
Haletant, horrible et captivant, le nouveau film de Frédéric Tellier revient sur l’affaire Guy Georges, à travers un film noir, glaçant et maîtrisé. A travers le point de vue judiciaire, L’Affaire SK1 met en avant une enquête tantôt nerveuse, tantôt désespérée qui va bouleverser le 36, quai des Orfèvres. Frédéric Tellier signe un film éreintant, traversé par des personnages à vif et une tension extrême qui ne lâche rien jusqu’à la dernière minute. Âmes sensibles s’abstenir, car si les images restent plus ou moins choquantes, certains propos (et un échange en particulier) peuvent sacrément perturber.
Le pitch : Paris, 1991. Franck Magne, un jeune inspecteur fait ses premiers pas à la Police Judiciaire, 36 quai des Orfèvres, Brigade Criminelle. Sa première enquête porte sur l’assassinat d’une jeune fille. Son travail l’amène à étudier des dossiers similaires qu’il est le seul à connecter ensemble. Il est vite confronté à la réalité du travail d’enquêteur : le manque de moyens, les longs horaires, la bureaucratie… Pendant 8 ans, obsédé par cette enquête, il traquera ce tueur en série auquel personne ne croit. Au fil d’une décennie, les victimes se multiplient. Les pistes se brouillent. Les meurtres sauvages se rapprochent. Franck Magne traque le monstre qui se dessine pour le stopper. Le policier de la Brigade Criminelle devient l’architecte de l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française. Il va croiser la route de Frédérique Pons, une avocate passionnée, décidée à comprendre le destin de l’homme qui se cache derrière cet assassin sans pitié. Une plongée au cœur de 10 ans d’enquête, au milieu de policiers opiniâtres, de juges déterminés, de policiers scientifiques consciencieux, d’avocats ardents qui, tous, resteront marqués par cette affaire devenue retentissante : « l’affaire Guy Georges, le tueur de l’est parisien ».
2015 démarre bien pour le cinéma français avec un polar glaçant basé sur une histoire vraie qui a défrayée la chronique dans les années 90. En effet, pour son premier long-métrage, Frédéric Tellier adapte une histoire plutôt horrible, en relatant la traque d’un tueur en série, Guy Georges, à travers L’Affaire SK1. Si le titre est énigmatique, le film fait l’effet d’un coup de poing, notamment en démarrant avec l’arrivée d’un nouvel inspecteur aux 36, quai des Orfèvres, qui rejoint une équipe déjà à l’agonie. Rapidement, L’Affaire SK1 prend à la gorge grâce à une trame à la narration documentée et sans temps mort, réussissant à englober toute une décennie pour mieux observer l’impact de cette affaire sur ses personnages. En se concentrant sur l’enquête, grâce à des documents d’archive et des entretiens avec ceux qui ont vraiment vécu cette histoire, Frédéric Tellier reste au plus proche de la réalité et évite brillamment tous les pièges qui auraient pu virer au racolage déplacé.
À travers l’horreur d’une affaire macabre et psychologiquement éprouvante, L’Affaire SK1 est un cauchemar éveillé, précis et haletant, qui n’offre que très peu de moments de répit, imageant parfaitement un système judiciaire pas encore au point et le quotidien de policiers révoltés. Frédéric Tellier parvient à nous embarquer dans leurs sillages, plaçant le public directement au coté des personnages, au fur et à mesure que l’enquête évolue sous nos yeux. C’est une expérience à la fois captivante et souvent insoutenable, tant on ressent toutes les émotions transmises par le film, entre la colère et le désarroi, en passant par un sentiment d’impuissance et d’injustice. Enquête qui piétine, vies privées en berne et égos carriéristes, L’Affaire SK1 parvient à équilibrer ses différents fils narratifs sans jamais se perdre en route, profitant de ses rares moments de lumières comme respiration avant de replonger dans l’angoisse.
La force du film réside surtout dans l’écriture du scénario, co-signé par David Oelhoffen, notamment les dialogues combinés à la performance des acteurs. Frédéric Tellier s’en tient aux faits de façon brute, évitant ainsi la surenchère d’images morbides, et se focalise sur l’évolution de ses personnages, dont les échanges ne cessent d’affûter une tension déjà bien présente. Mais c’est surtout la dernière partie du film qui finit par faire froid dans le dos. En effet, derrière le « spectacle » se trouve une réalité réellement flippante qui va trouver ses mots dans la bouche du tueur et tout simplement glacer le sang. À la mise en scène, L’Affaire SK1 s’inspire de codes ambitieux, amplifiant un tableau oppressant à la photographie ancienne et neutre pour mieux coller à l’époque.
Le seul problème finalement, c’est qu’une fois le film terminé, on risque de devenir légèrement parano. En effet, le sujet principal de L’Affaire SK1 tourne autour d’un tueur en série complètement imprévisible et impulsif, ce qui contribue fortement à son coté angoissant (personnellement, j’ai développé de nouvelles techniques ultra-rapides pour rentrer chez moi depuis que j’ai vu le film).
Au casting, Raphael Personnaz (Une Nouvelle Amie, Marius, Fanny…) tient enfin un premier rôle saisissant et se révèle très convaincant dans ce personnage qui passe sous aux yeux d’un extrême à l’autre. À ses cotés, une galerie d’acteurs fantastiques qui vont chacun leurs tours marquer le film, comme Nathalie Baye (Les Reines du Ring…), Michel Vuillermoz (La Liste De Mes Envies…), Thierry Neuvic (Au Bonheur des Ogres…), Chloé Stephani ou encore Olivier Gourmet (Deux Jours, Une Nuit…). Si Christa Theret (LOL, La Brindille…) refait surface pour incarner un personnage difficile, c’est évidemment Adama Niane qui électrise l’ensemble par sa justesse, en parvenant presque à donner un visage humain au monstre.
En conclusion, Frédéric Tellier met la barre très haute pour 2015 avec un film noir, aussi étouffant que brillant. L’Affaire SK1 revient sur une affaire sordide sans jamais céder à la facilité, grâce à un casting remarquable et un scénario réaliste. À voir, mais avec précaution, car certains passages sont très éprouvants.

