Le pitch : L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers.
Je suis allée voir ce film à reculons, car j’ai généralement beaucoup de mal avec le cinéma de James Gray. Malgré des succès tels que Two Lovers ou The Lost City of Z, en passant par The Immigrant, je suis plus souvent restée hermétique aux histoires de ce réalisateur qui, malgré son talent de mise en scène visible, me laissait toujours de marbre.
C’était jusqu’à Ad Astra, évidemment. Mais si on parle beaucoup « d’œuvre majeure » et « d’Oscar annoncé » (ce qui est la mode du moment), j’ai envie de freiner l’enthousiasme général en ajoutant quelques réserves sur une ressemblance inévitable avec un certain Gravity. Avant de faire des comparaisons, revenons sur Ad Astra, le premier film de James Gray qui ne m’a pas ennuyée – au contraire.
Survivant d’un accident extraordinaire, un astronaute est sélectionné pour partir en mission jusqu’à Neptune, afin de retrouver son père considéré alors comme disparu quelques années auparavant. James Gray nous projette dans un futur proche où la conquête spatiale a avancé à pas de géants, avec la colonisation de la lune et de Mars. On s’y attarde peu, mais le film laisse filtrer un constat amer sur les conséquences de cette colonisation (le centre lunaire ressemblant à un centre commercial terrestre), tandis que le héros, servant de narrateur, expose ses pensées et remarques pour assurer la mise en abîme du spectateur. Une narration importante qui va servir de repère et de baromètre pendant tout le film, alors qu’Ad Astra nous entraîne d’une base à une autre, imaginant un futur incroyable où le voyage dans l’espace est devenu commun. James Gray livre un objet fascinant, ouvrant la porte d’un imaginaire palpable dans sa représentation de la vie dans l’espace tout en tempérant l’envie d’évasion à travers la découverte de son héros presque flegmatique ou en tout cas peu impressionné par ce qui l’entoure.
Et pour cause, à travers la rencontre de ces nouveaux explorateurs (colons ou de passages), Ad Astra murmure les différentes échappatoires et les failles cachées qui flottent en surface. D’abord ce personnage central, si froid, qui va peu à peu trouver un sens à sa mission en partant à la recherche de ce père distant (au sens figuré comme au sens propre), tandis que l’ensemble des personnages ont chacun une carte à jouer et un objectif en sous-sol. Ad Astra parvient à faire co-exister ces différents aspects narratifs, surfant entre la science-fiction, le thriller mais aussi le drama à travers cette relation père-fils tortueuse qui éclot en parallèle du récit. James Gray conserve sa manière habituelle de soigner ses expositions, profitant de ses décors somptueux et de la carte des étoiles pour émerveiller, ce qui rend finalement les quelques lenteurs bien plus digestes que si le film se déroulait sur Terre.
Au-delà d’un voyage dans l’espace, Ad Astra est surtout un récit viscéral et doux-amer, dans lequel on découvre un homme qui va à la découvert de ce père, érigé comme un héros et pourtant absent. Une absence qui se traduit par son calme maîtrisé qui se fissure au fur et à mesure que le film avance, pour finalement laisser exploser toutes les émotions contenues. James Gray propose une forme de parcours initiatique, théorisant sur le symbolisme de ce père en le transformant en étape pour libérer la prison invisible dans lequel le héros c’était emmuré. Ad Astra est d’une poésie fulgurante à de nombreux points de vue : au-delà du visuel impeccable – mais attendu, c’est finalement l’introspection du personnage principal qui rend l’ensemble aussi humain que beau.
Et c’est donc là que le rapprochement avec Gravity est possible. Le film d’Alfonso Cuarón s’articulait autour d’une femme en pause, qui fuyait tout ce qu’elle avait perdu sur Terre et vivait comme un automate à travers son travail. Jusqu’au rebondissement que l’on connait et un parcours qui va lui permettre de retrouver son envie de vivre et de renaître à nouveau. Si le contexte est différent, Ad Astra est également sur le sujet de la renaissance et la résolution d’un certain blocage à l’issue de l’aventure narrée dans le film. C’est peut-être ce qui rend, selon moi, le film de James Gray un chouilla moins époustouflant que ce que l’on pourrait lire un peu partout, même si, objectivement, Ad Astra est un grand film.
Au casting : Brad Pitt (Once Upon A Time… In Hollywood, War Machine, The Big Short…) abandonne un temps ses rôles de grignoteurs compulsifs et autres caméos (Deadpool 2…) pour une performance incroyable, toute en retenue et pourtant rongée par l’émotion. Autour de lui gravitent (haha) Ruth Negga (Loving, Preacher…), Donald Sutherland (L’Échappée Belle, Hunger Games…) et un peu de Liv Tyler (Harlots…), mais surtout un Tommy Lee Jones (Jason Bourne, Criminal…) redoutable.
En conclusion, James Gray livre un film captivant et surtout abouti. Ad Astra est un voyage particulier, entre émotions et abandons, qui se laisse raconter avec un plaisir et une tension agréable. À voir.