
Le pitch : Superman se retrouve impliqué dans des conflits aux quatre coins de la planète et ses interventions en faveur de l’humanité commencent à susciter le doute. Percevant sa vulnérabilité, Lex Luthor, milliardaire de la tech et manipulateur de génie, en profite pour tenter de se débarrasser définitivement de Superman. Lois Lane, l’intrépide journaliste du Daily Planet, pourra-t-elle, avec le soutien des autres méta-humains de Metropolis et le fidèle compagnon à quatre pattes de Superman, empêcher Luthor de mener à bien son redoutable plan ?
Après une incursion dans l’univers DC avec The Suicide Squad puis la série Peacemaker, le réalisateur attaché à la saga Les Gardiens de la Galaxie coté Marvel prend la co-présidence du DC Studios, aux cotés de Pierre Safran, et annonce la naissance du DCU (DC Universe). Le premier chapitre, joyeusement intitulé “Gods and Monsters (Dieux et Monstres)” démarre au cinéma avec le très attendu Superman (coté petit écran, c’est la série animée Creatures Commando qui a ouvert le bal). Une annonce qui divise, alors que les cendres du DCEU fumaient encore, puisque ce nouveau film vient avec un recasting complet des héros. Le film s’accompagne d’un recasting intégral, et dit adieu à Henry Cavill (le Man of Steel, version Snyder), au profit d’un Superman plus jeune incarné par David Corenswet, qui, quelque part, incarne à lui seul le principe de The Substance : même squelette, mais matière changée !
>>> Superman : Retour sur le film (100% spoilers) <<<

Une chose est sûre : ce Superman version James Gunn détonne. Dans un paysage super-héroïque encore largement dominé par la recette Marvel, le réalisateur choisit une route moins balisée. Le film garde ses fondamentaux : un Superman tiraillé entre sa mission et son identité, et un Lex Luthor qui fait tout pour le faire tomber, tout en s’éloignant des visions surchargées de symbolisme et de chaos futuriste à la Zack Snyder pour revenir à une approche plus « terrestre », ancrée dans des tensions géopolitiques qui font furieusement écho à notre réalité. Exit l’origin story vue et revue : James Gunn plonge directement son Superman au cœur de l’action, et parvient à trouver un équilibre entre la démonstration de puissance et un récit aux enjeux clairs.

Fidèle à ses habitudes, James Gunn ne peut s’empêcher d’élargir le scope. Aux côtés de l’Homme d’Acier, on retrouve une galerie réjouissante de personnages issus de l’univers DC Comics : de l’Ingénieure à Mr. Terrific, en passant par Green Lantern, Hawkgirl, et même Ultraman. Le film a aussi la bonne idée de réintégrer certains « seconds couteaux » oubliés des dernières adaptations, comme Eve Teschmacher (même si j’oublierai jamais comment Kevin Spacey hurlait son nom dans Superman Returns…), Jimmy Olsen ou Cat Grant. Il y a évidemment d’autres surprises à prévoir dans cette déclaration d’amour de James Gunn pour cet univers qu’il maîtrise du bout des doigts. Dans cette version de Superman transparaît dans cette volonté de réconcilier l’humain et l’extraordinaire. À travers les thématiques d’intégration, de camouflage, et de quête du bien, le réalisateur explore toutes les facettes du mythe, et réussit à offrir un Superman plus vulnérable, faillible, donc plus accessible.
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Le tout est bien écrit, plutôt solide… mais la mise en place traîne un peu, et les ruptures de ton sont souvent abruptes, pour ne pas dire scolaire (action, blabla d’exposition, action, exposition, etc…). Ce qui surprend surtout, c’est que James Gunn s’éloigne de la fantaisie effervescente qui faisait le charme de ses précédents films super-héroïques pour livrer une proposition plus sobre, gravitant autour d’un contexte diégétique réaliste (difficile de ne pas faire le lien avec le conflit israelo-palestinien en sous-lecture). Le blockbuster d’été est bel et bien là : scènes d’action efficaces, touches d’humour bien dosées… mais il manque parfois ce petit truc en plus, cette étincelle qui rend les films de super-héros ausi accrocheurs. La complexité du scénario (nécessaire et bienvenue, certes), et le nombre élevé de personnages nuisent un peu à la fluidité de l’ensemble. Un pari risqué, qui divisera sans doute : notamment chez les fans de Snyder peut habituer à autant de luminosité (!), mais aussi parmi le public habitué à une recette à la Marvel.

Heureusement, le dernier tiers du film relève la barre : plus dense, plus resserré, il offre un affrontement final convaincant qui vient justifier l’attente et récompenser l’effort. James Gunn, à la réalisation comme à l’écriture, ne déçoit pas… ou presque. Car si l’on peut discuter de la vision de Zack Snyder, force est de reconnaître que ses scènes de vol avaient une puissance visuelle difficile à égaler. Ici, James Gunn tente autre chose : de nouveaux effets, des angles inédits (comme ces plans de face et cet effet « fish eye”) qui, pour ma part, ne fonctionnent pas toujours. Et globalement, le film manque un peu de « money shots », ces plans iconiques qui font la grandeur du genre.
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Le vrai bémol pour moi, c’est que l’aura de notre héros au fameux slip rouge se fait bien trop souvent éclipsée par la présence souvent plus marquantes d’autres personnages. En effet, si cette nouvelle itération de Lex Luthor est parfaitement méchant, je retiens surtout la présence d’un Mr Terrific génial (je veux un spin-off sur lui, merci).
En gros, j’ai passé un bon moment, mais je ne suis pas aussi conquise que je l’aurais espéré, tant ce Superman version James Gunn, malgré ses qualités, reste un poil plus fade que ce qu’on a eu l’habitude de voir, autant de la part de ce réalisateur que du genre super-héroïque.

Au casting : faisant partie de ceux qui auraient aimé garder Henry Cavill dans le rôle, je continue d’avoir quelques réserves sur David Corenswet (Twisters, We Own This City…). Comme dit plus haut, le héros se fait voler les vedettes par d’autres personnages et je pense qu’une certaine absence de charisme y est pour beaucoup. Heureusement, pour le reste du casting, ce n’est que l’upgrade par rapport au DCEU. Nicholas Hoult (Nosferatu, Juré n°2, Le Menu…) est excellent en Lex Luthor, tandis que Rachel Brosnahan (The Fabulous Mrs Maisel, The Amateur…) est une Lois Lane bien plus sympathique. La surprise, c’est surtout Edi Gathegi (For All Mankind, X-Men Le Commencement…) en Mr Terrific qui vole le show à chacune de ses apparitions, talonné de prêts par une Nathan Fillion (The Rookie, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3…) hilarant en Green Lantern.

À l’affiche également : Skyler Gisondo (Licorice Pizza, Booksmart…) dans une itération de Jimmy Olsen discutable et María Gabriela de Faría (The Exorcism of God, Deadly Class…) parvient à tirer son épingle du jeu, tandis qu’Isabela Merced (Alien: Romulus, Madame Web…) ou encore Wendell Pierce (Thunderbolts*, Elsbeth…) disparaissent en toile de fond. Mention spécial à l’acteur Zlatko Burić (Sans Filtre, Teen Spirit…) qui enchaîne des rôles de personnages inconfortables avec brio !
James Gunn fait également appel à son carnet d’adresses et quelques caméos sont à prévoir (et certains secrets ont été bien gardés !), mais il faudra aussi tendre l’oreille pour reconnaître Alan Tudyk, Michael Rooker, Pom Klementieff et, of course, Jennifer Holland (son épouse qui est partout).

En conclusion, James Gunn signe une relecture honnête et intelligente du mythe, plus incarnée, plus ancrée, mais qui manque encore d’élan mythologique. Superman ouvre un premier chapitre intéressant, mais pas encore inoubliable. À voir, évidemment !

PS : le film contient une “scène” post-générique à la toute fin. Rien de fifou, par contre 😋 On en parle ici !
