
Le pitch : Mehdi a prévu de passer un été tranquille dans la somptueuse demeure de ses beaux-parents. Mais dès son arrivée, un conflit éclate entre la famille de sa fiancée et le couple de gardiens de la villa. Comme Mehdi est issu d’un milieu modeste, il pense pouvoir mener les négociations entre les deux parties et ramener tout le monde à la raison. Pourtant, tout s’envenime…
Après une incursion sur le petit écran, Antony Cordier revient à ses premières amours huit ans après Gaspard Va Au Mariage. Avec Classe Moyenne, le réalisateur propose une comédie de mœurs aux allures de carte postale en apparence bien huilée. Le pitch est prometteur : un été sous tension dans une superbe villa de la Côte d’Azur, habitée par un gendre issu d’un milieu modeste qui tente de calmer un conflit entre bourgeois et domestiques… Une lutte des classes assez classique au postulat suffisamment simple pour mûrir ressentiments et autres quiproquos salés.

Dans sa première moitié, Classe Moyenne amuse franchement. On retrouve cette ironie à la française, ce plaisir un peu sadique de voir les beaux quartiers s’empoisonner eux-mêmes à coups de mépris social et de rivalités passives-agressives. Antony Cordier installe son théâtre estival avec précision, et distille quelques moments de pur malaise jubilatoire. Chaque interaction se transforme en mini exposition sociale, du caractère carnassier et cynique du patriarche aux aspirations népotistes de sa fille, coté nantis, en passant par l’absence flagrante de considération pour leurs personnel… Classe Moyenne prend des allures de zoo humain, s’amusant des différences (en espérant surement s’adresser à un public que prolétaire). On rit jaune, on grince un peu des dents, on reconnaît des tics de langage, des travers familiers. Jusque-là, tout va bien.

Mais une fois les hostilités déclarées, le film perd sa verve. Ce qui devait être une satire féroce se transforme en querelle feutrée. Antony Cordier semble trop soucieux de ne froisser personne, alors qu’il prend clairement partie. J’aurai aimé qu’à travers son personnage central, posé maladroitement le cul entre deux chaises, le film ait plus de recul et parvienne à se moquer des deux camps. Mais la satyre devient rapidement unilatérale, fustigeant la bourgeoisie condescendante et préférant poser un regard plus compréhensif sur “les petites gens”. Malgré tout, Classe Moyenne se prend les pieds dans le tapis rectifiant sans cesse le tir pour équilibrer la culpabilité de chaque camp. L’idée du prolo en ascension, écartelé entre ambition et loyauté, aurait pu donner une tension passionnante. Mais Antony Cordier n’en tire qu’un vague malaise moral, avant de reboucher le tout avec un final en pirouette, comme s’il craignait d’aller trop loin.

D’ailleurs, le dernier acte achève de dissiper le peu de tension accumulée. Le conflit s’essouffle, le récit cherche sa sortie et finit sur une pirouette scénaristique qui annule toute portée satirique. Même la mise en scène, pourtant élégante, semble fascinée par ce qu’elle prétend dénoncer : les travellings caressent les façades blanches, les piscines miroitent, et l’on ne sait plus très bien si le film se moque de la bourgeoisie… ou s’il l’admire en secret. Dommage, car la mise en place, brillante et pleine de promesses, laissait espérer un vrai brûlot social. On est loin d’un Parasite à la française mais j’espérais au moins retrouver le ton irrévérencieux d’un Papa ou Maman.

Au casting, en parlant du film de Martin Bourboulon, je me faisais un plaisir de découvrir Laurent Lafitte (Les Barbares, Le Comte de Monte-Cristo, L’Origine du Monde…) dans ce personnage caustique, qu’il manie à merveille, au coté d’une Élodie Bouchez (Dis-Moi Juste Que Tu M’Aimes, L’Amour Ouf, Je Verrai Toujours Vos Visages…) superbe en bobo. Face à eux, Ramzi Bedia (Balles Perdue 3, De Sang et d’Argent…) et Laure Calamy (Une Amie Dévouée, Un Ours Dans Le Jura, Iris et les Hommes…) jouent injustement les seconds couteaux… C’est un peu décevant de les voir réduits à des personnages si peu ambitieux. Autour d’eux, Noée Abita (Slalom, Le Grand Bain…), Mahia Zrouki (Stillwater, Je te Promets…) et Sami Outalbali (Culte, Heureux Gagnants…) étoffent chacun leurs CVs, sans grande conviction.
En conclusion, Classe Moyenne reste un divertissement estival, bien joué et parfois piquant, mais bien trop sage pour laisser une trace. Ceci dit, ma mère a beaucoup aimé ! À tenter.

