Épouvante-horreur, Thriller

[CRITIQUE] Marche ou Crève, de Francis Lawrence

Le pitch : Le jeune Garraty va concourir pour  » La Longue Marche « , une compétition qui compte cent participants. Cet événement sera retransmis à la télévision, suivi par des milliers de personnes. Mais ce n’est pas une marche comme les autres, plutôt un jeu sans foi ni loi…

Dans un récit dystopique, l’auteur américain Stephen King imagine une Amérique totalitaire où une poignée de jeunes hommes seraient plus ou moins volontaires pour participer à une Longue Marche, afin de montrer l’exemple à leurs compatriotes. L’objectif : tenir le plus longtemps, en marchant à un rythme soutenu. Le risque : l’élimination.
Évidemment, avec un pitch aussi orienté “Young Adult”, qui d’autre que le papa de la saga Hunger Games (L’Embrassement, La Révolte Partie 1 et Partie 2, La Ballade du Serpent et de l’Oiseau Chanteur…) pour porter cette histoire à l’écran, tant les ressemblances sont fortes. Mais attention, qu’on ne s’y trompe pas : Stephen King a publié ce livre en 1979 sous le nom de Richard Bachman, soit près de trente ans avant les romans de Suzanne Collins.

Une chose est sûre : les dystopies ont souvent pour point commun d’imaginer la vie après la chute de la société telle qu’on la connaît. Marche ou Crève s’inscrit dans ce sillage, tout en resserrant le cadre jusqu’à l’étouffement. Ici, pas de révolution ni de grands discours : juste une route infinie, un soleil écrasant, et cent garçons qui avancent parce qu’ils n’ont plus le droit de s’arrêter.
Entre amitiés, rivalités et moments de grâce éphémères, le film de Francis Lawrence confronte très vite le spectateur à l’horreur pure : celle qui ne vient pas de monstres, du paranoramal ou de jumpscares, mais du réalisme brutal d’une épreuve qu’on subit jusqu’à la mort. L’angoisse est constante, sourde, presque physique. Et plus la marche avance, plus l’espoir se dissout.

Francis Lawrence filme cette lente agonie avec une sobriété glaçante. Même les paysages alentours deviennent le miroir d’une Amérique vidée de son humanité, désertique et désolée, presque sans vie. On est loin de la carte postale rurale : c’est un purgatoire à ciel ouvert où défilent des silhouettes déjà fantomatiques.
Et au milieu de tout ça, il y a eux : ces garçons auxquels on s’attache presque malgré soi, et dont le nombre s’amenuise au fil des kilomètres. Marche ou Crève agit comme une flamme vacillante, témoin de l’usure des corps, de la résilience, et de la lente érosion des esprits. Viscéral, le film prend littéralement à la gorge et distille une émotion poignante tout au long de cette marche macabre. Les “éliminations” deviennent de plus en plus insoutenables, j’ai même eu du mal à en regarder certaines, alors que je ne suis pas particulièrement sensible à la violence visuelle. C’est dire à quel point l’affect prend le dessus.

Si Le Labyrinthe ou Hunger Games misaient sur la révolte, Marche ou Crève repose sur une fatalité implacable, lente… calme. La mort n’est pas une menace, c’est une compagne de route et quand elle finit par rattraper chacun d’eux, il ne reste plus qu’une impression de tristesse immense et d’injustice silencieuse. Le film dégage une puissance émotionnelle rare, presque hypnotique, qui tient à cette tension constante entre espoir et résignation. On ne peut d’ailleurs ignorer l’écho que fait le film à d’autres marches historiques qui ont marqué notre réalité, ce qui ajoute encore plus de noirceur à l’ensemble.

Je n’ai pas lu le roman d’origine (même si je sais que la fin est un poil différente), mais connaissant bien l’univers de Stephen King, j’ai retrouvé ici ses thématiques phares : la révolte contre l’autorité établie (parentale, gouvernementale, autre…), la perte de l’innocence, la peur de grandir dans un monde qui ne laisse pas le choix.
Entre homosexualité, religion et racisme, les dialogues esquissent aussi une société malade, fracturée, où même la camaraderie se heurte aux instincts les plus primaires une fois que la fatigue a fait tomber les derniers masques. Marche ou Crève est le témoignage d’une société qui pousse les gens à filer droit coûte que coûte, même quand on en peut plus, sans aucune récompense assurée à la clé.

Au casting, c’est l’occasion de (re)découvrir pas mal de nouveaux talents : David Jonsson (Alien: Romulus, Industry…) et Cooper (fils de Philip Seymour) Hoffman (Old Guy, Licorice Pizza…) forment un duo attachant, entouré entre autres par Tut Nyuot, Ben Wang, Garrett Wareing (Independence Day: Resurgence, Manifest…) ou encore Charlie Plummer (Moonfall, Looking For Alaska…) qui porte avec son rôle toute la nervosité fragile qui plane sur le groupe. À l’affiche également, Mark Hamill (Le Robot Sauvage, La Chute de la Maison Usher…) incarne l’autorité avec une froideur terrible tandis que Judy Greer (Kidding, Halloween…), seul personnage féminin du film, fait quelques apparitions pour laisser cours à tous les désespoirs contenus autour de cette marche.

En conclusion, même si Marche ou Crève fleure bon le revival des films “yound adult”, le film se démarque par son intensité et sa gravité à la fois bouleversante et terriblement lucide sur la condition humaine. Francis Lawrence signe un film dur et poignant, qui laisse le cœur en vrac bien après la dernière image. À voir.

Laisser un commentaire