Drame

Kill Your Darlings : Troublant mais impersonel

kill your darlings

Film présenté au Champs Elysées Film Festival

Troublant et vrillé par les interdits, Kill Your Darlings est un drame noir, entre fascination et manipulation. John Krokidas signe un premier long-métrage prometteur, sublimé par un casting trois étoiles et une intrigue névrosée et captivante. Cependant, le manque d’identité derrière une mise en scène trop académique a tendance à rendre le film un tantinet trop bavard et prévisible, même si sa ressemblance amusante avec Sur La Route de Walter Salles est à la fois explicable et décevante. Pas très original mais très prenant, Kill Your Darlings mérite le coup d’œil, ne serait-ce que pour assister au face-à-face génial entre Dane Dehaan et Daniel Radcliffe.

Le pitch : En 1944, un meurtre commis par l’un de leurs amis rassemble les chefs de file de la Beat Generation, les poètes Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs.

Adapté du roman Et les hippopotames ont bouilli vifs dans leurs piscines écrit par Jack Kerouac (tiens, tiens) et William S. Burroughs, Kill Your Darlings reprend l’histoire vraie de l’écrivain Lucien Carr. John Krokidas s’inspire de l’énergie de la Beat Generation, l’époque bénie des érudits littéraires des années 50, en s’immergeant dans l’univers ronflant et conventionnel des grandes universités américaines. Centré sur son héros, Kill Your Darlings reprend les codes du passage à l’âge adulte, à travers de nombreux passages prévisibles et de nombreux lieux communs : (le provincial qui découvre la grande ville et les « premières fois » : le sexe, la drogue et surtout… l’amour. Ce qui va rapidement changer la donne, c’est la relation entre les deux personnages principaux, car si l’un est fasciné par l’esprit rebelle de l’autre, ce dernier est un manipulateur hors pair qui traîne derrière lui un passé tourmenté.

Entre illumination intellectuelle et premiers émois amoureux, John Krokidas peine à contenir son sujet, souvent trop adolescent, et a dû mal à entrer dans le vif du sujet. Tombant docilement dans le piège du jeune poulain innocent qui découvre les vices de la grande ville, Kill Your Darlings prend son temps pour installer son histoire et la rencontre entre les deux personnages principaux. La particularité du film, c’est surtout la façon dont le scénario passe lentement d’une phase euphorique et dynamique à une seconde partie de plus en plus sombre et mystérieuse. Petit à petit la confiance aveugle du jeune héros se fissure et les véritables visages se révèlent, révélant ainsi une jeunesse pas si insouciante et des secrets bien enfouis.
Kill Your Darlings parvient à nous entraîner jusqu’au bout de son intrigue, en électrisant ses personnages à travers une histoire où les sentiments et le danger s’entremêlent. Du coup, le film de John Krokidas prend des faux airs de thriller, tant on a envie de connaître le dénouement, ce qui permet au film de nous maintenir en haleine jusqu’à la dernière minute. Cependant, si Kill Your Darlings doit surtout sa force grâce à un casting impeccable, la mise en scène trop calculée et les nombreuses références à d’autres films du même genre ont tendance à amenuiser les efforts de John Krokidas. Au-delà de certaines ressemblances avec Le Cercle des Poètes Disparus ou d’autres films au message similaire, le gros problème de Kill Your Darlings est finalement son étroite ressemblance avec Sur La Route, aussi bien au niveau du traitement que de la narration et surtout de la relation ambiguë et inégale entre les deux personnages. Certes, les personnages du film sont finalement liés à Jack Kerouac (qui écrira Sur La Route peu de temps après cette aventure), mais cela reste relativement gênant car Kill Your Darlings se déroule dans un univers très différent.

Au casting, Daniel Radcliffe (Harry Potter, La Dame En Noir…) et Dane Dehaan (Chronicle, Des Hommes Sans Loi, The Amazing Spider-Man 2…) offrent un face-à-face à couper le souffle, tant les deux semblent être habités par leurs personnages respectifs. À leurs cotés, Ben Foster (Otage, Alpha Dog, Les Amants du Texas…) est toujours aussi impeccable, usant habilement de son personnage parfois dérangeant, Michael C. Hall (Six Feet Under, Dexter…), endosse un rôle secondaire mais toutefois intéressant tandis qu’Elizabeth Olsen (Martha, Marcy, May, Marlene, Godzilla, Old Boy…) , malgré des apparitions rares, illumine une photographie un peu terne.

En conclusion, Kill Your Darlings offre un drame sirupeux aux accents de thriller, grâce à un chassé-croisé émotionnel prenant. Le film de John Krokidas est surtout remarquable grâce aux performances superbes des différents acteurs qui, à eux seuls, contiennent toute l’intensité du film. Cependant, l’approche légèrement scolaire et impersonnelle du film le rend rapidement insipide et emprunté.

>>> À ce jour, Kill Your Darlings n’a toujours pas de date de sortie prévue en France.

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