Épouvante-horreur

[CRITIQUE] Presence, de Steven Soderbergh

Le pitch : Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse Presence hante les lieux.

Avant la sortie de son prochain vrai film, Steven Soderbergh livre un nouveau projet expérimental avec Presence, film estampillé “horreur” parce qu’il se déroule du point de vue (POV)… du fantôme. Original ? Pas vraiment. Avec tous les films found-footage qui parasitent le genre horrifique, des essais marquants de POV avec Maniac et son remake, ou encore des drames – tel que A Ghost Story qui explorait le thème de la hantise sous un autre angle, Steven Soderbergh enfonce à nouveau une porte ouverte, comme il l’avait déjà fait avec Paranoia à l’époque. Alors oui, je n’apprécie que moyennement voire pas du tout ce réalisateur, mais intriguée j’étais, alors j’ai rentabilisé mon abonnement UGC pour aller perdre 1h26 de mon temps en salles.

Dès le départ, il est important de préciser qu’en réalité Presence n’est PAS un film d’horreur ni d’épouvante. Steven Soderbergh propose une drame contemplatif dans un huis-clos familial, sous le regard d’un observateur invisible. Le choix d’avoir ce type de POV n’est qu’un artifice pour ajouter une forme de plus-value au film, mais dans les faits, découvrir l’histoire du point de vue du fantôme ne change pas vraiment puisque cela n’apporte rien à l’ensemble. Presence aurait donc pu être filmé de façon classique et aboutir au même résultat. Quoiqu’en fait non : si Steven Soderbergh avait réalisé son film de manière classique, il aurait dû passer plus de temps à travailler le scénario rempli de trous écrit par son poto David Koepp – dont le talent d’écriture empire depuis le début des années 2000 (les deux derniers Indiana Jones, La Momie circa 2017, Men In Black 3, Anges et Démons…).
Ce qui promet pour le prochain Jurassic World, mais ça, on verra plus tard…

Le fait est qu’en dehors de cette pseudo-originalité, Presence ne raconte rien d’exceptionnel : un famille emménage et on devine à demi-mot qu’elle a vécu un drame qui touche particulièrement un de leurs enfants. Le film se repaît surtout de la dynamique familiale fracturée : les duos père-mère et frère-soeur se déchirent, tandis que les relations parents-enfants se croisent, laissant filtrer une tension latente autour d’une famille au bord de la rupture. Rapidement, l’histoire se concentre sur un personnage au mal-être palpable et une relation trouble qui émerge, forçant la Presence à prendre parti et intervenir.

Entre des objets qui ont la bougeotte ou l’impression d’être observé, Steven Soderbergh montre qu’il a feuillé le manuel du bon fantôme à la hâte pour mettre en scène ses effets, sans véritablement chercher à capitaliser dessus. Les phénomènes étranges servent de ponctuation d’une scène à l’autre, interloquant nos personnages pendant une seconde tiède avant de passer à la suite. C’est difficile de comprendre qu’elle est l’intérêt réel de ce choix de mise en scène tant il est inutile, vu que le film préfère s’intéresser à une énième sous-intrigue tierce qui arrive comme un cheveu sur la soupe, avant de s’étaler jusqu’à la fin.  Presence ne parvient jamais à susciter la moindre émotion : ni intrigue, ni tension, ni frisson ne vient animer la trame, tant l’ensemble se déroule dans une mise en scène léthargique, orpheline et sans rythme.

En effet, l’excuse de ce POV permet surtout à l’histoire de ne pas s’empêtrer avec des explications et à sauter d’une scène à l’autre sans avoir à respecter une quelconque timeline – puisque, vous comprenez, le temps n’existe plus pour les fantômes (nous explique-t-on en cours de route). Steven Soderbergh s’empêtre dans des facilités aberrantes, parfois même rebutantes car si vous êtes sujet au mal de mer, je ne recommande pas l’expérience. Avec un effet fish eye à peine stylisé, la caméra navigue de pièce en pièce, avec la fluidité d’un poisson dans l’eau (prenant bien la peine de passer par les escaliers et les portes ouvertes, comme tout bon fantôme qui se respecte, n’est-ce pas), ce qui ne parvient pas non plus à nous faire croire au fait qu’on voit le film à travers le regard d’un fantôme !
Bref, Presence – comme Paranoia en 2017 – ne fait que survoler le potentiel de son histoire, mettant de coté les thèmes vaguement soulevé (le deuil, la famille, le favoritisme, la drogue chez les ados…) pour s’auto-satisfaire à travers un essai de mise en scène à peine affriolant. Résultat : un film mal dégrossi, mal monté et sans âme, qui, en plus, se paie nos têtes jusqu’au bout à travers un final bâclé et expédié.

Au casting : Lucy Liu (Kung-Fu Panda 3, Shazam ! La Rage des Dieux, Red One…) et Chris Sullivan (This Is Us, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 2…) incarnent un duo parental avec la chaleur d’un frigo vide. À leurs cotés gravitent des enfants clichés, le garçon prodige idôlatré par sa mère est incarné par Eddy Maday, tandis que Callina Lang (Foundation…) joue les ados en plein mal-être. Autour deux, West Mulholland (Legion…) s’invite à la fête tandis que Natalie Woodlams-Torres se réserve la palme de la pire pseudo-médium vu sur grand écran.

En conclusion, je pourrais dire que Presence est une déception mais en réalité, je n’en attendais rien. Steven Soderbergh réalise un film à peine digne d’un projet d’étudiant de cinéma, vaguement inspiré par une idée de prises de vues originale, mais le résultat n’est qu’une expérience maladroite, plate et sans intérêt. À éviter.

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