Drame

[CRITIQUE] How To Have Sex, de Molly Manning Walker

Le pitch : Afin de célébrer la fin du lycée, Tara, Skye et Em s’offrent leurs premières vacances entre copines dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, est-elle vraiment libre d’accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?

Au dernier Festival de Cannes, le film How To Have Sex réalisée par Molly Manning Walker a remporté le prix Un Certain Regard. Quelques mois plus tard, le film a enfin profité d’une sortie français. Derrière son titre racoleur, How To Have Sex suit les vacances exaltés de trois amies qui déboulent en Grèce pour faire la fête à outrance. Alcool, club, pool party et autres joyeusetés sont au menu dans ce tourbillon effervescent, porté par une forme d’hystérie débridée et contagieuse. La réalisatrice propose un instantané percutant de la jeunesse actuelle, en roue libre et en quête de sensation fortes, posant ainsi les bases d’une aventure désenchantée sur le point de s’effondrer. Ou pas.

À l’heure où le sexe est devenu, dans l’inconscient collectif, un acte aussi badin que de serrer la main à un inconnu, l’héroïne du film subit une forme de pression de la part de ses amies pour perdre sa virginité, à travers des rappels réguliers qui vont gâcher son envie d’évasion.
How To Have Sex est très démonstratif : le film montre ses personnages dans tous leurs excès, comme un simili Projet X endiablé, mais rapidement, par petites touches, Molly Manning Walker sème le doute. Tel un rollercoaster, How To Have Sex est fait de montées d’adrénalines hypnotisantes, puis de redescentes vertigineuses, celles de ces lendemains de cuite où on se promet de ne plus jamais recommencer. Le film souligne, en restant à l’écart et avec amertume, la façon dont la jeunesse (ou les gens de tout âge, remarquez) se laisse influencer dans une spirale infernale, plus souvent par pression sociale et peur du jugement, que par envie de s’amuser. Entre en scène la pression sexuelle.

Le problème du film, c’est que j’ai surtout eu l’impression de Molly Manning Walker ne fait que tourner autour du pot, tandis que l’audience est parfaitement consciente que quelque chose de perturbant va se passer. La réalisatrice a choisi, avec justesse, de ne pas montrer de scène potentiellement choquante ou traumatisante autour du viol et la culture du viol, préférant ainsi inclure la notion du consentement (avec ou sans pression ressentie). Mais étrangement, le film transforme le public en une forme de voyeur sordide, tant l’histoire met du temps à se dérouler et que la scène en question tarde à arriver. Résultat, il faut supporter un ensemble de personnages finalement peu sympathiques, qu’on découvre uniquement à travers leurs états d’ivresses ou de gueules de bois. L’histoire se passant dans le présent, en tant que spectateur, on a trop peu d’informations pour s’intéresser à cette bande d’amis grandissante, ni à leurs amourettes, doutes ou craintes pour l’avenir (l’après-lycée, rappelons-le). Tout ceci rend encore plus difficile de s’attacher à la jeune Tara, l’héroïne, tant l’effet de fuite en avant de l’histoire ne permet pas de l’apprécier.

How To Have Sex rend mal à l’aise à force de nous mettre dans l’attente d’un événement sordide, puis nous laisse sournoisement sur le carreau, alors que le récit se complait dans l’accumulation contemplative de scènes de « débauche » juvénile. Pire, j’ai trouvé que, dans l’ensemble, le film minimisait la violence sexuelle en restant en surface et en ne brisant jamais la carapace de son héroïne, emprisonnée dans son apparence détachée. Si l’intention est juste et potentiellement très (trop) réaliste, j’aurai aimé que How To Have Sex permette à ses amies de (re)trouver un semblant de sororité fédératrice, plutôt que de s’attarder sur le comportement toxique et jaloux de l’une d’entre elles. Moins de temps à montrer les excès et plus de profondeur et d’introspection aurait fait du bien et aurait permis au film d’apporter quelque chose de neuf sur le sujet du consentement, des violences faites aux femmes et comment ces dernières gèrent ce type de traumatisme.

How To Have Sex a tous les atours du « film cannois » stéréotypé : un étalage de scènes explicites qui effarouchera le public de la Croisette, une réalisatrice qui propose un premier film indé qui se veut subversif et le récit d’une jeunesse sans limite qui pourra soit rappeler quelques souvenirs à certains (j’ai beaucoup revisité mon année en Australie en souvenirs !), soit choquer les autres. Si le discours autour du film tient la roue, finalement la mise en abîme n’est pas plus originale qu’une des premières saisons de la série Skins (UK) qui avait déjà effleuré ces sujets. En réalité, la narration s’éparpille et passe à coté de la dissection voulue des notions et/ou émotions sensées traverser le film.

Au casting : Mia McKenna-Bruce (The Witcher, Vampire Academy…) incarne la jeune Tara avec une justesse touchante, malgré l’écriture d’un personnage engoncée dans ses apparences. Autour d’elles, une ribambelle de presque inconnus qui campent des personnages tiroirs, porté par Lara Peake (Mood, How To Talk To Girls At Parties…), Enva Lewis, Samuel Bottomley (Sundown, Somewhere Boy…), Shaun Thomas (Miss Peregrine et les Enfants Particuliers…) ou encore Laura Amber.

En conclusion : je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement (facile) entre How To Have Sex et l’atroce Spring Breakers. Certes le films de Molly Manning Walker nous épargne le « male gaze » insupportable du film d’Harmony Korine et évite de romancer la violence, et pourtant, How To Have Sex surfe sur les mêmes codes pour intriguer et appâter le chaland. Si les intentions sont largement différentes, j’ai tout de même eu l’impression de m’être faite avoir sur la marchandise. À tester

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