
Le pitch : Alors qu’Emma, 16 ans, une jeune fille heureuse dans sa vie, est admise dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital, ses parents Meredith et Fred attendent anxieusement des nouvelles du médecin. Désemparés, ils prennent conscience que malgré tous les « T’inquiète » de leur fille, ils auraient dû s’inquiéter. Que lui est-il arrivé ? Entre amitiés toxiques, isolement, messages, moqueries et humiliation, la vie d’Emma a rapidement basculé dans une spirale infernale.
Avec TKT (T’inquiètes), Solange Cicurel (Faut Pas Lui Dire, Adorables…) quitte le confort lumineux de la comédie romantico-familiale pour plonger dans une zone bien plus sombre : celle du cyber-harcèlement adolescent. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la réalisatrice signe ici une œuvre à la fois pudique, glaçante et nécessaire.
Ce qui frappe d’abord, c’est la justesse du regard. La réalisatrice ne cherche jamais à moraliser ni à pointer du doigt. Elle raconte une dérive, une chute silencieuse, celle d’une ado comme tant d’autres : Emma, 16 ans, aimée, drôle, entourée. Pas une victime « type », pas la cible évidente des clichés. Et c’est précisément là que le film trouve sa force : en montrant que le harcèlement ne choisit pas ses proies, qu’il peut se glisser dans la vie la plus ordinaire, sous la forme d’une pique, d’un message, d’une vidéo partagée, avant de se propager comme un virus.

TKT (T’inquiètes) navigue avec la finesse d’un thriller psychologique, mais ancré dans le réel. On pense parfois à Respire de Mélanie Laurent pour sa tension sourde, ou à LOL de Lisa Azuelos pour le regard générationnel, mais Solange Cicurel y ajoute une gravité intime, presque documentaire. La mise en scène, sobre et nerveuse, épouse la confusion de son héroïne sans jamais tomber dans le pathos. Les parents, bouleversants de sincérité, traduisent ce sentiment d’impuissance absolue qu’éprouvent tant de familles face à une détresse qu’elles n’ont pas vue venir.
Ce film devrait être montré partout : dans les lycées, dans les foyers, dans les débats publics parce qu’il rappelle, sans artifice ni violence gratuite, que le harcèlement n’est pas une “phase”, mais un engrenage. Ça commence par une remarque, un rire, une story… et ça finit par un drame qu’on n’a pas su lire à temps.

Au casting : Lanna de Palmaert, novice à l’écran, incarne une héroïne à la justesse époustouflante, suffisamment accessible pour qu’on s’y attache. Autour d’elle, la regretté Émilie Dequenne (Survivre, Complètement Cramé, Close…) apparait dans son dernier film et forme avec Stéphane de Groodt (Champagne !, Tout Nous Sourit, Le Jeu…) un duo poignant. Lily Dupont, Elisa Lubics, N’Landu Lubansu, Lisa Du Pré et Kassim Meesters forment une bande d’ados convaincante, tandis que le personnage de flic incarné par Tania Garbaski (Un Ours Dans Le Jura, Le Chemin du Bonheur, Faut Pas Lui Dire…) aurait peut-être pu avoir plus de place dans le dernier tiers.
En conclusion : Bouleversant, nécessaire et d’utilité publique. À voir.

