Thriller

[CRITIQUE] Dalloway, de Yann Gozlan

Le pitch : Clarissa, romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway, son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements complotistes d’un autre résident. Se sentant alors surveillée, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. Menace réelle ou délire paranoïaque ?

Pour son nouveau film, Yann Gozlan (Boîte Noire, Un Homme Idéal, Vision…) adapte le roman « Les Fleurs de l’Ombre » de Tatiana de Rosnay, paru en 2020. Et comme souvent chez lui, on est en plein dans la paranoïa moderne. Cette fois, cap sur un futur très proche : Paris 2028 impacté par une nouvelle pandémie qui rôde et une intelligence artificielle omniprésente dans le quotidien. Il y a comme un air de déjà vu anxiogène dès les premières minutes, alors qu’on découvre le quotidien d’une auteure, vivant dans un appartement moderne totalement régit par une IA appelée Dalloway (nom qui fait écho au roman de Virginia Woolf “Mrs Dalloway” *wink wink*).

Visuellement, Dalloway se découvre avec son esthétique froide, clinique et plutôt scolaire : une photographie bleutée quand l’IA est présente ou plus chaude quand l’humain est au centre et des décors industriels où la nature se fait rare. Yann Gozlan, fan revendiqué d’Hitchcock, cultive ce côté glacial, où chaque pièce semble conçue pour enfermer le spectateur dans le doute, comme pour nous inciter à anticiper l’entourloupe. Et ça marche : on est happé par la lente montée de malaise qui entoure cette romancière en perte de vitesse, tiraillée entre son deuil et une assistante virtuelle un peu trop invasive.

Là où le film devient intéressant, c’est dans la double lecture qu’il propose : est-ce qu’on assiste aux délires d’une artiste influençable qui projette ses névroses sur la technologie, ou est-ce qu’il y a vraiment derrière cette IA une logique d’exploitation et de contrôle ? C’est cette ambiguïté, portée par une héroïne fragilisée par le deuil de son fils, qui donne son sel au récit.

Le hic, c’est que Dalloway reste trop souvent le cul entre deux chaises. À force de maintenir le doute, le film finit par tourner en rond, rallonge inutilement certaines scènes et manque surtout d’un véritable parti pris. Plonger franchement dans la dystopie ou, au contraire, creuser plus intimement la psychose de son personnage, aurait donné une puissance supplémentaire. Là, ça reste une variation élégante, mais un peu trop superficielle, sur des thèmes qu’on a déjà vus ailleurs, qui résonnent comme la rengaine peu creusée de ceux qui affirment que l’IA nous remplacera tous, parce qu’ils l’ont lu ou entendu quelque part. Pas étonnant que certains y voient un épisode mineur de Black Mirror, difficile de leur donner tort !

Malgré ça, le film se laisse suivre sans peine. Yann Gozlan capte bien les angoisses de notre époque : peur d’un nouveau virus, peur d’être remplacés par l’IA, peur d’être espionnés jusque dans nos espaces les plus intimes. Dalloway ne révolutionne rien, mais il cristallise ces inquiétudes avec une efficacité certaine.

Au casting : Cécile de France (Par Amour, Second Tour, La Passagère…) est excellente, avec une interprétation prenante qui donne de l’intensité à l’ambiance générale, face à une Anna Mouglalis (Mickey 17, La Vénus d’Argent, L’Événement…) à la voix naturellement envoûtante, tandis que Lars (frère de Lars) Mikkelsen (House of Cards, The Witcher, Ahsoka…) sème le trouble. À noter que la voix de Dalloway est incarnée par Mylène Farmer (Ghostland, Arthur et les Minimoys…), qui parvient à rendre l’IA suffisamment humaine pour frôler la frontière entre le monde binaire et le monde physique.

En conclusion, Yann Gozlan propose un thriller psychologique glacial et efficace, qui joue habilement avec nos peurs contemporaines. Prenant, oui, mais Dalloway a comme un petit goût d’incomplet sur les bords. À voir.

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