Le pitch : Jean-Louis réalise en rentrant chez lui que son cœur s’est arrêté. Plus un seul battement dans sa poitrine, aucun pouls, rien. Pourtant, il est conscient, il parle, se déplace. Est-il encore vivant ? Est-il déjà mort ? Ni son ami vétérinaire Michel, ni sa femme Valérie ne trouvent d’explication à cet étrange phénomène. Alors que Jean-Louis panique, Valérie se tourne vers Margaux, sa coach de vie, un peu gourou, pas tout à fait marabout, mais très connectée aux forces occultes. Et elle a une solution qui va mettre Jean-Louis face au tabou ultime…
À chaque fois que je vois Laurent Lafitte, je me dis que c’est quand même fou le chemin qu’il a parcouru depuis que je l’ai découvert dans la sitcom Classe mannequin sur M6 au début des années 90 – voir même, ça ne me rajeunit pas. Des seconds rôles jusqu’à la Comédie Française, sur les planches de théâtres comme sur grand écran, l’acteur s’est imposé comme un des visages incontournables de ces dernières années – et ce ne sont pas ses deux nominations aux Césars pour Elle et Au Revoir Là-Haut qui diront le contraire.
C’est presque logiquement qu’il se lance dans l’exercice difficile du passage derrière (et devant) la caméra pour son premier long-métrage, L’Origine Du Monde, adapté d’une pièce de théâtre éponyme écrite par Sébastien Thiéry en 2013. Au détour lointain du complexe d’Œdipe, L’Origine Du Monde décline une comédie à la fois loufoque et hilarante autour d’un arrêt cardiaque mystérieux, les retrouvailles avec la mère et un fond de médecine psychocorporelles un chouille délirante. Court mais cocasse, Laurent Lafitte applique une teinte presque cynique à son humour pour rendre les dialogues et les situations plus piquantes, alors que le héros tente désespérément d’obtenir une photo inappropriée de sa mère, avec qui il entretient une relation distante.
Derrière le rire, L’Origine Du Monde questionne la nature même de son personnage central, donc le cœur physique s’arrête alors qu’il semble être en vie. Le film sert une métaphore subtile sur le lien entre la personne et ses origines, mais également les tabous familiaux viennent flirter avec une obsession freudienne bien connue. Loin de disséquer une psyché dramatique sur le lien maternel, le film de Laurent Lafitte se sert du profil de ses personnages, archétypes du citadin qui a réussi et a donc perdu de vue l’Essentiel (avec un grand E), pour créer un choc des cultures alors que les pratiques alternatives rencontrent la naïveté d’une mère extraite de son cocon rassurant.
Résultat : on se marre devant L’Origine Du Monde, avec son lot de personnages aux personnalités savamment mélangés autour d’une Hélène Vincent absolument hilarante au centre des attentions ! Même si le scénario évince rapidement l’aspect médicale pour servir ses intentions, le film réussit à nous embarquer dans une machination complètement farfelue, mais surtout incroyablement vive et rythmée pour assurer la réussite de ses moments comiques à tous les coups. J’ai également aimé la collision entre les différents mondes alors que le récit vivote entre des croyances ésotériques confrontées à des pragmatiques circonspects, eux-mêmes face à une victime dépassée. Un mélange qui aurait pu rapidement devenir lourdaud ou même se faner dans une ambiance mémérisante (comme dirait Cristina), mais Laurent Lafitte applique une mécanique bien huilé et beaucoup (beaucoup) d’audace pour livrer une comédie désopilante où les acteurs se lâchent… complètement 😀 (yeux innocents s’abstenir !)
Au casting, on retrouve donc un Laurent Lafitte génial, qui adopte une déclinaison de son personnage au détachement redoutable qu’on pouvait notamment voir dans les films Papa ou Maman et sa suite Papa ou Maman 2. À ses cotés, Karine Viard et Vincent Macaigne puisent aussi dans leurs habitudes qui ont déjà fait leurs preuves, l’une campant sa figure bourgeoise et agacée (Les Apparences, Chanson Douce, Jalouse…) ; l’autre, son personnage penaud mais téméraire (Les Choses Qu’on Dit, Les Choses Qu’on Fait, Doubles Vies, Le Sens de la Fête…). Nicole Garcia (Celle Que Vous Croyez, La Fête des Mères…) est également de la partie, rare mais toujours opportune.
Et comme je le disais plus haut, la reine du film c’est bien Hélène Vincent (Hors Normes, Mine de Rien, Adorables…) qui est phénoménale dans ce film, alors que son personnage se retrouve au milieu de conspirations totalement absurdes. Elle m’a fait pleuré de rire !
En conclusion, ne vous attendez pas à découvrir un film sur la création du tableau de Gustave Courbet, même le titre comme l’œuvre d’art sont de belles et pertinentes références au film. Pour un premier long-métrage, Laurent Lafitte vise juste et livre une comédie à la fois drôle et féroce, quitte à mettre les pieds dans le plat à certains endroits. À voir !