Le pitch : Madeleine, brillante et idéaliste jeune femme issue d’un milieu modeste, prépare l’oral de l’ENA dans la maison de vacances d’Antoine, en Corse. Un matin, sur une petite route déserte, le couple se trouve impliqué dans une altercation qui tourne au drame. Lorsqu’ils intègrent les hautes sphères du pouvoir, le secret qui les lie menace d’être révélé. Et tous les coups deviennent permis.
Après un documentaire politique, La Campagne de France, Sylvain Desclous (Vendeur…) propose un drame du même genre à travers De Grandes Espérances. Le film nous propose une plongée timide dans les arcanes du pouvoirs à travers une jeune héroïne ambitieuse qui aspire à une carrière politique. Son destin tout tracé va être bousculé par un détour tragique, créant un secret dévorant qui va rebattre toutes les cartes.
Sur le papier, ce drame polarisé semble vouloir conjuguer pouvoir et crime. Sauf qu’à l’arrivée, j’ai eu l’impression d’avoir été flouée sur la marchandise. La première partie pose habilement le contexte du couple ambitieux, mignon et sans histoire, idéalistes et prêts à entrer à l’ENA pour embrasser une carrière dans la politique sociale. Face à eux, une carriériste rodée qui repère le talent de l’héroïne et semble prête à l’embarquer dans son ascension politique. Oui mais voilà, une violente réalité va rattraper le couple qui vole soudainement en éclat, et c’est à ce moment là que De Grandes Espérances va prendre un virage inattendu en se focalisant sur le parcours ébréché de son personnage principal. Le crime est mis de coté et se délite sous la surface, alors qu’une moitié du couple est absente et que l’autre s’enfonce dans son travail pour oublier.
Cependant, le travail d’évitement est trop long et maladroit. Si j’ai compris le fait que le personnage de Rebecca Marder fait l’autruche pour oublier, en frontal, le sujet crucial du film parait complètement ignoré pendant une bonne partie du scénario, pour mettre en avant le combat d’ouvriers qui cherchent à racheter leur usine pour éviter le licenciement. Thématiques secondaires : la lutte sociale, les ambitions politiques et même les relations père-fille prennent tellement le dessus que quand le secret refait surface, j’avais l’impression que le film était déjà passé à autre chose.
De Grandes Espérances donne l’impression de vouloir mélanger deux films en un, mais la formule ne prend pas. L’histoire de l’usine est clairement de trop et j’aurai aimé que le drame qui hante l’intrigue soit plus mis en parallèle avec la carrière florissante de l’héroïne. Sylvain Desclous a du mal à équilibrer son récit à force de vouloir brasser trop de sujets différents. Le dernier acte, entre mutisme incompréhensible et manipulation, est encore plus flou dans ses intentions, finissant par retrouver un semblant d’intérêt seulement dans les dernières minutes. Trop tard donc pour nous accrocher à cette pirouette scénaristique pour réanimer une trame déjà éteinte – avec un twist qui rappelle curieusement le film Crime d’Amour au passage
Et c’est dommage, car le sujet de la politique pour masquer un crime aurait pu parfaitement s’insérer dans un parallèle réaliste avec les nombreuses frasques que camouflent les politiciens depuis des décennies. De Grandes Espérances aurait pu donc s’en rapprocher et articuler le parcours de son héroïne et de son complice, entre opportuniste, rivalités et/ou manipulation. Malheureusement, malgré un personnage solide, l’histoire préfère s’enfoncer dans un ventre mou contemplateur et hors sujet, passant à coté de son potentiel. Ou alors c’est moi qui ne l’ait pas vu passer.
Au casting : j’apprécie toujours autant Rebecca Marder (Simone, Le Voyage du Siècle, Les Goûts et les Couleurs, Une Jeune Fille Qui Va Bien…) dont l’interprétation sauve un personnage bringueballé dans une intrigue mal écrite et même Benjamin Lavernhe (Délicieux, The French Dispatch, Antoine Dans Les Cévennes…) ne parvient pas à sauver un ensemble trop éparpillé et paumé dans ses intentions. Autour d’eux, l’actrice et réalisatrice Emmanuelle Bercot (Goliath, De Son Vivant, L’Heure de la Sortie…) est impeccable en femme de pouvoir et fine observatrice.
En conclusion, j’espérais un drame polarisé plus affûté, disséquant le pouvoir et la morale au détour d’un accident de parcours tragique. De Grandes Espérances ne parvient pas à choisir sur quel pied danser et s’étiole dans un récit brouillon, à peine rehaussé par un casting remarquable. À tenter.