Épouvante-horreur, Sci-fi

[CULTE] Alien, le huitième passager, de Ridley Scott (1979)

Le pitch : Le vaisseau commercial Nostromo et son équipage, sept hommes et femmes, rentrent sur Terre avec une importante cargaison de minerai. Mais lors d’un arrêt forcé sur une planète déserte, l’officier Kane se fait agresser par une forme de vie inconnue qui étouffe son visage. Après que le docteur de bord lui retire le spécimen, l’équipage retrouve le sourire et dîne ensemble. Jusqu’à ce que Kane, pris de convulsions, voit son abdomen perforé par un corps étranger vivant, qui s’échappe dans les couloirs du vaisseau…
Le film a été récompensé par l’Oscar des Meilleurs Effets Visuels, ainsi que 2 BAFTAS (Meilleure Musique et Meilleure Direction Artistique)

 Écoutez le podcast C’est Super Culte spécial Alien (auquel j’ai participé) chez Myscreens.fr

Un peu d’histoire en bref

À l’origine du film, il y a Dan O’Bannon, un scénariste en pleine dépression après sa collaboration catastrophique avec John Carpenter sur le film Dark Star. Il écrit l’idée du film durant cette période, une sorte de dérivé de Dark Star en version plus horrifique. Armé d’un premier jet d’une vingtaine de pages, il propose son projet pendant des mois sans succès avant de rencontrer Ron Cobb par l’intermédiaire d’Alejandro Jodorowski (Dune), un illustrateur, qui va lui produire des dessins en couleurs pour étoffer son script. C’est finalement le producteur Walter Hill, également réalisateur et scénariste, qui s’y intéresse en découvrant la scène du chestbuster dans le script. Il pose aussitôt une option dessus et commence à étoffer l’histoire. Fun fact : Le chat a été ajouté avant la réécriture des personnages.
Concept Art : Ron Cobb et Chris Foss travaillent sur la conception du (Snark, puis Leviathan et enfin…) Nostromo, puis HR Giger entre en scène pour le design de la créature. Le travail dure des mois car ils ont tous du mal à s’accorder. Entre-temps, Walter Hill jette l’éponge après le succès de Star Wars qui explose en salles en 1977, pensant qu’un autre film de science-fiction et dans l’espace ne fonctionnerait pas. Plusieurs réalisateurs sont envisagés : Robert Aldrich, Jack Clayton et même le nom de Steven Spielberg a été envisagé après Rencontre du 3e Type (1978), mais il était pris sur, potentiellement, 1941 (sorti 1979), Indiana Jones (sorti en 1981) ou peut-être E.T. (sorti en 1982). Enfin, c’est Ridley Scott qui est approché, car remarqué pour son film Les Duellistes (1977), et il a au départ refusé le projet car il estimait que le scénario était “si simple, si linéaire mais d’une pureté absolue” qu’il ne voyait pas la possibilité d’y mettre sa patte. Pourtant, après cette rencontre avec Dan O’Bannon et Ron Cobb, il part revoir trois fois Star Wars au cinéma dans la même semaine et il finit par se dire que la science-fiction a du potentiel, revient sur le projet après s’être inspiré par des œuvres de Moebius dont il aime l’atmosphère sombre, originales et adultes (comme Métal Hurlant). Lors d’un nouveau rendez-vous avec la Fox, on lui a demandé s’il voulait modifier le script, il a dit que le script était parfait et qu’il ne voulait rien changer à l’écriture et se focaliser sur sa vision du film. Il a travaillé pendant 3 semaines chez lui en Angleterre pour réaliser le storyboard.

La priorité de Ridley Scott était sur la créature. À l’époque, il n’y avait évidemment pas d’effet spéciaux, c’est bien un homme dans le costume de l’Alien : Bolaji Badejo. Il a insisté pour que HR Giger revienne sur le projet après avoir vu un exemplaire du Necronomicon et la fameuse pièce Necronom IV (inspirée par la photo d’un guerrier nubien prise par Leni Riefenstahl). L’aspect phallique du monstre lui a plus, quand Giger retravaille dessus, c’est pour lui donner une apparence plus élégante, rapide et insectoïde (et non reptilienne comme on le croit). Lui et Scott le voulaient crédible, pas ridicule comme les films de l’époque, et qu’on oublie le costume pour laisser la créature faire son effet. Le premier concept art avait un grand œil noir, mais finalement l’idée du monstre aveugle mais qui sait parfaitement où se trouve sa proie a pris le dessus, Scott et Giger jugeant que cela le rendrait plus terrifiant. Pour la création du corps de l’alien, la queue n’était initialement pas prévue puis a été rajouté pour une question d’équilibre. Son costume est constitué de pièces détachés de moto. Ron Cobb a confié plus tard que les gens flippaient en passant devant le studio de Giger pendant qu’il créait la créature en taille réelle.
Au départ, l’alien devait sortir entier et formé, mais comme le xénomorphe était trop grand, ils ont préféré ajouter des étapes. Giger imagine donc cet organe sexuel a deux mains qui chope la tête de sa victime et s’inspire des rituels égyptiens (momification) pour créer l’appendice qui entre dans la bouche. Le Facehugger, donc.

L’idée d’une ambiance matricielle a toujours prédominé : le nom de l’ordinateur de bord du Nostromo qui s’appelle Maman (Mother), le seul aspect chaleureux du vaisseau est la cuisine, sensé représenter le ventre et enfin le processus de naissance et d’évolution de l’alien, en commençant par l’œuf, puis l’expulsion sanglante. HR Giger a travaillé sur les dessins et tenait à avoir cette ouverture organique « comme un vagin » (??). Beaucoup de théories autour d’Alien insiste sur sa symbolique violente (depuis ce Facehugger qui, de face, ressemble à un vagin flippant et qui féconde de force ses victimes, jusqu’au design du chestbuster qui jaillit de la poitrine), alors que Ridley Scott et HR Giger se sont surtout focalisés sur la naissance et la fécondation pour créer Alien et la relation viscérale entre Ripley et la créature. Finalement, la seule scène qui fait véritablement un rappel au viol, selon Scott, c’est lorsque Ash pète un plomb et attaque Ripley avec un magazine qu’il tente de lui enfoncer dans la bouche.

Écoutez le podcast C’est Super Culte spécial Alien (auquel j’ai participé)

Mon avis

L’approche des films horrifiques aux abords des années 80 était totalement différente des films que l’on peut voir aujourd’hui. La plupart de ceux qui n’ont jamais vu un film Alien à ce jour seraient déroutés par la lenteur et la mise en place oppressante de l’intrigue. Et pourtant, ce qui m’a marquée la première fois que je l’ai vu, c’était ça : cette ambiance haletante et obscure qui dure presque une heure avant la naissance du xénormorphe. J’ai déjà entendu des gens déçus dire que l’Alien mettait trop de temps à arriver, mais c’est justement ça la force du film : l’incertitude, l’inquiétude, le malaise et la peur qui grignotent les personnages avant d’exploser au moment des face-à-face avec l’Alien. Ridley Scott sculpte une atmosphère insaisissable et peu à peu angoissante, avant même que l’Alien arrive, et ce dès que les passagers du Nostromo sont réveillés en pleine course. La force du film est son caractère observateur et patient. Chaque étape est observé à la loupe, avec une sorte de fascination malsaine qui ne fait que renforcer l’attente, du réveil du l’équipage jusqu’à la première vision de l’Alien, en passant par la découverte de LV-426, du space-jockey, puis le facehugger jusqu’au rétablissement de Kane. Alien est une partie de chasse en huis-clos terrifiante et scrutée dans les moindres détails, portés par les cris et la peur qui envahissent les personnages, donnant lieu à des éclats hystériques qui retentissent dans les entrailles du Nostromo.
Pour ma part, Alien est une expérience à part entière dans laquelle Ridley Scott matérialise la peur : fascinante, redoutable, aveugle, pétrifiante, dévorante… mais pas invincible. À travers le personnage de Ripley, le film crée un lien entre la peur et la bravoure à travers ce personnage féminin d’abord noyée dans la masse. En effet, Ripley est un membre de l’équipage comme un autre, ce n’est que lorsque ses comparses reviennent de LV-426 qu’elle s’impose une autorité naturelle qui va au-delà de son statut de femme, alors que les autres cèdent à la panique. Super woman des années 80, elle ouvre la voie aux quelques héroïnes badass qui suivront dont, évidemment, Sarah Connor (Terminator). C’est un personnage rationnel, qui ne se laisse pas débordée par la panique et cherche à suivre le protocole pour assurer la survie de tous. Elle passe d’un personnage de l’ombre à une véritable combattante plus couillue que les autres en l’espace d’un seul film. Sa sexualité est peu exploitée : en dehors du passage de la petite culotte à la fin, justement le face à face finale entre la belle et la bête, Ripley est non genrée et reste une femme de tête malgré tout. Et des femmes fortes, on en rencontrera d’autre dans la saga.

Scènes préférées

La scène du repas : Kane semble sauf, le facehugger est mort, tout l’équipage du Nostromodo se réunit autour d’un dernier repas avant de repartir en hypersommeil jusqu’à la fin de leur voyage. Sauf qu’au détour d’une quinte de toux, tout bascule et le chestbuster défonce la cage thoracique de Kane, sous le regard médusé et impuissant de ses collègues. Après la fuite du chestbuster, Ridley Scott insiste quelques secondes sur les visages des autres passagers, tous sous le choc de ce qu’il vient de se passer dans un silence inquiétant.
La mort de Brett : une autre scène que j’aime beaucoup mais uniquement dans sa version longue (version rééditée en 2003 avec des quelques secondes supplémentaire). Brett part à la recherche du chat Jones et est la première victime de l’Alien. La caméra de Scott s’attarde sur la structure imposante du vaisseau, sombre et humide, avec ces chaines qui tintent les unes contre les autres. Si le symbolisme est assez puissant, deux images me plaisent dans cette scène : l’une où on aperçoit se balancer en hauteur au-dessus de Kane, l’autre quand Ripley et Parker arrivent trop tard : Parker se prend une douche de sang sur son uniforme blanc. Et bon appétit.
Le message d’encouragement de Ash : Après un ultime échange avec (la tête de) Ash, ce dernier déclare sa fascination pour le xénomorphe « The perfect organism. Its structural perfection is matched only by its hostility. (Un organisme parfait. Sa perfection structurale n’a d’égale que son hostilité) » et termine avec une conclusion glaçante : « I can’t lie to you about your chances, but…you have my sympathies. »qui a d’ailleurs été traduit par « je ne vous mentirai pas sur vos chance de survie mais vous avez toute ma sympathie », alors que « my sympathies » en anglais, cela signifie « mes condoléances ». 

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Anecdotes :

  • La scène du chestbuster, toutes les réactions sont authentiques, surtout celle de Lambert (Veronica cartwright) qui a été terrorisée. Personne ne s’attendait à voir autant de sang.
  • Idem, lors de la scène de la découverte de l’œuf, John Hurt ne savait pas que quelque chose allait lui sauter au visage. Il avait juste pour instruction de se pencher au dessus tandis que Ridley Scott, hors-champs, bougeait sa main à l’intérieur de l’œuf.
  • L’équipe des costumes avait oublié de munir les faux scaphandres de trous pour respirer, de sorte que Veronica Cartwright, John Hurt et Tom Skerritt ont rapidement inhaler du gaz carbonique ! Tom Skerritt (Dallas) faillit s’évanouir et l’intervention d’une infirmière fut nécessaire, John Hurt souffrait de claustrophobie.
  • Le prénom des personnages n’est jamais évoqué, puisqu’ils s’appellent tous par leurs noms de famille. Ce n’est que dans Alien 3 qu’on apprend que Ripley s’appelle Ellen.
  • Les consoles du vaisseau n’étaient pas finalisées pendant le film, du coup les acteurs n’avaient le droit de toucher à aucun bouton au risque de tout faire tomber. C’est grâce à des prises de vue et aux accessoiristes cachés hors-champs qu’on a l’impression qu’il y a vraiment un pilotage.
  • La scène de réveil : initialement, les acteurs devaient être nus pour avoir le contraste de la fragilité du corps humain avec la dureté du décor. Sigourney Weaver, issue du théâtre, était partante. C’est la Fox qui a refusé, de peur de perdre le marché Italien et Espagnol à l’époque.

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