
Le pitch : Deux des plus redoutables figures de la mafia new-yorkaise, Frank Costello et Vito Genovese, luttent pour le contrôle de la ville. Autrefois meilleurs amis, la jalousie et les trahisons les mènent inévitablement à l’affrontement qui entraînera la chute de la mafia américaine.
Dix ans après Rock The Kasbah, Barry Levinson – réalisateur phare des années 90 (Rain Man, Harcèlement, Sleepers, Des hommes d’Influence, Sphère, Liberty Heights…) et plus récemment sur le petit écran avec Dopesick – fait son retour au cinéma avec The Alto Knights, un biopic romancé sur la rivalité de deux figures mythiques de la mafia new-yorkaise, qui résonne comme un adieu au genre.

Avec ses personnages vieillissants, The Alto Knights ravive le souvenir des grands classiques du film de gangsters, de Le Parrain à American Gangster, en passant par Les Affranchis, Scarface, Snatch, Les Incorruptibles, Les Infiltrés ou encore Il Était Une Fois En Amérique… pour ne citer qu’eux.
Depuis les années 2000, ce genre est devenu old school, éclipsé par des blockbusters toujours plus musclés et explosifs. L’image du gangster a muté : exit la figure patriarcale au charisme froid, place aux héros bodybuildés, as du volant et insensibles aux explosions qu’ils quittent sans un regard. La mafia a cédé la place à la « famille » de substitution, aux équipes de choc, tandis que les criminels d’autrefois, autrefois dépeints avec un regard plus nuancé, sont devenus des figures héroïques glamourisées dépassant même les représentants de la loi.

Avec The Alto Knights, Barry Levinson signe un retour aux sources teinté de nostalgie, porté par un Robert De Niro double. En revisitant la rivalité légendaire entre Frank Costello et Vito Genovese, le film s’inscrit dans le crépuscule de leurs règnes, à l’ombre d’une Amérique en pleine mutation à la fin des années 50. Comme un souvenir d’antan, le récit se déploie entre voix off et séquences contemplatives, enchaînant les tableaux pour souligner le passage du temps, la transmission du pouvoir et les tensions quasi fraternelles qui lient et opposent ces figures mythiques du crime organisé. Plutôt que de s’attarder sur les exactions criminelles, The Alto Knights explore surtout la dimension quasi politique de ces dynasties mafieuses, où les alliances se nouent et se brisent dans une guerre d’égo feutrée, sans jamais réellement s’affronter.

Lent et bavard, le film captive par sa finesse d’écriture, prenant son temps pour dépeindre l’échiquier des gangs, du parrain aux conseillers de l’ombre, en passant par les épouses fidèles et stratèges, au sein d’un patriarcat oppressant où la loi ne semble être qu’un contretemps gênant face à la gestion des rênes de la famille Genovese. D’ailleurs, The Alto Knights fascine par l’étrange décontraction qui filtre à travers les échanges chargés de tension, alors que l’étau se resserre sur la pègre : la fin des années 50 marque aussi l’essor des autorités américaines bien décidées à briser l’empire tentaculaire de la mafia italienne, bien au-delà des rues de New York.

Sur le papier, The Alto Knights coche toutes les cases, mais à l’écran, l’œuvre de Barry Levinson apparaît comme un film en bout de course, un brin trop contemplatif. Il fait figure d’adieu au genre, une élégie aux films de gangsters d’antan, renforcée par un casting quasi Nolanien, peuplé d’acteurs aux allures de vétérans.
Si cette patine crépusculaire et jaunie séduira les nostalgiques, les plus jeunes risquent d’y voir un exercice trop figé, parfois poussiéreux. Difficile de ne pas ressentir l’envie de se replonger dans les classiques du genre pour combler ce que The Alto Knights effleure sans jamais totalement raviver. Car si l’ensemble s’apprécie avec recul, impossible de nier que le film ne fait que rejouer une partition mille fois entendue, sans jamais retrouver la tension sourde et implacable qui habitait Le Parrain ou Les Affranchis.

Au casting, Robert De Niro (The Irishman, Killers of the Flower Moon, Amsterdam…) incarne les deux protagonistes rivaux, Frank Costello et Vito Genovese – chose que je ne savais pas avant d’aller voir le film et qui m’a pas mal perturbée, car malgré le maquillage, l’acteur reste reconnaissable par ses manières devenues caractéristiques. Ceci étant dit, c’est un véritable plaisir nostalgique de le revoir dans ce type de rôle qui l’a fait connaître, si bien que sa fameuse mimique m’a arraché quelques sourires malgré le coté dramatique de ce semi-biopic.
Autour d’eux, on retrouve Cosmo Jarvis (Shōgun, The Young Lady…) en Vincent Gigante, Michael Rispoli (Cherry, The Offer…) en Albert Anastasia et Wallace Langham (Darkest Minds, CSI Las Vegas…) en Estes Kefauver, trois noms emblématiques de cette histoire. À l’affiche également, Debra Messing (Bros, Searching – Portée Disparue…) en épouse fidèle qui se fait voler la vedette par l’apparition plus courte mais plus marquante de Kathrine Narducci (Euphoria, Capone…) dans le film.
En conclusion, The Alto Knights a l’élégance d’un dernier salut au film de gangsters, mais peine à retrouver la tension et la grandeur de ses illustres prédécesseurs. Barry Levinson signe un adieu mélancolique au genre, qui séduira peut-être les nostalgiques mais qui donne surtout envie de revoir les vrais classiques. À voir.

