
Le pitch : Simone, une flic aux idées conservatrices, est infiltrée dans un collectif féministe qu’elle suspecte de complicité de meurtre. A leur contact, Simone s’ouvre progressivement à leurs idées. Mais lorsqu’elle est soupçonnée par le groupe d’être une taupe, elle se sert du premier venu pour se couvrir : Paul, un homme doux, inoffensif et respectueux des femmes qui vit dans l’ombre de sa moitié, faisant de lui, malgré elle, un coupable innocent. Simone, catastrophée de ce qu’elle a fait, tente de réparer sa faute… Comment Paul va-t-il réagir ?
Avec Le Mélange des Genres, Michel Leclerc (Les Goûts et les Couleurs, La Lutte des Classes, Télé Gaucho, Le Nom Des Gens…) tente une entreprise délicate : parler de féminisme, de misogynie intériorisée, et de déconstruction masculine… en enrobant le tout dans les codes d’une comédie populaire. Et si le film a l’élégance de ne pas sombrer dans le cynisme, il reste cependant prisonnier d’un regard qui trahit ses limites.

Le film adopte une structure classique de « réveil des consciences », à ceci près qu’il inverse les polarités : la réactionnaire, c’est la femme, et l’homme, lui, est un modèle de douceur et de respect. Une inversion pertinente sur le papier, mais qui finit par desservir son ambition. Car ce qui s’annonçait comme une mise en lumière pédagogique et accessible du féminisme vire doucement au plaidoyer pour la réhabilitation de la figure masculine « innocente », victime collatérale des excès militants. Le scénario frôle parfois le théâtre de boulevard idéologique : les personnages sont souvent traités comme des archétypes, caricaturaux mais jamais frontalement dénoncés, comme pour mieux désamorcer toute charge politique réelle. Les militantes féministes sont filmées avec une distance amusée, jamais franchement moqueuse, mais suffisamment ironique pour désamorcer la radicalité de leur discours. Et c’est là que le bât blesse : ce ton de comédie douce, cette volonté de rester aimable à tout prix, neutralisent peu à peu la puissance potentielle du propos.

Plus problématique encore, Le Mélange des Genres convoque en toile de fond des sujets d’une gravité extrême – viol conjugal, impunité policière, silence autour des violences faites aux femmes – mais les traite avec une superficialité déconcertante. Malgré de gros appels du pied à l’affaire des viols de Mazan ou la présence d’un sosie clin d’œil (mais inutile) de Virginie Despentes, ces thématiques plus lourdes sont rapidement sacrifiées sur l’autel du divertissement. Elles restent en arrière-plan, comme des éléments de décor censés donner un vernis engagé à une intrigue qui préfère se recentrer sur les états d’âme de ses personnages masculins. Le message est brouillé, et l’on peine à croire que l’indignation soit vraiment sincère.

Le film s’offre même une pirouette finale en balançant une statistique glaçante (« 1% des accusés de viols sont condamnés »), comme pour rappeler que la réalité dépasse la fiction… sans pour autant avoir su en rendre la gravité palpable. L’effet est étrange, presque dissonant. Comme si, après 90 minutes de légèreté, le film voulait rappeler qu’il parlait d’un sujet grave – mais trop tard. Il y a pourtant de la sincérité dans la démarche, un vrai désir de faire dialoguer des mondes opposés. Michel Leclerc filme sans mépris, avec ce ton doux-amer qui lui est propre. Mais cette douceur agit comme un filtre : elle atténue tout, même l’indignation. Et dans une époque où la parole féministe réclame de la clarté et de l’engagement, ce flou bienveillant paraît daté.

Au casting, cela reste solide : Léa Drucker (Le Tableau Volé, L’Été Dernier, Close…) et Benjamin Lavernhe (En Fanfare, De Grandes Espérances, Les Engagés…) – qui, cerise sur le gâteau de l’ironie, a remporté le Prix d’interprétation masculine au festival de l’Alpe d’Huez 2025 – forment un bon duo en tête d’affiche, entourée par Judith Chemla (Niki, Le Sixième Enfant…), Melha Bedia (Youssef Salem a du Succès, Forte…) ou encore Julia Piaton (Les Petites Victoires, La Monnaie de leur Pièce…) et Vincent Elbaz (Iris et les Hommes, Vivants…) qui complètent un casting plutôt accrocheur.
En conclusion, Le Mélange des Genres aurait pu être une passerelle entre deux visions du monde, mais il reste une tentative sympathique, mais bancale, de concilier l’inconciliable : faire rire des clichés tout en dénonçant leur impact, et donner des leçons d’égalité… sans trop brusquer. Une posture qui, au final, ne fait vraiment bouger aucune ligne. À tenter.

