Épouvante-horreur, Thriller

[Coup de cœur] Stoker : Un conte horrifique, dérangeant et sensuel

Stoker-affiche

Fascinant, brillant et d’une beauté déroutante, Stoker pourrait bien être mon vrai coup de cœur de l’année. Pour son premier film occidental, Park Chan-Wook (Old boy en 2003, Lady vengeance en 2005) nous offre un thriller horrifique à la fois séduisant et repoussant, où les non-dits ont autant d’importance que l’histoire racontée. Truffés de plans symboliques et grâce à une mise en scène précise, Stoker déborde d’une sensualité malsaine, opposant la femme d’âge mûr qui cherche l’attention et la jeune femme qui se découvre, face à un homme sombre et déclencheur de vices. Tout cela aurait pu être une histoire banale, gauchement érotique, s’il n’y avait pas cette ombre dérangeante, entre liaisons interdites et fascination morbide, qui entre les mains de Chan-Wook et guidé par un scénario écrit avec brio devient ensorcelant. Un véritable plaisir coupable.

Le pitch : A la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, assiste au retour de son oncle, un homme mystérieux dont elle ignorait l’existence, et qui s’installe avec elle et sa mère. India commence à soupçonner que les motivations de cet homme charmeur ne sont pas sans arrière-pensées et ne tarde pas à ressentir pour lui des sentiments mêlés de méfiance et d’attirance.

Dès le départ, Stoker nous entraîne dans un tableau unique, à l’atmosphère sombre, inquiétante et pourtant fascinante. Chaque personnage ajoute un peu plus de mystère et de secrets, alors que l’arrivée de l’oncle Charlie ne va cesser de semer le trouble. Un personnage énigmatique à la froideur séduisante qui bouleversera le parcours d’une mère au charme avide et de sa fille à l’innocence farouche. Aussi sensuel que trouble, Stoker ne cesse de nous surprendre aussi bien par le déroulement de l’histoire qui nous entraîne à l’aveuglette, que par le lien électrique qui se tisse entre les personnages. Imprévisible, le film s’amuse à brouiller les pistes jusqu’à ce que l’invraisemblable ne devienne logique (scène de la douche, par exemple). Là où Park Chan-Wook s’illustre, c’est surtout dans la partie de l’histoire qui n’est pas racontée. En traduisant les émotions de son héroïne par des plans subtils et symboliques, le spectateur assiste presque malgré lui à l’évolution de sentiments mitigés et parfois contradictoires. D’une araignée qui se faufile à une Cendrillon rechaussée, Stoker évite habilement le glauque, en puisant dans l’imaginaire et la métaphore, pour explorer ses émotions à l’état pur, au-delà des barrières érigées par les mœurs. D’ailleurs, à aucun moment Stoker ne va se poser la question du bien et du mal, ni tenter de définir la normalité ou citer les mots qui fâchent (inceste ?). En approchant et transmettant son histoire avec une telle liberté de penser, Park Chan-Wook réussit à détourner notre attention, nous focalisant sur les désirs de ses personnages, alors que dans la partie immergée de l’iceberg bout une tout autre histoire…

« Sometimes you need to do something bad to stop you from doing something worse. »

Car au-delà de cette sensualité parfois déplacée, souvent à fleur de peau, Stoker révèle aussi un autre visage beaucoup plus sombre et dangereux. Petit à petit, les véritables aspirations des personnages se révèlent, sans jamais être ouvertement mentionnées. Cultivant les non-dits avec brio, Stoker dépeint avec une fraîcheur paradoxale le conflit entre la mère et la fille, l’une voyant l’autre comme une rivale, tandis que l’oncle omniprésent cède à l’obsession maladive. Mais la force du film réside dans le personnage d’India, insaisissable, qui a la lourde tâche d’être nos yeux et nos oreilles tout en passant des baskets aux talons hauts.
Grâce à un scénario intelligent et brillant, Stoker explore les troubles psychologiques de ses personnages et leurs héritages à travers les générations. Les cadavres s’amoncellent et l’étau se resserre. Si certains se prennent à leur propre piège, d’autres se révèlent et finissent par s’assumer. Le film sème ses indices ça et là pour mieux mettre le puzzle en place, si bien que l’ombre du père disparu prend finalement toute son importance. Stoker permet plusieurs interprétations mais s’interroge finalement sur l’hérédité au travers d’un film surprenant et savoureux.

Efficace, Stoker s’apparente bien plus au thriller par son intensité et son scénario, co-écrit par Wentworth Miller (Prison Break), à la fois lancinant et complexe, qu’au film d’épouvante, laissant au spectateur un sentiment confus. En effet, Park Chan-Wook imprègne le film d’une ambiance de conte de fées gothique, à la fois poétique et inquiétante, alternant l’austérité et la chaleur, rehaussée par une mise en scène minutieuse où chaque plan est d’une beauté brute, souvent à couper le souffle. Stoker accentue le malaise en jouant avec notre ouïe, amplifiant les sons auxquels on ne prête généralement pas attention, voire ceux que l’on entend pas.
Un univers particulier qui est en fait un clin d’œil à celui d’un autre Stoker, Bram Stoker, le créateur de Dracula, où on retrouve les mêmes thématiques (le désir sexuel et la mort entremêlés, la rencontre entre l’homme mûr et la figure virginale, la séduction animale…), alors que la caméra s’amuse parfois à faire parler les ombres et les reflets (contrairement à l’absence de reflet du Comte Dracula, n’est-ce pas). Un style que, d’ailleurs, beaucoup apparentent à une inspiration hitchcockienne…
Comme une ode à la fascination morbide (et un poil sadique), Stoker est aussi bien un enchantement pour les yeux qu’un conte envoûtant et perturbant dont on ne se lasse à aucun moment. Plus le film nous met mal à l’aise, plus il est difficile de détacher ses yeux de l’écran, subjugués par les interdits que bravent le film avec un naturel déconcertant.

Coté casting, les bonnes surprises sont au rendez-vous. Si l’on craignait que la fragile silhouette de Mia Wasikowska (Alice aux pays des merveilles en 2010, Restless en 2011, Lawless en 2012) ne fasse pâle figure face à la vénéneuse Nicole Kidman, qu’on se rassure. La jeune actrice trouve enfin un rôle à sa juste mesure où son talent ambigu peut enfin s’exprimer. Mia Wasikowska est sublime, joue de son apparence pour mieux nous tromper et prouver que, bien dirigée, elle est loin d’être aussi fade qu’il n’y parait. Nicole Kidman, de son coté, nous ressert encore une fois ses mêmes expressions affligées vues et revues depuis Les Autres en 2001, mais reste cependant parfaite dans ce rôle finalement très secondaire.
Au centre de l’attention, nous retrouvons Matthew Goode (Watchmen en 2009), magnétique et séduisant, incroyable dans ce rôle ambivalent. Une performance remarquable et étonnante qui contraste avec ce qu’on avait pu voir de lui auparavant.

En conclusion, Stoker est un magnifique bijou, noir et dense, qui réussit à être aussi captivant que dérangeant. Le film joue avec les interdits, leur donnant une dimension attrayante, sinistre et bouleversante, tout en piochant intelligemment dans des univers féeriques ou fantastiques, à la double signification déjà bien perturbée (Cendrillon, de Disney). A voir, d’urgence.

Just so you know, I'm frowning very hard right now...
Just so you know, I’m frowning very hard right now…

5 réflexions au sujet de “[Coup de cœur] Stoker : Un conte horrifique, dérangeant et sensuel”

  1. Je crois que je viens de comprendre. Vous confondez Nicole Kidman avec son ex, le très scientologue Tom Cruise, qui lui a les mêmes expressions et la même façon de jouer dapuis le début des années 2000. C’est la seule explication que j’ai trouvé parce que dire que les performances de Kidman dans Stoker, Rabbit Hole et Paperboy sont identiques, c’est quand même risible. Et tout ça pour finir par admettre du bout des lèvres qu’elle est parfaite dans ce film…Pfff…

    1. « Admettre du bout des lèvres » 😀 il aurait fallu que je le mette en gras et en rouge aussi ?

      Donnez moi la liste de vos réclamations et promis, je ferais le nécessaire pour le prochain film de Nicole Kidman. Croix de bois, croix de fer…

  2. Vous considérez que les performances de Nicole Kidman dans Rabbit Hole, The Hours, Dogville, Birth ou Paperboy sont les mêmes? Vous avez un gros problème. Kidman est une superbe actrice, injustement critiquée depuis qu’elle a passé la barre des 40 ans. Triste monde où on glorifie des Nabilla et où on casse de vraies grandes stars comme Nicole Kidman.

  3. Je suis tout à fait d’accord avec toi. Un vrai coup de coeur ce film, une mise en scène magnifique et un scénario qui au final n’est pas si banal que ça.
    Je m’attendais à voir plus Nicole Kidman, ils l’ont vraiment mise en avant dans les promos pour attirer du public, je pense. C’est pas très gentil de se moquer d’elle à la fin de ton article, haha.
    Mia m’impressionne de plus en plus. Je l’aime beaucoup dans ce genre de rôle, elle a le physique pour en plus !

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