Le pitch : Suite des aventures de Diana Prince, alias Wonder Woman, Amazone devenue une super-héroïne dans notre monde. Après la Première guerre mondiale, direction les années 80 ! Cette fois, Wonder Woman doit affronter deux nouveaux ennemis, particulièrement redoutables : Max Lord et Cheetah.
Disponible en VOD depuis le 31 mars 2021
*** Cet article contient quelques spoilers ***
Je vais aller droit au but : Wonder Woman 1984 est une énorme déception, peut-être même un des pires films de super héros de nos jours. Pire que Catwoman ? vous entends-je demander, et bien disons que le film de Pitof avait le mérite de naviguer à vue quand il s’agissait d’introduire une super-héroïne et il s’est planté. Là, Patty Jenkins avait déjà proposé un premier opus réussie et se devait de proposer une suite à la hauteur, à l’heure où les films super-héroïques règnent en maître parmi les blockbusters depuis plus d’une décennie… Donc il est difficile d’excuser le long supplice rétrograde qu’est Wonder Woman 1984 – et je plains d’avance les fans de Star Wars puisqu’elle réalisera Star Wars: Rogue Squadron (2023).
Pourtant, ça démarrait bien : en 2017, Patty Jenkins livrait un premier Wonder Woman face à une foule de fans sceptiques et s’en sortait avec brio. Malgré les critiques sur une actrice « trop mince » et les craintes liées au fait que les films de super-héroïnes modernes jusque-là ont tous été foirés (Catwoman, mais aussi Elektra, souvenez-vous… ou pas), Patty Jenkins était parvenue à combiner la force et les émotions de son personnages à travers une origin story solide, bordée d’actions et portée par un visuel ambitieux et spectaculaire, si bien qu’on excusait facilement la touche de romantisme gnan-gnan, les anachronismes et l’impression de regarder un Captain America – The First Avenger au féminin.
Mais alors que s’est-il passé ? Ce qu’il faut savoir c’est que Zack Snyder avait beaucoup participé à la réalisation de Wonder Woman, déjà pour assurer la continuité de sa réflexion sur les dieux super-héroïques (d’où la posture de Jésus dans le combat final face à Arès par exemple), mais aussi pour rassurer les têtes pensantes frileuses de Warner Bros, tout en ajoutant son filtre grave et métallique à l’ensemble. Pour Wonder Woman 1984, Patty Jenkins est seule maître à bord, aveuglément validée par Warner Bros… et c’est là que ça se gâte.
Généralement, je tente de sortir les points positifs, mais disons que l’excitation de retrouver Gal Gadot en Wonder Woman s’est rapidement essoufflée dès les doubles introductions. Entre un flashback bourré d’incohérences et la scène du centre commercial porté par des méchants tout droit sorti d’un « Maman j’ai raté l’avion », le film fait un faux départ, bringuebalé entre des ambitions 80’s et une sorte d’inspiration Shazamesque improbable.
Déjà, je me pose la question : Wonder Woman est restée dans l’ombre suite aux événements du premier film puis sort de son anonymat soixante ans plus tard pour choper des voleurs de supermarché ? OK, soit. C’était probablement plus important que d’intervenir pendant la Seconde Guerre Mondiale (là où il y avait vraiment des nazis pour le coup)…
La suite n’est pas mieux car à chaque détour il y a un quelque chose à redire sur le film. Wonder Woman 1984 est une plongée peu réussie dans les années 80 : le film coche toues les cases possibles pour faire revivre cette époque, à travers la musique et des looks bien trop travaillés, tout en tentant de démarrer l’intrigue avec la subtilité d’une brouette rouillée. On découvre dont une Diana toujours déprimée d’avoir perdu l’homme qu’elle a connu pendant quelques jours, soixante ans plus tôt, alors qu’elle rencontre Barbara, son alter ego dépeinte comme une nerd maladroite à lunettes et le futur bad guy à la recherche d’une pierre magique et mystérieuse pour – tenez-vous bien – devenir riche (wooh-oooh, c’est original !).
Si le décor se pose rapidement, l’histoire traine en longueur car Patty Jenkins se réconforte dans l’exposition et rate son envol quand il s’agit de donner du relief à son intrigue. Résultat, on passe une bonne heure dans la contemplation (du physique de Gal Gadot dont la garde-robe infinie semble être plus appliquée que l’ensemble du film) alors que les personnages se croisent. Pire avec le retour de Steve, on tombe carrément dans la romance un peu niaise, sensée faire écho avec l’arrivée de Diana dans le monde des Hommes dans le premier opus, mais qui ici s’étire en longueur et en platitudes alors que Steve découvre avec émerveillement cette nouvelle époque. OK, pourquoi pas… Toujours est-il qu’on passe plus d’une heure sans revoir Wonder Woman à l’écran et que le film s’enfonce dans des péripéties maladroites.
Alors que la menace se profile à l’horizon, Patty Jenkins tente de donner de l’envergure à son histoire en nous emmenant dans les quatre coins du monde, son manque d’application laisse apparaître des creux scénaristiques béants. Voler un avion en parfait état de marche dans un musée ? Pas de problème. Devenir une pierre qui exauce les vœux – sans pour autant être changer en pierre ? Facile ! Passer d’un continent à l’autre en un clin d’œil dans les années 80 ? Tranquille. Faire intervenir des croyances autres que les mythologies grecques ou romaines dont Wonder Woman est issue ? A l’aise…
Le problème c’est qu’à chaque nouveau détour ou twist, Wonder Woman 1984 s’enfonce dans des erreurs de logique et de cohérence, entre une pierre aux pouvoirs magiques flous et incohérents (pourquoi occuper le corps d’un autre plutôt que de faire revenir quelqu’un d’entre les morts ? que devient la personne dont on a kidnappé le corps ??) et des scènes d’actions ou de pseudo-réalisations qui cherchent surtout à en mettre plein la vue au lieu de faire avancer l’intrigue (attraper des éclairs au lasso, youpi). Ca ne fonctionne pas et au bout d’un moment, même la beauté de Gal Gadot ne parvient pas à nous faire oublier la pauvreté narrative ni l’esbroufe sans-queue-ni-tête de l’ensemble.
Patty Jenkins tente de compenser les creux avec des effets spéciaux dans tous les sens qui, comme l’ensemble du film, sont souvent approximatifs. Wonder Woman 1984 régurgite les pirouettes du premier film dans des démonstrations sans saveur, oubliant en passage l’épée et le bouclier de la super-héroïne pour n’utiliser que son serre-tête en guise de boomerang ! En fait, voilà ce qui dérange dans ce film : les fans de Wonder Woman savent que l’Amazone est un personnage guerrier, badass et capable de botter le cul de Superman. Et pourtant, dans les films, elle est réduite à une super femme affaiblie (littéralement) par ses émotions et qui semble n’avoir rien d’autre à raconter en dehors de son histoire d’amour avec Steve ! Bien que le personnage existe dans les comics depuis 80 ans, Patty Jenkins insiste sur cette romance ponctuelle et brode carrément pour inventer une vie autour de sa Wonder Woman en carton, plaçant au hasard des pouvoirs quasiment inconnus au bataillon et une armure qui semble tout droit sortie des Chevaliers du Zodiaque (et qui ne servira à rien, en dehors de faire joli)… Et c’est encore plus embêtant quand on réalise que les événements du film (qui se veulent mondiaux et catastrophiques) n’auront AUCUNE répercussion sur les films dans lesquels on retrouve l’héroïne 30 ans plus tard. C’aurait été pratique de savoir qu’elle pouvait rendre des trucs invisibles dans Batman V Superman ou dans Justice League (je dis ça, je dis rien), plutôt que de l’entendre chouiner sur un mec qu’elle s’est tapé un siècle auparavant ! Encore une chose que Marvel Studios maîtrise plus que le DCEU : la chronologie des récits – à quelques écarts près.
Forcément, si le film n’est pas appliqué sur le personnage principal, autant vous dire que pour le reste c’est tout aussi bancal voire absurde. Le vilain de l’histoire a des motivations brouillonnes et ses pouvoirs sont de plus en plus erratiques, la fameuse Cheetah (qui devient un guépard sans véritable explication, au passage) se fait attendre et déçoit à l’arrivée (visuellement les FX sont laids et son temps de présence est quasiment nul), tandis le dénouement est bâclée à toute vitesse.
Pour faire simple : Wonder Woman 1984 est un énorme gâchis. Trop d’incohérences, trop d’illogismes, trop d’effets spéciaux mal fichus… Patty Jenkins se noie dans un verre d’eau à force de passer à coté de son sujet, paumée entre la beauté de Gal Gadot qu’elle sublime à n’en plus finir (tout en faisant passer tous les autres hommes pour des porcs – alors que dans le premier film, elle se faisait complimenter sans problème) et surtout des ficelles scénaristiques qu’elle ne parvient pas à maîtriser jusqu’à un final qui ne tient absolument pas là route (dans ta face si tu avais fait un vœu pour la paix dans le monde !). On dirait que sans Zack Snyder pour tenir les rennes, la réalisatrice fait des bulles en surface et même Hans Zimmer, qui compose la bande-originale, lâche l’affaire, recyclant – sans raison apparente – la musique des Martha dans Batman V Superman pour le final du film ! Aucun rapport…
Au casting, on retrouve Gal Gadot (Wonder Woman, Justice League…) dans le rôle titre, toujours aussi belle et portant bien le costume de l’héroïne, mais malheureusement desservie par un scénario qui s’acharne à la réduire à un chose fragilisée par ses émotions. Pour les fans de Wonder Woman, la pilule est difficile à avaler. Autour d’elle, on retrouve Chris Pine (Un Raccourci dans le Temps, Comancheria…), en tant que seule et unique storyline de Wonder Woman selon Patty Jenkins, qui à son tour tient le rôle du naïf qui débarque dans un nouveau monde – déjà vu, déjà fait donc. Coté nouveaux venus : Pedro Pascal (The Mandalorian, Kingsman : Le Cercle d’Or…) est crispant en tant que vilain incohérent qui aurait abusé de l’auto-bronzant au passage, tandis que Kristen Wiig (Dragons 3, Downsizing, SOS Fantômes !…) s’en sortirait presque, car on la (re)découvre loin de ses rôles clownesques et, disons-le, physiquement à la hauteur de Gal Gadot… malheureusement, son personnage est mal écrit et Cheetah est tout simplement bâclée.
En conclusion, Patty Jenkins solo à la réalisation : c’est la catastrophe. Wonder Woman 1984 écume tous les mauvais clichés des films portés par des héroïnes, niant la super force aussi bien mentale que physique de son personnage pour en faire une icone amoureuse et niaise, où tous les efforts sont mis pour mettre en valeur l’actrice plutôt que le rôle. De ce fait, le discours du film est également décevant, coincé entre le « male gaze » dérangeant de la réalisatrice (mes héroïnes sont beeeeelles…), un vague appel du pied au #metoo (les hommes sont des gros loooouuuurds), des méchants en carton et une belle morale soporifique sur l’importance de la vérité (alors que dans le premier film c’était l’amour, mais bon… au point où on en est…).
Wonder Woman 1984 est une compilation d’idées mal exploitées, tronquées ou mal réalisées, marqué par un manque de vision criant et des effets spéciaux peint à la truelle. Quelle déception ! A voir pour les complétistes, mais à éviter en réalité.
Pour un résumé plus ludique, je vous invite à regarder le Pitch Meeting sur Wonder Woman 84 qui revient sur tous (ou presque) les problèmes du film – et c’est drôle 🙂 :
PS : il y a une scène post-générique… à la hauteur de l’ensemble du film -_-