Épouvante-horreur

[CRITIQUE] Late Night with the Devil de Cameron et Colin Cairnes

Le pitch : Jack Delroy cherche désespérément le petit quelque chose qui manque à son émission de divertissement pour dépasser la concurrence. Le soir d’Halloween, les segments se succèdent et l’ambiance commence sérieusement à déraper sur le plateau, en plein direct.

Encore inédit en France, j’ai fait un petit aller-retour chez l’Oncle Sam (*wink wink*) car j’avais entendu que de bons retours sur ce film et parce que David Dastmalchian en premier rôle dans un film creepy, c’est tout simplement une évidence. Le troisième film des frères Cameron et Colin Cairnes (100 Bloody Acres, Scare Campaign…) est une petite pépite horrifique et originale qui, même si elle n’offre pas de frissons, propose un film étrange, captivant et savamment déroutant.

Reprenant le format des « Late Shows » à l’américaine, Late Night with the Devil nous au premier rang d’une émission au format délicieusement rétro, qui cherche à faire grimper l’audimat malgré un créneau compliqué. Dès les premières minutes, le spectateur est immergé dans l’ambiance old school d’un talk-show des années 70, avec des décors rétro et un grain d’image qui renforce cette impression de décalage temporel.
Mais ce qui est intéressant, c’est que le film nous offre un double point de vue en nous mettant à la fois aux premières loges d’une émission tournée en direct et en nous emmenant dans les backstages de l’émission, révélant des sous-intrigues flirtant avec la quête de gloire et des occupations… plus que douteuses.

Late Night with the Devil surprend par sa capacité à détourner les attentes du public. Si vous vous attendiez à un scénario simpliste autour d’une séance de spiritisme qui tourne mal, vous n’aurez pas totalement tord… mais cela reste bien loin de l’arc principal du film. Dès les premières minutes, le film pose un tableau qui semble prévisible : Halloween, une séance avec médium qui s’envenime… Ce semblant de familiarité et de déjà-vu conforte et fait baisser la garde, si bien qu’on ne voit jamais le piège se refermer.

L’histoire prend rapidement une tournure peu à peu oppressante et intrigante alors que le duo Cairnes nous ballote entre supercherie et supernaturel. L’inspiration de classiques comme le culte L’Exorciste de William Friedkin est palpable ou encore la série La Quatrième Dimension ou le film Rosemary’s Baby. Il y a également des références au vrai couple Warren des films Conjuring ou encore un clin d’œil (peut-être pas si intentionnel) à M3GAN, pour des exemples plus récents. Cependant, il ne s’agit pas de simples copies. Entre hommages et références cinémas de genre d’antan, Late Night with the Devil s’inspire du monde de la télé et ses secrets, avec renforts de manigances, d’ambitions dévorantes et de symboles cachés qui maintiennent le spectateur sur la brèche.

Ce qui est intéressant, c’est que le film ne cesse de compromettre et de remettre en question ses intentions. Grâce à un personnage qui fera office de baromètre sceptique, Late Night with the Devil dresse un tableau curieux, bousculé par des événements étranges ou louches qui vont alimenter une tension grandissante tout au long du film. De simples plans anodins vont dissimuler un détail dérangeant ou des images subliminales et la réalité va se brouiller à travers différents rebondissements. Le film des frères Cairnes joue avec les codes horrifiques et la démystification, laissant aussi bien ses personnages que les spectateurs dans l’incertitude générale.

Si le film ne fait pas vraiment peur – au contraire, le film tend plus vers l’humour noir, Late Night with the Devil déverse de l’angoisse efficace et propose une ambiante oppressante à force de jouer avec le scepticisme ambiant et/ou la volonté de croire. De ses étranges invités aux flashbacks révélateurs, le film fait également écho aux rumeurs de satanisme dans le showbiz et floute un peu plus les lignes entre la moral et le succès. J’ai beaucoup aimé que la mise en scène soit aussi éparpillée, car cela renforce un sentiment d’instabilité aussi palpable que réjouissant, alors que les frères Cairnes maitrisent clairement le tensiomètre du film du début à la fin.
Au final, ce qui ressemblait à un film à petit budget proposant une balade en terrain trop connu, s’avère finalement être une bonne surprise originale, réinventant habilement les codes horrifiques les plus usés.

Au casting, comme je le disais plus haut, David Dastmalchian (Le Dernier Voyage du Demeter, Oppenheimer, L’Étrangleur de Boston…) dans un film d’horreur, je me demande comment cela n’est pas arrivé plus tôt étant donné que l’acteur a le faciès pour et une facilité évidente pour incarner des personnages dérangeants. Si vous en doutez, sa courte apparition dans le film Le Croque-Mitaine donnait déjà envie d’en voir plus. Ici, l’acteur est parfait dans ce personnage cryptique, dont les ambitions se confrontent à ses secrets. Autour de lui, on découvre Laura Gordon (Reef Break, Hunters…), Ian Bliss (Matrix…) ou encore la jeune Ingrid Torelli, impeccable dans son personnage inquiétant.

En conclusion, le duo Cairnes livre un film qui combine habilement le caractère rétro des talk-shows des années 70 et une ambiance inquiétante, faisant grimper la tension à chaque minute. Surprenant, curieux et original, Late Night with the Devil est une bonne surprise pour les fans du genre, entre satire et paranormal, dépoussiérant les films d’horreur aux formats conventionnels et en jouant avec notre crédulité. À voir (en espérant qu’il arrive rapidement en France).

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