
Le pitch : La vie d’un jeune couple est bouleversée quand le mari devient somnambule et se transforme en quelqu’un d’autre la nuit tombée. Sa femme, submergée par la peur qu’il fasse du mal à leur nouveau-né, ne trouve alors plus le sommeil…
Formé par le réalisateur Bong Joon-ho (Parasite, Okja, Snowpiercer, The Host, Memories of Murder…), Jason Yu livre son premier long métrage qui arrive en France après un parcours émérite en Corée du Sud, puis avoir reçu le Grand prix au dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer.
Au détour d’une grossesse, un couple est confronté aux crises de somnambulisme soudaine du mari, qui vont faire basculer leurs perceptions de la réalité. Simple dérèglement neurologique ou présence paranormale, la comédie d’horreur Sleep (à ne pas confondre avec le Sleep de Michael Venus, sorti en 2020) explore la lente dérive d’un personnage central aux nerfs déjà en alerte, dû à la fin imminente de sa grossesse.

Le film fait évidemment le parallèle avec l’anxiété puis le syndrome post-partum qui touche de nombreuses femmes et jeunes mères, mais se sert aussi du folklore sud-coréen pour trouver des réponses à un mal insaisissable. Jason Yu mesure son récit en chapitre et choisit une narration assez simple, pour ne pas dire parfois expédiée, ce qui affaiblit parfois ses intentions, alors que le frisson est aux abonnés absents. L’ensemble est relativement accrocheur, mais souvent déconcertant car on ne sait jamais sur quel pied Sleep se balance. Écart culturel entre le spectateur occidental et un récit sud-coréen ou distanciation trop importante entre le sujet et ses protagonistes, le film de Jason Yu semble survoler le conflit qui creuse le couple.

Cependant, si Sleep ne révolutionne pas la comédie d’horreur, il repose entièrement sur la performance de ses acteurs qui nous embarquent les yeux grands ouverts à la frontière ténue entre le délire et le surnaturel. Comme la plupart des films asiatiques, Sleep déroge des schémas classiques, notamment sur les relations de couples ou le rapport aux croyances mystiques. Ceci étant dit, j’aurai aimé que le film creuse un peu plus l’opposition entre le rationnel et le surnaturel, afin de faire durer le doute, voire même laisser la possibilité au spectateur de se faire son propre avis – un peu comme l’avait fait le film L’Exorcisme d’Emily Rose de Scott Derrickson.

Avec Sleep, Jason Yu reste en surface avant d’asseoir son parti pris avec des raccourcis un peu brutaux, qui ne permettent pas de nous faire croire à son histoire de hantise à l’encéphalogramme relativement plat. Plus scolaire encore, Sleep se termine de manière abrupte, oubliant carrément – sans trop spoiler – les personnes encore présentes dans la pièce… Un final mieux maîtrisé aurait probablement aidé à faire passer la pilule. Bref, pour un film estampillé « horreur », on repassera.

Au casting, Lee Sun-Kyun (Dernier Train pour Busan, Psychokinesis…) et le regretté Jung Yu-mi (Parasite, Kingmaker…) se font face dans une crise de couple aux portes de la folie, portant à eux-deux toute la charge empathique du récit.
En conclusion, en dépit de son exploration intrigante du somnambulisme et de ses liens avec le post-partum, Sleep de Jason Yu surprend plus qu’il ne captive à cause d’une narration souvent trop superficielle et un final expédié. Heureusement, le duo d’acteurs principaux parvient à donner le change, permettant ainsi de s’intéresser à l’issue du film, globalement plutôt original, bien qu’un peu faiblard, dans le paysage horrifique occidental. À tenter.

