Drame

[CRITIQUE] Challengers, de Luca Guadagnino

Le pitch : Durant leurs études, Patrick et Art, tombent amoureux de Tashi. À la fois amis, amants et rivaux, ils voient tous les trois leurs chemins se recroiser des années plus tard. Leur passé et leur présent s’entrechoquent et des tensions jusque-là inavouées refont surface.

Après s’être fait connaître par le grand public – dont je fais partie, pas d’élitisme ici – avec les films A Bigger Splash (2015) ou encore le fabuleux Call Me By Your Name (2017), les œuvres suivantes de Luca Guadagnino ont plutôt divisé. Après le remake à l’imagerie viscérale de Suspiria (2018) et la romance cannibale de Bones & All (2022), le réalisateur italien revient avec Challengers, un triangle amoureux sur fond de rivalité sportive.
D’un acteur à la mode à un autre, il n’y a qu’un pas, et pour succéder à Dakota Johnson et Timothée Chalamet, c’est la coqueluche du moment Zendaya qui est en tête d’affiche d’un film. Également productrice du film, l’ex-star Disney et l’héroïne de la série Euphoria semble vouloir se détacher de plus en plus de son image tout public. Enfin… pas trop quand même.

Avec un match de tennis décisif en guise de fil conducteur, Challengers revient sur l’histoire de deux amis qui sont tombés amoureux de la même fille, la sublime Tashi, une joueuse de tennis à qui tout semble sourire. À travers plusieurs flashbacks et allers-retours dans le temps, Luca Guadagnino raconte le parcours de ces trois personnages, sur fond de bromance, d’adolescents aux hormones en folie et de compétitions sportives initialement saines. En choisissant une narration ponctuée de souvenirs, Challengers intrigue et donne envie de savoir comment la situation s’est déteriorée et surtout, le film mise tout sur la personnalité subversive de la jeune Tashi, déterminée à marquer l’histoire du tennis coûte que coûte. Le film promettait une plongée intrigante dans les relations de ce trio, mais malheureusement, il peine à atteindre l’intensité tant attendue.

Enfermé dans une image bien trop lisse, Challengers à la tiédeur d’un épisode de Vampire Diaries, tandis que j’ai passé bien trop de temps à espérer que quelque chose de plus profond émerge de cette histoire. Malgré la toile de fond sportive, le film ne parvient pas à creuser ses thématiques ni à faire grandir ses personnages malgré le temps qui passe. L’ensemble s’étire en longueur et cumule les sauts dans le temps, quitte à désorienter le spectateur (10 ans avant, 3 ans avant, 3 semaines plus tard… plus tard de quoi ?). Ces multiples allers-retours entre le passé et le présent affaiblissent la solidité du récit et le montage discutable contribue à diluer l’intensité du climax.

Parmi les quelques bons points, Challengers doit beaucoup à son casting. Le personnage de Zendaya aurait pu être plus capiteux ou plus incisif, mais conquiert tout de même grâce à son tempérament vorace et prêt à tout pour gagner. Le film s’intéresse également la relation entre les deux personnages masculins, entre bromance et rivalité, sans avoir peur de franchir les lignes hétéronormées. Luca Guadagnino excelle dans l’implicite et c’est au-delà de ce que les personnages disent qu’ils se révèlent, par leurs gestes et leur proximité. C’est peut-être mon coté voyeuriste, mais j’aurai aimé que Challengers ose aller plus loin, mais l’histoire se borne à une rivalité banale, mâtinée dans un cadre aussi luxueux que sobre, dans lequel Zendaya règne en productrice maîtresse.

Si je peux difficilement reprocher à un distributeur de marketer un film avec un angle alléchant, je dois dire que la campagne promo de Challengers est l’exemple parfait du teasing calculé pour attirer à la fois un public jeune et ceux qui scandent leur cinéphilie pointue. Promettant un triangle amoureux torride où la belle Zendaya (catapultée sur le devant de la scène par Dune, Spider-Man et tous ses récents red carpets) joue avec deux prétendants tout en les manipulant, le film met également en avant la présence de Trent Reznor et Atticus Ross (ex-Nine Inch Nails, compositeurs favoris de David Fincher depuis The Social Network…) qui signent la musique du film, histoire d’appâter le chaland. Notez bien que j’ai dit « LA » musique du film U_U. Bref, en quelques mois, Challengers s’est assuré un beau démarrage aux box-office avant même sa sortie et je ne doute pas que beaucoup crieront au génie après l’avoir vu.

Dans les faits, il n’y pas de mensonge mais, et c’est un grand MAIS, je m’attendais à un film un poil plus subversif et plus osé que quelques bisous mouillés qui rivalisent à peine avec la température maximale du Cruel Intentions de 1999. Dans l’ensemble, Challengers manque de sel (cruauté, méchanceté ou autre intention malveillante) pour vraiment engager et intéresser, tant l’ensemble reste dans la contemplation (ou l’admiration). Je suis difficilement restée alerte grâce à une bande-originale répétitive et de plus en plus agaçante qui faisait office de réveil, comme pour signaler au spectateur « attention, il va se passer quelque chose ! ». L’ensemble est long et n’a rien à envier au prochain teen movie qui se voudrait un poil sulfureux.

Au casting, on retrouve donc Zendaya (Dune, Spider-Man: No Way Home, The Greatest Showman…) dans un rôle un peu plus mature qui lui permet de sortir de l’adolescence. Oui mais voilà, à l’image d’autres actrices qui se sont fait connaître jeunes (plus le poids de l’écurie Disney), je trouve que Zendaya a du mal ou rechigne à égratigner son image. C’est déjà le cas dans Euphoria où malgré l’histoire de son personnage, on ne la voit jamais dans des situations aussi explicites que ses co-stars. Dans Challengers, c’est un peu la même chose. Alors oui, elle est talentueuse et elle porte assurément le film sur ses épaules, mais, encore une fois, j’aurai aimé voir moins de contrôle de son image et plus lâcher-prise (des années de mannequinat et de danses, ça laisse des traces).
À ses côtés, Josh O’Connor (The Crown…) et Mike Faist (West Side Story…) s’affrontent pour ses faveurs mais c’est finalement au cours de leurs face-à-faces qu’ils sont plus convaincants.

En conclusion, Challengers a su faire du bruit et saura attirer tous les fans de Zendaya en salles, qui seront ravis de la voir sous toutes les coutures. Cependant, le film de Luca Guadagnino se perd dans des jeux de séduction un peu trop fade, au détriment de l’exploration des relations complexes entre les protagonistes. Malgré quelques fulgurances, Challengers reste en surface et se défausse à travers un montage criblé de flashbacks en guise de substance. À tester.

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