
Le pitch : Dans un futur proche, Paris a été divisé en 3 zones qui séparent les classes sociales et où l’intelligence artificielle ALMA a révolutionné le travail de la police. Jusqu’à ce que son inventeur soit assassiné et que Salia et Zem, deux policiers que tout oppose, soient forcés à collaborer pour mener l’enquête.
Adapté d’un roman de science-fiction et d’anticipation écrit par Laurent Gaudé en 2022, Chien 51 nous plonge dans un Paris du futur divisé en trois zones sociales et sous la surveillance d’une IA toute-puissante, ALMA. Le décor est planté, simple et efficace : un meurtre, deux flics que tout oppose, et une enquête sous tension. Cédric Jimenez (La French, BAC Nord, Novembre…) ne perd pas de temps à installer son intrigue, car on entre directement dans le vif du sujet, happé par un monde froid, néonisé et saturé d’informations.

Visuellement, ça se veut ambitieux pour du ciné frenchy. Le film assume une esthétique cyber-techno-futuriste dont les thématiques lorgnent rappelle souvent Blade Runner de Ridley Scott et surtout Minority Report de Steven Spielberg, sans en retrouver la même profondeur. Ici, les « precogs » et les visions du passé ont laissé place à une intelligence artificielle omnisciente, capable d’émettre des hypothèses et des probabilités grâce à des prompts. Sur le papier, l’idée est solide. Dans les faits, elle arrive un peu tard : difficile de s’extasier devant une énième alerte sur les dérives de l’IA quand les Terminator de James Cameron nous prévenait déjà dans les années 80, et que le film Dalloway de Yann Gozlan (sorti quelques semaines avant) traitait le même sujet avec le même survol.

La meilleure carte de Chien 51, c’est que le duo de flics fonctionne. Leur opposition (l’un bosse en zone 3, l’autre en zone 2), leurs blessures intérieures et leurs obsessions nourrissent une tension constante, malgré une trame étonnamment linéaire. Cédric Jimenez préfère l’urgence au détail, enchaînant les scènes d’action sans jamais donner assez de contexte pour que ce monde ait du poids. On passe d’une zone à l’autre sans vraiment comprendre les règles du jeu, et ce Paris numérique finit par ressembler à une carte graphique un peu trop lisse, constamment tournée de nuit (ou presque).

En effet, derrière son vernis high-tech, Chien 51 manque cruellement de chair. Le film s’épuise à vouloir faire spectaculaire, oubliant de nourrir son propre univers. À force de foncer, il finit par se perdre : le dernier acte donne l’impression d’un récit écourté, où tout s’emballe dans les vingt dernières minutes pour bricoler une conclusion précipitée, transformant le personnage désabusé de Gilles Lellouche en action man désincarné.

J’ai eu du mal à y croire à cette fin, et en réalité j’espérais même que Chien 51 tease une suite qui permettrait d’étoffer un peu plus son univers (et cette zone 1 complètement absente), la menace simili-Anonymous et la création d’ALMA. N’est pas Spielberg qui veut, si dans son format papier Chien 51 parvient à convaincre, Cédric Jimenez lui a préféré miser sur l’action plutôt que le contexte, livrant ainsi un film aux apparences denses mais à la fragilité d’un château de sable quand on essait d’en comprendre l’univers. À première vue, Chien 51 intrigue et impressionne par ses ambitions, surtout dans le paysage francophone, mais laisse une impression d’inachevé, en plus de proposer une intrigue qui fonce tête baissée dans des portes grandes ouvertes concernant les risques et les inquiétudes liées à l’IA.

Au casting, après que l’un ait dirigé l’autre dans L’Amour Ouf, Gilles Lellouche (Le Grand Bain, Astérix et Obélix : Le Combats des Chefs, Je Verrai Toujours Vos Visages…) retrouve Adèle Exarchopoulos (Vice-Versa 2, Le Règne Animal, Un Métier Sérieux…) et forme un duo à l’alchimie palpable, ce qui accentue le capital sympathie d’un film finalement plat. Autour d’eux, Louis Garrel (Saint-Ex, Les Trois Mousquetaires…) joue les anarchistes de l’ombre, tandis que Romain Duris (Rembrandt, Coupez !…), Valeria Bruni Tedeschi (L’Attachement, Été 85…) ou encore Artus (La Pampa, Un P’tit Truc En Plus…) apparaissent de temps à autre.
En conclusion, Chien 51 impressionne par son ambition visuelle mais se perd dans un futur trop familier pour vraiment surprendre. Cédric Jimenez livre un polar de SF plein de promesses, mais aussi de zones d’ombre. À voir.

