier acte s’enlise dans un mélo wannabe psychologique où on cherche à nous apitoyer sur le sort de ces flics qui, finalement, l’ont bien cherché.
Pour ma part, la sauce ne prend pas vraiment, d’une part pour des raisons personnelles qui font que je ne porte pas la BAC dans mon cœur et, d’autre part – et c’est là que ça devient paradoxal – parce que le film de Cédric Jimenez peint une réalité criante autour du mental et des méthodes controversées de cette brigade. Alors oui, ouin ouin on a pas les moyens, certes, en attendant, quand il s’agit de violences policières, il n’y a pas de fumée sans feu, surtout lorsqu’il s’agit de la Bac.
Au casting : Gilles Lellouche (Jusqu’ici Tout Va Bien, Pupille, Le Grand Bain…), Karim Leklou (Le Monde est à Toi, Réparer les Vivants, Joueurs…) et François Civil (Deux Moi, Mon Inconnue, Celle Que Vous Croyez…) forment un trio convaincant, à travers des personnages souvent grinçants mais dont la performance des acteurs permet de les rendre humains. Autour d’eux, un duo d’actrices ayant été sacrées Meilleur Espoir Féminin, Adèle Exarchopoulos (Mandibules, Sibyl…) et Kenza Fortas (Shéhérazade…), apportent une touche féminine, mais pas forcément celle que l’on craint. J’ai trouvé la seconde un peu jeune pour être crédible (mais en même temps, je ne trafique pas de drogue, donc je ne sais pas à quel âge on démarre dans ce milieu), tandis que Cyril Lecomte (La Vérité Si Je Mens ! Les Débuts, La French…) complète un ensemble relativement solide.
En conclusion, objectivement Cédric Jimenez livre un film solide, aussi noir que son nom l’indique et aussi violent ou dérangeant que promis. Subjectivement, je n’arrive pas à me fendre de compassion pour des policiers de la Bac, d’autant plus que l’histoire ne fait que confirmer des agissements discutables sous prétexte de justice et de loyauté. Mouais, je ne suis pas convaincue… À voir, pour se faire son propre avis.