
Le pitch : Willy et Jojo, deux ados inséparables, passent leur temps à chasser l’ennui dans un petit village au cœur de la France. Ils se sont fait une promesse : ils partiront bientôt pour la ville. Mais Jojo cache un secret. Et quand tout le village le découvre, les rêves et les familles des deux amis volent en éclat.
Réalisateur sur les séries Baron Noir et Le Bureau des Légendes, Antoine Chevrollier propose son premier long-métrage, La Pampa, abordant cette fois un drame adolescent dans un décor rural à la fois lumineux et oppressant.
Plongeant dans l’univers testostéroné du motocross, le film s’appuie sur une amitié solide et indéfectible entre deux jeunes hommes, pour mieux explorer les tabous et les carcans sociaux d’une petite communauté provinciale. Le réalisateur n’a pas choisi ce monde par hasard : là où est plus facile (sur le papier) de parler de sexualité dans une grande ville, le film fait le bon choix de s’installer en province.

Entre mœurs étriquées et réputations en carton, La Pampa narre la difficulté de s’émanciper du regard des autres et du rôle à tenir qu’on appartienne à un genre ou à l’autre. L’intolérance est omniprésente, insidieuse puis brutale, et La Pampa en capte bien les multiples visages, qu’elle se manifeste par la violence physique, la pression sociale ou la réputation destructrice qui pèse aussi bien sur les jeunes. En effet, si La Pampa se focalise sur le destin des deux héros, il ne manque cependant pas d’évoquer celui d’une jeune fille également victime du jugement collectif. À travers son récit, Antoine Chevrollier élargit son propos sur les mécanismes d’exclusion et d’oppression genrée.

Le film brille particulièrement dans sa première partie, sublimant la force de l’amitié entre Willy et Jojo tout en distillant une tension latente, signe que tout peut basculer à tout moment. La mise en scène naturaliste et la direction d’acteurs impeccable renforcent l’authenticité du récit. Pourtant, si La Pampa démarre avec une promesse forte, il peine à tenir la distance une fois que toutes les cases attendues par ce type de film sont cochée. À mesure que l’intrigue avance, la narration s’essouffle notamment à travers une dernière partie orpheline qui perd de sa force, coincé avec un héros sur les bras et des sous-intrigues tardives à boucler.
Une frustration qui m’a rappelé Été 85 de François Ozon, qui promettait également une histoire plus dense qu’elle ne l’était en réalité. On retrouve la même ambiance solaire, autour de personnages jeunes qui semblent avoir toutes leurs vies devant eux mais dont on devine la tragédie imminente.

Malgré tout, La Pampa reste un film sincère et touchant, qui capte avec finesse la difficulté de s’affirmer dans un monde où tout semble déjà écrit d’avance. Si son final en demi-teinte empêche une conclusion véritablement marquante, il n’en reste pas moins un premier essai prometteur pour Antoine Chevrollier, qui prouve ici son talent pour saisir la complexité des liens humains, surtout lorsque qu’ils sont coincés dans une petite communauté où tout le monde s’observe à la loupe (par ennui).

Au casting, le réalisateur retrouve Sayyid El Alami (Oussekine, Narvalo, La Chambre des Merveilles…), le baromètre émotionnel du film, au coté d’un Amaury Foucher novice mais conquérant. Autour d’eux, Damien Bonnard (Les Misérables, Pauvres Créatures…) et Artus (Un P’tit Truc en Plus, Bernadette…) forment un duo patriarcal opressant, tandis que Florence Janas (Le Fil, Coupez !…) se démarque grâce à un personnage émouvant et accessible. À l’affiche également, Léonie Dahan-Lamort (La Morsure, Nudes…), Mathieu Demy (On The Verge, Les Barbares…) ou encore Laetitia Clément (L’Innocent, Tout S’est Bien Passé…) complètent un ensemble convaincant.
En conclusion, malgré un scénario écrit à six mains, La Pampa laisse une impression en demi-teinte. Antoine Chevrollier parvient à saisir la justesse mais également la dureté de son sujet, mais ne parvient pas à aller jusqu’au bout de son propos à cause de son dernier tiers orphelin et bancal. À tester.

