Épouvante-horreur

[CRITIQUE] Mother Land, d’Alexandre Aja

Le pitch : Depuis la fin du monde, June protège ses fils Samuel et Nolan, en les confinant dans une maison isolée. Ils chassent et cherchent de quoi survivre dans la forêt voisine, constamment reliés à leur maison par une corde que leur mère leur demande de ne surtout « jamais lâcher. » Car, si l’on en croit June, la vieille cabane est le seul endroit où la famille est à l’abri du « Mal » qui règne sur la Terre. Mais un jour, la corde est rompue, et ils n’ont d’autre choix que de s’engager dans une lutte terrifiante pour leur propre survie…

Après un rapide passage sur les plateformes de streaming avec Oxygène en 2021, Alexandre Aja (Crawl, Horns, Mirrors, La Colline A Des Yeux…) nous plonge dans Mother Land, un huis-clos en plein air qui captive et perturbe autant qu’il intrigue. Dans ce thriller horrifique plutôt bien ficelé, Alexandre Aja revisite une recette que les plus avertis auront déjà flairé au bout de dix minutes, mais parvient tout de même à distiller des moments de doutes qui vont brouiller les frontières entre le réel et la folie pure.

Dès les premières minutes, Mother Land renonce aux expositions classiques et nous immerge directement dans ce monde oppressant, laissant le soin aux dialogues et à l’ambiance de dessiner l’histoire. Alexandre Aja choisit de nous embarquer sans détour, jouant sur les non-dits et les indices épars pour maintenir une tension constante. Ce choix de narration sans préambule capte notre attention et nous force à rester alertes, oscillant entre doute et peur. Est-ce une menace extérieure tangible ou bien le reflet d’une psychose familiale née de la terreur et de l’isolement ?

La tension, ici, est omniprésente, haletante sans être véritablement effrayante, offrant un spectacle inquiétant mais contenu. Plus sage que ses films précédents, Mother Land semble adopter une approche plus mesurée et tactique pour semer les graines du doute. Ce thriller repose davantage sur la psychologie et l’ambiance, avec une mise en scène minimaliste qui exploite l’espace de la forêt comme un piège à ciel ouvert. On sent que chaque détail visuel et sonore est calculé pour créer un sentiment d’oppression qui ne faiblit jamais.

Bien que Mother Land emprunte des sentiers balisés du film post-apocalyptique et s’inspire de certaines astuces du cinéma de genre (lorgnons du coté de Shyamalan), Alexandre Aja parvient à dépasser le simple « déjà-vu » grâce à une seconde moitié où tout bascule. À mi-parcours, le film déstabilise nos certitudes en explorant la relation complexe entre les jumeaux, marquée par un tiraillement entre obéissance aveugle et rébellion adolescente. Mother Land va alors au-delà du cadre menaçant et des jumpscares bien calés, pour interroger l’héritage familial et l’impact de l’éducation, rappelant avec justesse que, malgré les règles et les limites, les enfants finissent toujours par se frayer leur propre chemin vers l’indépendance.

Au casting, Halle Berry (The Union, Moonfall, John Wick Parabellum…) est de retour dans le genre horrifique près de vingt ans après Gothika. L’actrice incarne avec justesse cette mère prête à tout pour protéger sa progéniture, même au prix de sacrifices insensés. Mais la véritable surprise de ce casting réside dans la performance saisissante des jeunes acteurs Percy Daggs (Les Derniers Jours de Ptolemy Grey…) et Anthony B. Jenkins (The Delivrance…), incarnant respectivement Nolan et Samuel, qui portent avec talent toute la seconde partie du film. Leur jeu qui mélange subtilement la panique, l’enfance et la foi confère à l’intrigue une dimension supplémentaire, rendant cette lutte pour la survie encore plus poignante et crédible.

En conclusion, Mother Land est un thriller efficace et astucieux, malgré ses accents de déja-vu qui permettent trop rapidement de deviner les secrets de l’intrigue. Aja livre ici un film moins viscéral, mais terriblement captivant, qui, sans révolutionner le genre, réussit à maintenir une tension palpable jusqu’à la dernière seconde. À voir.

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