Comédie, Drame

[CRITIQUE] Mascarade, de Nicolas Bedos

Le pitch : Lorsqu’un jeune gigolo tombe sous le charme d’une sublime arnaqueuse, c’est le début d’un plan machiavélique sous le soleil brûlant de la Côte d’Azur. Les deux amoureux sont-ils prêts à tout pour s’offrir une vie de rêve, quitte à sacrifier celle d’une ancienne gloire du cinéma et d’un agent immobilier ?

Pour son nouveau film, Nicolas Bedos continue de disséquer les apparences avec une comédie dramatique sur fond de soap opera aux accents polarisés. Après l’étonnant Monsieur et Madame Adelman qui autopsiait l’histoire d’un couple, puis le film La Belle Époque qui m’avait déçue en flattant l’égo du réalisateur malgré une superbe mise en abîme des années 70, je craignais que Nicolas Bedos ait perdu de son irrévérence au profit des yeux doux du cinéma français – surtout après son OSS 117 qui n’a pas fait que des heureux. Et ajoutons également que son parti pris pro-violanski ne joue pas en sa faveur…

Sur le papier, Mascarade avait l’air d’un croisement plus sombre de films comme une rencontre improbable entre La Fille de Monaco d’Anne Fontaine (2008) et Hors de Prix de Pierre Salvadori (2006). Même s’il y a un peu de vérité dans tout cela, le film de Nicolas Bedos, présenté hors compétition lors du dernier Festival de Cannes, nous embarque dans un chassé-croisé savoureux navigant entre l’arnaque à tiroirs portée par deux prostitués ambitieux, l’ennui bourgeois d’un couple installé et l’égo aveuglant d’une ancienne star du cinéma. 

Dans son décor de rêve, le film de Nicolas Bedos transforme la Riviera en un échiquier géant où chaque protagoniste cherche à damer le pion à son voisin, certains se contentant d’être spectateurs et d’attendre la chute certaines de l’autres en jubilant dans son coin, tandis que d’autres vont passer à l’action pour tenter de gagner la partie en faisant tomber ses adversaires. Dès les premières minutes, entre flashbacks et témoignages, Mascarade amuse, surprend et fascine, d’abord à travers une installation aux codes familiers dans lesquels la séduction devient une arme de destruction, tandis que les plus nantis sont trop conscients de leurs pouvoirs. Nicolas Bedos tisse une intrigue efficace qui parvient habillement à aveugler le spectateur, devenu pantin au même titre que les personnages qui se font avoir sur le grand écran.

Objectivement, on pourrait chipoter en dénonçant le coté « Ocean’s Eleven » de ce jeu d’arnaques trop parfaitement réalisé ou encore pointer du doigt les quelques longueurs du film, mais ce serait réellement vouloir bouder son plaisir. Nicolas Bedos propose un film aux facilités flagrantes, de l’usage de son carnet d’adresses au bling-bling so 90s d’une Côte d’Azur qui fleure bon le Eddy Barclay. Mais ce qui aurait pu être criard devient un atout, puisque le film parvient à avoir un recul critique sur ses personnages qu’il prend plaisir à malmener.
Bref, difficile de nier à quel point cette Mascarade est réjouissante de bout en bout.

Une réussite qui doit beaucoup à son casting, notamment grâce à la présence d’Isabelle Adjani (Peter von Kant, Sœurs, Le Monde Est À Toi…), en star sur le déclin, aussi vaporeuse et cinglante que fragile par endroit. Si le personnage et l’actrice se confondent, cela ne fait que renforcer l’imagerie fantasque du film, perdu quelques parts entre le fantasme et la réalité.
Autour d’elle, Nicolas Bedos s’entoure d’amis et met en scène un duo au charme dangereux composé de Pierre Niney (La Flamme, Goliath, Boîte Noire…), incarnant une forme d’itération de son personnage dans Un Homme Idéal, continuant ainsi d’écumer des rôles taillés sur mesure et sans véritable effort (même si on l’aime beaucoup), et de Marine Vatch (ADN, Si Tu Voyais Son Cœur, L’Amant Double…), qui l’emporte en jouant avec les facettes de son personnages allant de la jeune femme limite vulgaire à la nymphe timide aux yeux rond (j’y verrai même une version parallèle et plus mature de son rôle dans le Jeune et Jolie de François Ozon). À leurs cotés, François Cluzet (L’Homme de la Cave, Nous Finirons Ensemble…) laisse 90% de sa nervosité agacée habituelle au placard pour laisser place à un romantisme dans lequel on le voit rarement, Laura Morante (Les Liens Qui Nous Unissent, Una storia senza nome…) incarne un personnage énigmatique comme une ancienne femme fatale qui a encore de l’éclat malgré son déclin social, tandis qu’Emmanuelle Devos (On Est Fait Pour s’Entendre, Les Parfums…), trop rare dans le film, joue les outsiders avec un personnage plus terre-à-terre et ancré dans une réalité plus accessible. 

En conclusion, j’ai passé un bon moment devant Mascarade. Le film trompe autant le spectateurs que ses personnages, dans un anti-conte de fées qui mélange romances plurielles, caricatures pailletées et satyres incisives sur les extrémités des classes sociales. À voir. 

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