Action

[CRITIQUE] Badh, de Guillaume de Fontenay

Le pitch : BADH est une agente secrète française chargée d’éliminer un puissant trafiquant d’armes en Syrie. Trahie par la DGSE, elle disparaît sans laisser de trace et refait sa vie au Maroc jusqu’au jour où son mari est pris pour cible. Rattrapée par son passé, Badh se retrouve entrainée dans un jeu mortel de vengeance et de trahison où les règles ont changé.

Pour son nouveau film, Guillaume de Fontenay (rien à voir avec Geneviève à priori) reste dans un contexte tendu avec Badh. Derrière ce titre évasif qui est surtout un nom de code, le réalisateur québécois livre un film d’espionnage à la française, sur fond de revanche musclée. Après Sympathie pour le Diable (2019), plongée dans la guerre de Sarajevo des années 90, Badh s’ancre dans un présent sous haute surveillance, là où la guerre antiterroriste se joue à huis clos dans les coulisses troubles de la DGSE. Et, au centre de cette toile, une ex-agente qui pensait avoir rangé ses armes.

Dès les premières minutes, Badh ne fait pas dans la dentelle. Film d’action bordé de scènes d’action et de rares dialogues, Badh fonce bille en tête dans une quête vengeresse et presque insensée. Son héroïne, redoutable, se démontre prête à tout pour protéger celui qu’elle aime, quitte à mettre le doigt sur une affaire bien plus vaste qui la raccorde à ses anciens employeurs. Entre grand banditisme et tractations en sous-sol à la Sicario, le film de Guillaume de Fontenay se faufile dans les rues marocaines tel un marteau piqueur, laissant moults victimes sur son passage. Le récit, linéaire mais nerveux, ne laisse guère de répit, s’imposant comme un pur actioner à l’atmosphère suffocante, en parfaite symbiose avec les paysages arides.

Simple, direct et débarrassé de tout gras narratif, Badh ose un personnage féminin aussi physique que déterminé, capable de se salir les mains sans se soucier de sa féminité. Badh cogne dur, Badh est déterminé, Badh n’a pas de temps à perdre. Et si on ne peut s’empêcher de penser à de nombreuses séries françaises au sujet et à la tonalité brutale similaires (Le Bureau Des Légendes en tête de liste, évidemment), l’avantage ici est la concentration sur l’essentiel, sans se perdre en sous-intrigues inutiles. Certes, le scénario reste minimaliste, mais la promesse est respectée : un bulldozer narratif qui fonce tout droit vers son objectif.

Oui mais voilà, si j’apprécie le ton sec et brutal, ainsi que ses accès de violence enragée et (presque) gratuite, le film de Guillaume de Fontenay se heurte à des problèmes de réalisation flagrants. Il existe de nombreuses façons de filmer de la baston ou des courses poursuites, le caméra-épaule (en étant tracté ou pas) est un choix dangereux si on ne sait pas maîtriser ses cadrages et le montage des plans.
Trop près, trop tremblante, trop chaotique… la caméra ne parvient jamais à trouver le bon angle, l’éclairage est foireux dans les scènes nocturnes, le montage abrupt, souvent décousu, final perd de vue l’essentiel !
Résultat, la plupart des scènes d’actions sont illisibles. Parfois certaines images se perdent même dans un coin du décor tant l’ensemble est traficoté à la hâte ; d’autres fois, l’image est tellement sombre (surtout vers la fin) qu’on ne sait même plus qui se bat contre qui, comme si toute la direction artistique avait été une idée de dernière minute.

Et c’est dommage, car Badh propose des affrontements marquants, à la chorégraphie inspirée par des films américains (Jason Bourne, John Wick, le James Bond de Daniel Craig — la scène du hammam ressemble d’ailleurs à un clin d’oeil à la première mission de 007 dans Casino Royale). Une réalisation plus soignée aurait pu transformer le coup d’essai en une pépite estivale inattendue. D’ailleurs, si le héros du film avait été un homme, le film aurait été nettement moins puissant ni même intéressant, devenant de ce fait un énième actioner bourrin et sans nuance.

Au casting, Marine Vacth (Mascarade, Entre la Vie et la Mort, L’Amant Double…) incarne une Badh impressionnante : un personnage aussi peu bavard que dangereux, ce qui sied à une actrice déjà habituée à passer sous les radars. Autour d’elle, dans un ensemble qui tire beaucoup la tronche (parce que c’est un film sérieux, m’voyez), on retrouve Emmanuelle Bercot (Making Of, De Grandes Espérances…), Slimane Dazi (La Voie du Serpent, Oussekine…), Lionel Abelanski (14 Jours Pour Aller Mieux, Bernadette…) ou encore Grégoire Colin (Revoir Paris, Rendez-Vous Avec Pol Pot…). Salim Kechiouche (Ourika, Qu’un Sang Impur…) joue les belles endormies, tandis que Niels Schneider (La Vénus d’Argent, D’Argent et de Sang, Sympathie pour le Diable…), pourtant présenté comme une tête d’affiche, joue les guest stars méconnaissables dans le dernier acte.

En conclusion, malgré son potentiel et l’idée d’une héroïne déterminée, Badh se tire une balle dans le pied avec une réalisation brouillonne qui gâche l’impact de ses scènes d’action. Guillaume de Fontenay livre un thriller sec et nerveux, efficace sur le moment mais vite éclipsé par ses propres failles. À voir.

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