Drame

[CRITIQUE] L’Adieu à la Nuit, d’André Téchiné

Le pitch : Muriel est folle de joie de voir Alex, son petit-fils, qui vient passer quelques jours chez elle avant de partir vivre au Canada. Intriguée par son comportement, elle découvre bientôt qu’il lui a menti. Alex se prépare à une autre vie. Muriel, bouleversée, doit réagir très vite…

Depuis quelques années, les films français sur la radicalisation islamiste se suivent et se ressemblent beaucoup. Du mélodrame Le Ciel Attendra de Marie-Castille Mention-Schaar jusqu’à la presque comédie dramatique Cherchez La Femme de Sou Abadi, en passant par l’uppercut Made In France de Nicolas Boukrief – qui a dû voir sa sortie en salles repoussée puis annulée après les événements tragiques du 13 novembre 2015 – ou encore Les Cowboys de Thomas Bidegain, chacun cherche à explorer un sujet sensible, tout en se confrontant à des pincettes énormes éviter de glisser vers l’insulte. Et pour cause, même si le sujet ne fait plus la une des journaux, la radicalisation chez les jeunes reste toujours d’actualité… tout comme le risque de l’amalgame.

Le film d’André Téchiné (Nos Années Folles, Quand On A 17 Ans…) fait les choses bien. Sans jugement ni pathos, il dresse une parenthèse printanière dans laquelle une femme retrouve son petit-fils le temps de quelques jours avant son départ pour le Canada. Seulement ce dernier a d’autres projets en tête, entre sa reconversion à l’Islam et sa volonté de se battre pour sa cause, épaulée par Lila, sa petite amie, et mentoré par l’intrigant Bilal. Le tableau estival et chaleureux contraste avec les hésitations et la distance qui s’installent entre les personnages principaux. L’Adieu à la Nuit choisit d’abord les non-dits et les regards en coin pour distiller un malaise grandissant, avant de se révéler pour le public. André Téchiné reste beaucoup en retrait, observant d’un coté un trio déterminé et de l’autre, une (grand-)mère désemparée par le tempérament gardé de son petit-fils. Au-delà des apparences, le film laisse surtout filtrer un sentiment de manipulation qui gravite autour de cette radicalisation soudaine, notamment à travers un personnage qui laisse voir un visage plus sombre derrière son image douce. C’est probablement le seul aspect qui rend le film intéressant, alors que l’ensemble reste plutôt contemplatif.
André Téchiné signe un film délicat, lent, qui ne cherche pas à imposer un point de vue, simplement à observer la désintégration d’un lien familial tout en symbolisant l’impuissance face à l’enlisement d’un tiers. En effet, là où L’Adieu à la Nuit fait mouche, c’est finalement dans son absence d’explication puisqu’il colle à la réalité : ceux qui ont vécu ce cauchemar ne sauront probablement jamais ce qui a déclenché la radicalisation de quelqu’un, même proche. Le choix est donc simple : oublier ou vivre avec.

Au casting justement : on retrouve Catherine Deneuve (Mauvaises Herbes, La Tête Haute, Tout Nous Sépare…), sobre et touchante dans son rôle, face à un Kacey Mottet-Klein (Comme des Rois, Quand On A 17 Ans, Keeper...) qui, au-delà de sa ressemblance troublante avec Benoît Poelvoorde (en plus jeune), livre une performance solide. Autour d’eux, Oulaya Amamra (Divines, Tamara…) refait surface et saisit toute la subtilité de son personnage à la douceur calculée, tandis que Stéphane Bak (Seuls, Elle…) gravite autour.

En conclusion, j’ai aimé ce film et sa simplicité. Le format est chaleureux et apaisant renforce la fébrilité des échanges, l’impression de danger même, quand les héros se côtoient. L’Adieu à la Nuit séduit plus par son symbolisme dans lequel la violence n’a rien d’explicite et se terre dans les intentions, sans jamais vulgariser ses personnages ni céder à la caricature faussement pédagogue / vraiment moralisatrice et déconnectée (comme le faisait Le Ciel Attendra). À voir.

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