Aventure, Sci-fi

[CRITIQUE] Jurassic World : Renaissance, de Gareth Edwards

Le pitch : Cinq ans après Jurassic World : Le Monde D’après, l’environnement de la planète s’est révélé hostile pour la plupart des dinosaures. Ceux qui subsistent vivent dans des zones équatoriales isolées, aux conditions proches de celles de leur ère d’origine. Parmi ces créatures terrifiantes, trois spécimens renferment peut-être la clé d’un remède capable de changer le destin de l’humanité.

Après la déception cuisante qu’était le dernier opus, Jurassic World : Le Monde D’Après réalisé par Colin Trevorrow en 2022, je pensais franchement qu’on ne verrait plus un raptor de sitôt. Mais c’était sans compter sur la machine Hollywood, toujours prête à recracher suites, spin-offs et reboots, jusqu’à l’épuisement total. Alors oui, on parle beaucoup de “super-héros fatigue” à chaque nouveau Marvel, mais en réalité, la vraie panne d’inspiration, elle ronge l’industrie depuis bien plus longtemps. Et soyons honnêtes : ce cercle vicieux, on l’entretient tous. Moins de promo, donc moins de spectateurs, donc moins de prise de risque… donc moins de films originaux. Et ainsi de suite. Le plus lucratif, reste donc de puiser dans ce qui a déjà marché et de faire appel à la nostalgie, visant même le pouvoir de la transmission de génération en génération. Coté chiffres, la différence est visible : les suites, reboots et compagnie engrangent toujours plus de recettes que les films originaux.

Et c’est ainsi que, contre toute attente, on nous sert Jurassic World : Renaissance, septième film de la franchise, censé faire table rase du passé. Nouveau casting, Gareth Edwards (Godzilla, The Creator, Rogue One…) derrière la caméra, et le retour de David Koepp (scénariste du premier Jurassic Park) à l’écriture. Sur le papier, ça sentait presque bon. Mais très vite, c’est la chute libre. Voire la chute dans un gouffre jurassique.

Parce qu’en vérité, même Jurassic Park III ou Le Monde d’Après paraissent supportables à côté de ce naufrage. Jurassic World : Renaissance est un désastre affligeant et incompréhensible. Comment Gareth Edwards a-t-il pu se planter avec un concept aussi simple ? Est-ce que David Koepp a passé trop de temps chez Soderbergh (The Insider, Presence…) ? Il semble avoir oublié comment on écrit un scénario qui tient debout. Le film ne livre pas une “renaissance”, mais bien la preuve de l’extinction définitive de l’imagination à Hollywood !

Il fut un temps où la simple vue d’un raptor dans un couloir sombre suffisait à faire frissonner les salles entières. Ou un pas de T-Rex faisait trembler l’eau, les murs, et nos colonnes vertébrales de spectateurs. L’excitation de voir ces créatures disparues sur grand écran (qu’elles soient correctement imaginées ou non) suffisait à excuser les écueils de scénarios les plus paresseux, pourvu que le film procure une partie de cache-cache à la hauteur. Dans le film de Gareth Edward, la magie a disparu et surtout, l’âme de la saga n’y est pas.

Sous un prétexte fumeux, Jurassic World : Renaissance nous entraîne dans une expédition balisée où des mercenaires et un paléontologue (parce queeee… pourquoi pas ?) croise une famille naufragée au mauvais endroit (merci le père de famille irresponsable, au passage…). Si le but n’est qu’un accessoire, la mise en abîme est navrante. Au lieu de s’adapter à la franchise Jurassic, Gareth Edwards n’en fait qu’à sa tête et livre un film de monstres lambdas, plus proche d’un Kong: Skull Island (sans Kong, évidemment) que d’un film d’aventures familial truffé de dinos spectaculaires.

On ne reprochait jamais vraiment à la saga de ne pas développer ses personnages, mais Jurassic World : Renaissance tente quand même de le faire… et c’est un échec. Les personnages sont interchangeables, sans consistance, et leurs arcs émotionnels tombent à plat. Pire : on passe presque une demi-heure sans voir un seul dinosaure au premier plan. Et quand ils apparaissent enfin, ils sont réduits à des utilitaires du récit. Un raptor, un titanosaure, un mosasaure… tous recyclés, mal intégrés, dénués de toute aura.

C’est un changement de braquet étrange alors que le cœur de la saga est fondée sur le mélange de crainte et d’admiration que suscitait ces géants du passé, dont on ne connait finalement que les ossements. Ici, ils ne sont qu’une succession de monstres prêts à l’emploi, présents les uns après les autres pour cocher les cases d’un scénario qui manque d’imagination et d’ambition.

Le constat est implacable : zéro tension, zéro émotion, et des dinosaures réduits à des mécaniques de spectacle sans impact. On ne sursaute plus. On ne craint plus rien. Pas même l’apparition d’un titan géant pourtant censé dominer la chaîne alimentaire (et accessoirement, la moitié de l’écran). On regarde, on soupire, on attend que ça passe. L’absurdité abyssale du scénario transpire par tous les pores d’un film malmené, perforé de part en part par des illogismes béants et une bêtise flagrante. De la scène d’intro (à la saveur d’un Destination Finale, au passage, wtf) qui n’a aucun impact sur le reste du film, jusqu’à un final bâclé qui ne répond à aucune des questions soulevées en cours de route (vont-ils vendre leurs trouvailles ou l’offrir gratuitement au monde), Jurassic World : Renaissance est un gruyère géant qui ne propose qu’une succession de gimmicks vides et surtout vains. Les références au Jurassic Park de 1993 sont utilisées jusqu’à l’overdose, parfois dans des moments qui ne méritent pas leur noblesse musicale ou symbolique — ce n’est pas avec cette revisite mollassonne des thèmes de John Williams que le frenchy Alexandre Desplat obtiendra son troisième Oscar. À croire que le film s’accroche à la nostalgie comme à une bouée dans une mer de médiocrité.

Et puis il y a les “nouveaux” dinos. Ou plutôt des monstres de foire, dénués de cohérence biologique. Le design frôle parfois le ridicule involontaire, et l’excès de CGI finit par rendre le tout plat et terne, paumé dans un camaïeu verdâtre pour simulacre de faune locale. Même eux semblent lassés de devoir se battre dans un scénario aussi creux. Mention spéciale à ce T-Rex furtif qui disparait comme un ninja, ou ces titanosaures camouflés dans des herbes hautes d’1m50… sérieux ?
Ces nouvelles bestioles entérinent la vision “monstrueuse” de Gareth Edwards et, finalement, le fait qu’il n’a rien compris à la magie des films de Steven Spielberg ni à l’intérêt mêlé d’émerveillement qu’ont pu susciter ces fameux dinosaures. On en a pourtant vu de belles, avec beaucoup d’incohérences à la clé parfois, mais aujourd’hui je donnerai tout pour revoir une scène aussi incongrue qu’un spinosaure en mode silencieux avec un téléphone portable qui sonne dans son bidou !

Côté humains, c’est encore pire. Je pensais qu’on ne pouvait pas faire pire que Maisie dans les deux précédents films… et pourtant. Chaque personnage rivalise de fadeur, d’inutilité ou d’antipathie. Le film tente une scène d’émotion vers la fin, mais se tire une balle dans le pied avec une entourloupe ridicule. À ce stade, ce n’est plus une maladresse : c’est du sabotage. Je suis sortie de la séance avec la désagréable impression d’avoir assisté à une démonstration de force technique sans vision, sans émotion, sans intention. Jurassic World : Renaissance fait l’effet d’un pur produit algorithmique, régurgité par une IA calibrée pour le marché et pour cocher toutes les cases… sans l’ombre d’une suite dans les idées.

D’ailleurs au casting : exit les précédentes têtes d’affiche, ce sont Scarlett Johansson (The Phoenician Scheme, To The Moon, Black Widow…), Jonathan Bailey (Wicked, La Chronique des Bridgerton…) et Mahershala Ali (Spider-Man Across the Spider-Verse, Le Monde Après Nous…) qui tentent de porter le film. Honnêtement, si c’était les seuls personnages du film, chargés d’une mission quelconque, le film aurait peut-être pu gagner en charisme. Malheureusement, pour bien se tirer une balle dans le pied, le film ajoute des rôles artificiels, il faut donc se farcir Rupert Friend (Companion, Asteroid City…), en méchant de service, tandis que seul la présence d’Ed Skrein (Rebel Moon, Maléfique : Le Pouvoir du Mal, Alita : Battle Angel…) a suffi à me faire comprendre que le film allait être une épreuve.
Pour incarner la dimension familiale, ce sont Manuel Garcia-Rulfo (Le Pire Voisin Au Monde, Six Underground…), Luna Blaise (Manifest…), David Iacono (Dead Boy Detective, Fear Street : Prom Queen…) et la jeune Audrina Miranda qui n’ajoutent absolument rien à la choucroute. Ah et puisqu’apparemment la présence d’Omar Sy était si marquante dans les derniers films, il y a un autre acteur Noir et francophone dans le film, Sylvain Bechir (SWAT, This Is Us…).

En conclusion : j’en attendais le strict minimum, et Jurassic World : Renaissance n’a même pas réussi à l’atteindre. Blockbuster fade, sans charme, il oublie que l’essence de Jurassic Park tenait plus à l’émerveillement et à la tension qu’à la simple présence de dinos. Ici, même l’eau ne tremble plus. Seul exploit : avoir réussi à me tirer quelques larmes de dépit, comme Independence Day: Resurgence à l’époque. À éviter… sauf si, comme moi, la curiosité vous perdra.

>>> Ces franchises instables mais bankables #5 : Jurassic Park, puis World, des dinosaures et… des sauterelles ?

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