Drame

Compliance – L’histoire aberrante qui dérange

Dérangeant et malsain, Compliance met en lumière une histoire aberrante inspirée de faits réels et dépeint ici la servitude naïve d’une personne lambda face à l’autorité ou à tout représentant d’un pouvoir reconnu.

Le pitch : dans un petite ville de l’Ohio, Sandra est le manager d’un fast-food. Lorsqu’un homme l’appelle, annonçant être de la police, et accuse Betty d’avoir voler de l’argent à une cliente, Sandra prendra alors le parti de le croire sur parole et deviendra ainsi le principal outil d’un manipulateur intelligent et pervers. Betty se retrouvera donc maintenue sous surveillance, nue et à la merci de cet étrange policier, à travers les mains des différents “geôliers” qui se succéderont devant elle.

Presque entièrement filmé dans un cadre intimiste, étouffant et glauque, Craig Zobel jouera avec nos nerfs, faisant de nous les témoins involontaires d’un spectacle déroutant voire choquant. Peinture à l’acide d’une Amérique moyenne, vivant dans la monotonie d’une vie ancrée dans une routine paisible et sans le moindre accro, chaque personnage trié sur le volet (la jeune femme fragile et instable dans sa vie amoureuse, la responsable qui veut se dégager de toute responsabilité, les personnages secondaires qui seront les témoins muets et atteints de cécité sélective, ainsi que l’homme qui représentera le mâle et ses bas instincts) participera consciemment ou non à cette immonde mascarade, se laissant doucement manipuler, allant jusqu’à franchir la limite du tolérable.

Compliance met à nu et dissèque dans chacun de ses personnages cette peur panique qu’a l’individu de la marginalité, cette peur d’attirer l’attention, les ragots, les regards, les problèmes… Zobel met également en évidence cette facilité que nous avons à nous soumettre à l’autorité sans poser de question, cette facilité que nous avons à nous laisser endormir par un discours bien rôdé sans chercher à le remettre en cause… d’où le titre du film (Compliance = conformité). On pourrait éventuellement se demander si à travers cette histoire, on ne pourrait pas y retrouver la base de plusieurs évènements historiques et souvent bien tragiques.

Pour un public français, Compliance manque peut-être de subtilité et risque d’énerver ses spectateurs qui en voudront directement aux protagonistes de ne pas parler clairement de ce qui cloche (la supercherie devenant de plus en plus évidente) et de laisser faire les choses. Face au film, nous reprocherons la pudeur des personnages, jusqu’au moment où la vérité explose, grâce à, justement, celui qui n’a plus grand chose à perdre. Mais au final, aux Etats-Unis comme ailleurs, il y a partout des gens qui subissent des abus de pouvoirs, peut-être pas aussi flagrants que dans ce film (et sûrement pas à cause d’un représentant de la loi, mais d’un patron ou d’un propriétaire par exemple). En se mettant à la place des personnages et en se rappelant que le film est tiré de faits réels, le doute est permis car même si nul n’est sensé ignorer la loi, tout le monde n’a pas les mêmes connaissances en la matières.

Cependant, du point de vue d’un spectateur face à Compliance, il est difficile, voire quasiment insupportable de regarder les personnages se soumettre à des ordres et des requêtes de plus en plus obscènes venant d’un homme qu’ils ne connaissent ni d’Eve ni d’Adam, sans qu’aucun d’entre eux ne disent “stop”.

En conclusion, Compliance ne laissera personne indifférent, qu’il vous dérange ou qu’il vous énerve. Et c’est finalement le plus important.

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