Comédie, Drame

[CRITIQUE] Les Goûts et Les Couleurs, de Michel Leclerc

Le pitch : Marcia, jeune chanteuse passionnée, enregistre un album avec son idole Daredjane, icône rock des années 1970, qui disparait soudainement. Pour sortir leur album, elle doit convaincre l’ayant-droit de Daredjane, Anthony, placier sur le marché d’une petite ville, qui n’a jamais aimé sa lointaine parente et encore moins sa musique. Entre le bon et le mauvais goût, le populaire et le chic, la sincérité et le mensonge, leurs deux mondes s’affrontent. À moins que l’amour, bien sûr…

Pour son nouveau film, Michel Leclerc propose une comédie presque musicale avec Les Goûts et les Couleurs, un film tendre sur la rencontre explosive entre une chanteuse passionnée, une icône décédée et un héritier peu conciliant. Au détour de quelques accords et de l’amitié entre deux artistes, l’une ayant sa carrière derrière elle et l’autre admirant son parcours, Michel Leclerc observe les influences d’une icône rock (fictive) des années 70, de l’image qu’elle s’est construite jusqu’à son impact sur les personnages. Après un décès soudain, son héritage se retrouve entre les mains d’un jeune homme qui connait un tout autre visage de cette fameuse Daredjane, alors que la jeune héroïne cherche à tout prix à soigner la mémoire de la disparue.

Portée par des mélodies à la fois douces et mélancoliques, Les Goûts et les Couleurs emprunte ses codes aux comédies romantiques. Mais alors que la romance passe au second plan, le réalisateur s’attarde surtout sur les différences sociales entre ses protagonistes. C’est là que le bât blesse finalement : alors que ses précédents films Le Nom des Gens ou encore Télé Gaucho ne cachaient pas le sentiment de supériorité de ces personnages centraux à la bonne morale faussement altruiste mais surtout très bourgeoise, je ne m’attendais pas à retrouver les mêmes sous-textes dans Les Goûts et les Couleurs. Face au portrait du banlieusard un peu beauf qui s’époumone dans des karaokés de brasserie, le film met en lumière des personnages parisiens dont l’art aurait, a priori, une volonté plus noble. Un point de vue appuyé, un poil stigmatisant, qui a légèrement rebuté la banlieusarde que je suis, tant j’ai eu l’impression de voir une forme de caste sociale digne d’un film de Woody Allen.

Ensuite, si je passe outre ce choc des cultures un peu grinçant, j’ai trouvé que l’ensemble tournait étrangement en rond dans son dernier tiers. Le postulat de départ (comment sortir un album posthume de Daredjane) s’éclipse tant Michel Leclerc a des choses à redire sur le capitalisme et la musique actuelle. Avec une amertume non feinte, Les Goûts et les Couleurs observe la modernité déshabiller les mensonges ou les mystères non résolus du passé, alors que la musique devient un produit marketable à l’envi… Et c’est pourtant tardivement, dans un face-à-face hors sujet qu’on nous révèle une vérité qui aurait dû être au centre de l’histoire et non une annexe après le point final. C’est dérangeant presque de reléguer dans les dernières minutes le constat que tout artiste finit par prétendre pour vendre, après avoir passé une heure à nous faire croire que cette Daredjane était une exception. Je trouve que Michel Leclerc passe à coté de son sujet pour mieux fustiger le cliché du banlieusard inculte nourri à la soupe populaire, face à l’image vertueuse de jeunes bobos bien élevés qui ont clairement eu le choix de vivre de leur art.

Au casting : la petite découverte de 2022, Rebecca Marder (Simone, Le Voyage du Siècle, Une Jeune Fille Qui Va Bien…), rayonne sur le film et adoucit à elle-seule le propos caricatural sur les castes sociales. Face à elle, Félix Moati (Jour de Gloire, The French Dispatch…) est certes peu crédible en « boloss » mais son coté sympathique le rend toujours plus accessible et attachant. A l’affiche également, Judith Chemla (Le Sixième Enfant, Les Choses Humaines…) incarne Daredjane, la figure rock et rebelle des années 70, centrale à l’histoire et pourtant si survolée que sa présence devient parfois anecdotique.
Autour d’eux, Philippe Rebbot (L’Amour Flou, Placés…) donne le sourire en jouant les managers requins, tandis qu’Eye Haïdara (Les Femmes du Square, Brutus vs César…) et Artus (Un Homme Heureux, Menteur…) cristallisent l’hypocrisie capitaliste qui déforme toute forme d’art, en étant parfois hors sujet.

En conclusion, si le charme opère en surface et saura plaire les parisiens et autres bobos de bonne famille, c’est surtout grâce à la fraîcheur du duo Marder-Moati qui se bouscule et se rapproche dans ce tableau feutré et chaleureux où la musique habille les trous du scénario. La bande-originale (disponible sur les plateformes de streaming) interprétée par les actrices accompagnent le film et je dois dire que j’ai été charmée par la chanson « Me lancer dans l’inconnu » (la version de Judith Chemla), même si les autres chansons m’ont semblé un peu uniformes, pas inintéressantes mais tout de même assez plates… Un peu comme le film en général. Mais bon, Les Goûts et les Couleurs, comme on dit… À voir. 

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