Avant tout de chose, il me semble important de rappeler un détail qu’on omet volontairement dès qu’il s’agit du dernier film de Brian De Palma : Passion est le remake du français Crime d’Amour, d’Alain Corneau, sorti en 2010. De Palma reprend donc les grandes lignes du thriller français, qui fonctionnait plutôt bien, pour mieux le transformer en un drame grossier, avant de sombrer dans le téléfilm téléphoné et digne d’un des meilleurs épisodes de Derrick. Surjoué et frôlant souvent le ridicule, Passion déroute aussi bien par la prestation décevante de deux excellentes actrices que par sa mise en scène vieillotte qui ressemble au travail d’un débutant qui tenterait de reproduire du David Lynch. Mais non, il s’agit bien du travail d’un Brian De Palma qui tente vainement de retrouver ses lettres de noblesse… Et bien ce ne sera pas pour tout de suite !
Le pitch : Dans une entreprise multinationale, deux femmes se livrent à un jeu pervers de manipulation : alors qu’Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine, cette dernière profite de son ascendant psychologique sur elle et l’entraîne dans un jeu de séduction et de manipulation…
Si le scénario reprend la trame originale de Crime d’Amour, Brian De Palma a bien mis sa patte dedans, ayant certainement pour ambition de s’éloigner du style épuré et trop classique du film original, pour mieux lui donner plus de relief et de profondeur comme il sait (a su ?) le faire.
Après un bon début où on découvre un face-à-face féminin intriguant, laissant entrevoir les prémices d’un jeu de pouvoirs malsain, Passion tombe rapidement dans le piège grand ouvert qui se tient devant lui. Ne sachant apparemment pas comment rendre la dynamique du duo crédible et captivante, De Palma décide donc de créer un univers sulfureux et lesbien pendant que les deux actrices s’échangent des baisers mouillés et autres papouilles sensées titiller la curiosité du spectateur. Malheureusement, ce stratagème usé jusqu’à la corne et carrément désuet, quand on voit les films d’aujourd’hui, ne prend plus. Afin de créer une dimension attractive à ses personnages, Passion s’encombre d’artifices et de storylines supplémentaires et, du coup, De Palma ne peut s’empêcher d’y ajouter une dose de sensiblerie inutile (l’histoire de la sœur jumelle, par exemple), comme pour excuser les méfaits de la vilaine patronne. Oui mais voilà, à force de vouloir humaniser le grand méchant loup, en lieu et place d’une arriviste machiavélique et froidement garce, nous voilà en face d’une gamine jalouse et boudeuse qui tape du poing quand elle n’obtient pas ce qu’elle veut.
Au lieu d’avancer, le film traîne en longueur en s’attardant sur la relation des deux jeunes femmes, en reprenant les rebondissements du film original légèrement dans le désordre, en alternant complicité et compétitions, mais la magie refuse d’opérer. Nous savons déjà jusqu’où ce petit jeu va nous mener et De Palma a bien du mal à faire vivre ses personnages. Les acteurs récitent leurs textes sans grande conviction, comme une leçon apprise par cœur et la magie ne prend pas. Où est donc passé le jeu de séduction et de manipulation tant attendu ? Passion devient souffrance, tant il est de plus en plus prévisible et, surtout noyés dans un sur-jeu désagréable et une maladresse qui ne pardonne pas.
La seconde partie du film arrive tardivement, trop d’ailleurs, et empêche la véritable intrigue de trouver sa véritable place.
De nombreuses erreurs viennent tour à tour détruire l’intérêt (déjà fragile) et la crédibilité du film. De Palma a choisi de situer son film en Allemagne (pour des raisons financières et peut-être aussi pour légitimer le léger accent de Noomi Rapace…), ce qui en soi n’est pas un drame, sauf qu’au moment crucial du film, Passion bascule définitivement dans une sorte de téléfilm allemand (tous connus pour leurs qualités, n’est-ce pas) en VO qui plus est, histoire de bien perdre en court de route le peu de spectateurs qui étaient encore attentifs. Ajoutons à cela un changement de mise en scène pas vraiment subtil (absence de lumière, caméra de traviole) dans une vaine tentative de rappeler d’anciens succès (Carrie au bal du diable, en 1976), comme ça le spectateur est bien prévenu. Il serait passé devant la caméra en agitant une pancarte « ATTENTION ÇA VA DEVENIR INTÉRESSANT ! », ce serait revenu au même ! Contrairement à l’original (encore une fois), De Palma sabote allègrement l’intrigue en vendant la mèche en plein milieu du film, ainsi, tout le monde tombe d’accord : qu’on ait vu Crime d’Amour ou pas, le dénouement final vient d’être servi sur un plateau !
Finalement, au cours des 100 minutes que compte Passion, après avoir abandonné l’idée de créer une tension entre les deux actrices, annuler l’intrigue en plein milieu et s’être inspiré de L’inspecteur Derrick pour réécrire l’enquête, il ne restait plus qu’une chose à faire : dénaturer la fin. Péniblement, Passion passe à table pendant dernières longues minutes, afin de nous dévoiler les dessous d’une affaire qui, si on ne s’est pas endormis en cours de route, n’a pas besoin de l’être, tout en rajoutant une nouvelle tentative désespérée d’éveiller la libido du public.
Passion se conclut avec un twist final ringard, à l’image du film dans son intégralité. On croit rêver !
Coté casting : commençons par le positif… Noomi Rapace, (la trilogie suédoise Millenium, Prometheus) est la seule lueur d’espoir pendant tout le film. Un jeu impeccable qui mérite d’être souligné quand on voit l’ensemble désastreux du film. Quitte à faire durer le jeu entre les deux femmes aussi longtemps, cela aurait été intéressant de la voir dans le rôle de Christine plutôt que dans celui d’Isabelle… En face, nous retrouvons Rachel McAdams, une actrice que j’aime beaucoup pourtant, vue récemment dans les deux Sherlock Holmes (2009, 2011), Morning Glory (2010) ou encore Hors du temps (2009), nous livre ici une prestation bien en-dessous de son talent, dans le sur-jeu et aussi crédible qu’une Nelly Oleson (La petite maison dans la prairie, je précise pour ceux qui vivent sur Mars) !
Autour de ce duo déséquilibré c’est la débandade. Manque de budget ou absence de passion (haha), De Palma s’entoure d’acteurs de seconde zone, dont une Karoline Herfurth (The Reader, 2009) très crispante dans les dernières minutes et un Paul Anderson III (Sherlock Holmes 2, 2011) mou.
En conclusion, rendons à César ce qui appartient à César. Certes le cinéma français est souvent l’objet de controverse, nombreux sont ceux qui le dénigrent sans même y jeter un œil… Tout cela est discutable (et un peu hors-sujet, je l’admets), mais Crime d’Amour, malgré un titre pas terrible et pas mal de défauts, avait tout de même le mérite d’avoir su installer une intrigue entre les deux personnages principaux entre compétition et admiration, en explorant le narcissisme exacerbé de l’une et le manque de confiance geignard de l’autre, sans céder au sulfureux tandem lesbien (pour faire du buzz, n’est-ce pas) et en narrant un thriller entraînant, qui manquait peut-être d’audace, c’est vrai. Tout ce travail a été gentiment piétiné par un Brian De Palma dépassé, dans un film tout simplement décevant, qui aurait peut-être été un succès dans les années 80-90, et j’ai bien trop de respect pour ce réalisateur pour déclarer que Passion est un navet. Mais quand même…
En même temps, si ce film pouvait servir la cause du Mariage pour Tous, ce sera au moins ça de gagner…



J’ai vu la version française de ce film, et il ne m’avait pas trop emballé!
c’est vrai que j’avais aimé la version française. As-tu vu l’original ? Qu’en penses-tu ?
Je n’ai pas vu celui-ci, il me tente pour les acteurs en fait..Pour l’histoire, rien de bien extraordinaire (S’ils respectent la version française en tout cas)