Le pitch : Pour épier son amant Ludo, Claire Millaud, 50 ans, crée un faux profil sur les réseaux sociaux et devient Clara une magnifique jeune femme de 24 ans. Alex, l’ami de Ludo, est immédiatement séduit. Claire, prisonnière de son avatar, tombe éperdument amoureuse de lui. Si tout se joue dans le virtuel, les sentiments sont bien réels. Une histoire vertigineuse où réalité et mensonge se confondent.
Au-delà de l’évident message sur la dépendance et les risques des réseaux sociaux, ce qui m’a le plus touchée dans Celle Que Vous Croyez, c’est cette femme que dont on découvre la souffrance petit à petit. D’abord sous des traits légers, Safy Nebbou (Dans Les Forêts de Sibérie, Comme Un Homme, L’Empreinte…) dessine un personnage visiblement attaché à un homme qui la considère peu, ce qui entraîne donc le fil rouge du film quand elle se crée un avatar virtuel pour pouvoir l’épier. D’une curiosité distraite naît une rencontre, puis une romance qui va l’enflammer. Celle Que Vous Croyez nous attache à cette femme mûre qui vit cette amourette avec une passion désinhibée, presque adolescente et sans limite, qu’elle cultive et nourrit profondément malgré son caractère pourtant impossible puisqu’elle ment depuis le début. Si le film s’attarde sur cet aspect plutôt contemplatif du récit, c’est pour que le rebondissement ait plus d’impact – c’est le cas.
Derrière ses sourires énamourés en surface, on découvre un personnage fragilisé par une rupture brutale, un abandon en fait, dans lequel se bousculent sentiments de rejet et rêve d’une jeunesse et de beauté envolées, avec un soupçon d’égoïsme. La chute est bouleversante et vertigineuse. Malgré l’âge de son héroïne (enfin, notre différence d’âge, j’entends), j’ai trouvé que Safy Nebbou parvenait à rendre son personnage accessible à travers son désespoir et, finalement, cette romance, même si elle était fausse. Celle Que Vous Croyez creuse la psyché d’une femme marquée, quitte à s’enfoncer dans son imaginaire pour panser les blessures, tandis qu’on découvre petit à petit le fin mot de l’histoire.
Seulement voilà, si j’ai beaucoup aimé cette partie du film qui doit beaucoup à une Juliette Binoche excellente, Celle Que Vous Croyez accuse une certaine lenteur qui rend le film bien trop long et souvent plat, piqué par des scènes intimes qui dérangent un poil. Lambiner, c’est bien le mot. Si la construction du personnage principale est bien faite et utile pour comprendre l’ensemble du film, Safy Nebbou s’éternise un peu trop et se perd dans la contemplation pourtant juste de cette femme à la dérive. J’aurais aimé qu’il laisse plus de place à la dernière partie du film, car le véritable intérêt réside dans les trente dernières minutes. D’autant plus que cette dernière partie accumule trop de rebondissements d’un coup, trop même, alors que la majeure partie du film est une ligne droite, alanguie et presque sans aspérité.
Enfin, Celle Que Vous Croyez aborde aussi une forme dérangeante des réseaux sociaux, la facilité avec laquelle on entre dans la vie des gens, surtout de façon mensongère, ainsi que l’utilisation de données personnelles et publiques (comme nos photos qui pourraient être utilisées par des inconnus). Safy Nebbou rôde suffisamment son histoire pour permettre à la romance de fonctionner, mais à une époque où le catfishing existe réellement, l’attachement entre les deux amoureux devient aisément crédible et permet au premier dénouement de trouver sa résonance dramatique.
Au casting : Juliette Binoche (Doubles Vies, Ghost In The Shell, Telle Mère, Telle Fille…) est aussi rayonnante qu’à fleur de peau dans ce personnage brisée qui survit grâce à ses illusions. À distance, François Civil (Le Chant du Loup, Ce Qui Nous Lie, Five…) se montre peu mais donne beaucoup, entre une sensualité évidente et une facilité d’accès contagieuse à ses émotions. Autour de ce duo, Nicole Garcia (La Fête des Mères, De Plus Belle…) joue encore une fois les psychologues aux allures d’anges gardiens, Guillaume Gouix (Chez Nous…) et Marie-Ange Casta (Ouvert La Nuit…) restent anecdotiques.
En conclusion, Celle Que Vous Croyez livre une Juliette Binoche particulièrement touchante et convaincante, aussi bien en amoureuse passionnée qu’en femme brisée. Cependant, l’ensemble du film lambine pas mal et ne se révèle qu’en seconde partie (voire les 30 dernières minutes). À tenter, pour le casting principal.