Drame

[CRITIQUE] My Lady, de Richard Eyre

Le pitch : Faut-il obliger un adolescent à recevoir la transfusion qui pourrait le sauver ? Fiona Maye, Juge de la Haute Cour, décide de lui rendre visite, avant de trancher. Leur rencontre bouleversera le cours des choses.

Judi Dench, Kate Winslet, Cate Blanchett, Laura Linney… Si le nom de Richard Eyre semble parfois passer inaperçu, ce réalisateur britannique a dirigé de grandes actrices (et aussi acteurs tels que Jeremy Irons, Tom Hiddleston, Bill Nighy…) et a cette fois choisi la grande Emma Thompson en tête d’affiche pour My Lady. Adapté d’un roman écrit par Ian McEwan (auteur également de Reviens-Moi et également scénariste des adaptations de ses romans comme celui-ci et Sur La Plage de Chesil, actuellement en salles), le film suit le parcours d’une femme juge amenée à trancher sur un cas particulièrement complexe, alors que sa vie personnelle va être bouleversée.

Le titre original du film, The Children Act, fait référence à une loi bien réelle du droit de l’enfance, qui permet de protéger les intérêts d’un enfant dans le cadre d’un conflit familial. Si on peut aisément penser à des cas de divorces, de droits de garde et autres joyeusetés, le film de Richard Eyre vise des sujets plus difficiles, inspirés par des cas réels. Alors que My Lady se focalise sur le sort d’un adolescent atteint de leucémie et qui refuse une transfusion sanguine pouvant le sauver, parce qu’il est Témoin de Jéhovah, le film tisse un dialogue intéressant sur le poids de la religion face au libre-arbitre. Au détour de cette affaire épineuse, le film s’attache surtout à cette femme, absorbée par son travail et qui n’a pas vu son mariage se déliter et son mari s’éloigner. Mise au pied du mur personnellement, elle va accorder une attention particulière à cet adolescent malade et décidé à mourir.

Avec un sujet aussi délicat que la religion, l’histoire est très clairement prise avec des pincettes et propose un premier détour attendu, ne serait-ce que via son titre original. Ce qui est intéressant, finalement, ne sera pas la décision prise par My Lady au sujet de cette affaire complique, mais les répercussions qu’auront son jugement. Richard Eyre dépeint le portrait d’une femme de pouvoir, dont l’inflexibilité flanche peu à peu. Alors que la charge de son travail avait fini par l’isoler de la réalité qui l’entourait, l’héroïne va peu à peu ouvrir les yeux pour réaliser, nier ou affronter l’impact qu’elle a sur son entourage.
Dans un format solennel et léché, Richard Eyre s’attache à souligner l’importance et la maturité intellectuelle et sociale de son personnage, à travers un environnement noble, entre les atours traditionnels des membres de la Cour anglaise et les lieux de tournages qui reflètent l’héritage britannique. Entre fastes et débats sur la vie et la mort, My Lady parvient à créer des personnages poignants aux questionnements accessibles, qu’il s’agisse de la viabilité d’un mariage ou de la quête d’une raison de vivre.
Globalement, My Lady n’apporte aucune réponse et reste une œuvre anecdotique qui ne prendra jamais de partie pris sur les sujets principaux soulevés (notamment quand il s’agit de religion). Vivotant entre les incertitudes d’un adolescent paumé et la compassion pleine de distance d’une femme débordée, Richard Eyre ne creuse pas vraiment ses sujets et propose des personnages figés dans le temps. L’émotion est présente tout au long du film, mais j’aurai aimé plus de profondeurs sur les nombreuses ficelles lancées : le mari délaissé, la famille brisée ou même la carrière de l’héroïne… My Lady donne parfois l’impression d’avoir tenté d’attirer le public en proposant un sujet affriolant (la santé vs la religion), mais botte finalement en touche sur quasiment tous les tableaux explorés – comme en témoigne le final qui balaye toute la narration en un clin d’œil.

Ce qui sauve largement le film, c’est évidemment l’excellente Emma Thompson (La Belle et la Bête, Bridget Jones Baby, Dans L’Ombre de Mary…), toujours remarquable et à l’aise dans ce personnage de poigne, exigeant et pourtant humain (elle ferait un bon antagoniste au personnage de Meryl Streep, Miranda Priestley, si on devait imaginer la suite du film Le Diable s’Habille en Prada !). À ses cotés, Stanley Tucci (Transformers – The Last Knight, Hunger Games, Spotlight…) et le jeune Fionn Whitehead (Dunkerque…) offrent des performances solides et convaincantes, tandis que Ben Chaplin (Snowden, Cendrillon…) et Jason Watkins (Taboo, L’Homme qui Tua Don Quichotte...) font également partie de l’ensemble.

En conclusion, My lady est une tranche de vie touchante, accessible et joliment exécutée, portée par une actrice formidable. Cependant, le film de Richard Eyre est aussi vite vu que vite digéré, tant l’intrigue reste en surface, naviguant entre ses questionnements holistiques ou philosophiques, sans jamais proposer de réponses ou d’opinions plus personnelles. Si j’ai passé un bon moment et que j’ai été touchée par la performance et l’histoire des personnages, My Lady a le charme qu’une visite dans un musée ancien, entre admiration pour le travail fait et respect pour une époque obsolète. À tenter.

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