
Le pitch : Ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, Bob vit en marge de la société, avec sa fille Willa, indépendante et pleine de ressources. Quand son ennemi juré refait surface après 16 ans et que Willa disparaît, Bob remue ciel et terre pour la retrouver, affrontant pour la première fois les conséquences de son passé…
Je dois avouer une chose : parmi tous les cinéastes confirmés, Paul Thomas Anderson (PTA pour les intimes) est celui que je connais le moins, et ça fait des années que je me dis que je dois rattraper There Will Be Blood par exemple. Le truc, c’est que malgré un Magnolia culte et un Phanthom Thread sublime, mais Inherent Vice m’a laissé totalement de marbre et The Master, malgré sa maîtrise formelle, manquait cruellement d’émotion à mes yeux. Par conséquent, j’ai boudé Licorice Pizza et la longueur d’Une Bataille Après L’Autre m’a fait douter.

Oui, Une Bataille Après L’Autre dure 2h52 très exactement… et pourtant je n’ai pas senti le temps passé ! Avec son cadre resserré et son rythme haletant, le dernier film de Paul Thomas Anderson nous happe dès le départ dans une spirale effrénée, où les rares pauses servent à densifier un récit riche et volontiers chaotique.
Avec une intrigue somme toute simple (un père qui cherche à sauver sa fille des griffes d’un ennemi du passé), c’est le contexte autour qui rend Une Bataille Après L’Autre aussi prenant. En effet, derrière ses apparences de comédie déjantée, le réalisateur signe le portrait acide d’une Amérique habitée par la violence et de plus en en plus radicale. Paul Thomas Anderson propose une épopée viscérale et furieusement anti-système d’une rare intensité, qui résonne comme une invitation à combattre les autorités en place.

À travers chaque personnage, Une Bataille Après L’Autre soulève un problème systémique (l’immigration, le racisme, le patriarcat…) et parvient à imposer sans propos sans jamais en faire des caisses. Avec brio, le film jongle avec des thématiques lourdes, mais avec une légèreté audacieuse et des protagonistes hauts en couleurs. Du papa ex-révolutionnaire ramolli à la figure militaire psychorigide et dévorée par ses contradictions, en passant par le prof d’art martial pour le moins excentrique, une ado en pleine crise identitaire ou encore des membres d’organisations secrètes qui agissent dans l’ombre, Une Bataille Après L’Autre s’amuse des étiquettes avec une nonchalance déconcertante, là où d’autres se seraient pris trop au sérieux.

Paul Thomas Anderson oppose solidarité et individualisme, gauche radicale et extrême droite, mais sans jamais donner dans le manichéisme : chacun est rattrapé par la brutalité du réel. Mais ce qui fonctionne à merveille, c’est le naturel accessible de l’ensemble. Les acteurs principaux (Dicaprio, Del Toro, Penn…) ont un certain âge et le film ne cherche pas à en faire des surhommes. Leur banalité même accroche, souvent avec humour, au milieu du chaos, et cette authenticité donne au film une dimension de western moderne, tendu et imprévisible, plus coup de poing que manifeste. Paul Thomas Anderson vise précis et juste, et même s’il semble parfaitement rodé pour les Oscar 2026, Une Bataille Après L’Autre n’est pas uniquement là pour faire joli.

À l’heure où les États-Unis ont une image plus que controversée (pour ne pas dire en chute libre), il fallait oser proposer un film à la vérité aussi tranchante qui fait l’effet d’un constat amer d’une chute annoncée. De l’écriture à la réalisation, Paul Thomas Anderson livre une belle leçon de cinéma (sans leçon de morale) à travers un film aussi (a)politique qu’humain, engagé et vibrant, explorant en profondeur une batterie de personnages fédérateurs (qu’on les aime ou les déteste) et allant jusqu’au bout de ses idées.
Cela ne plaira pas à tout le monde (et certainement pas aux MAGA) mais espérons qu’Une Bataille Après L’Autre convoque quelque chose de militant, qui dépasse le seul contexte américain.

Au casting, Paul Thomas Anderson réunit un bel ensemble : Leonardo DiCaprio (Killers of The Flower Moon, Once Upon a Time… In Hollywood, The Revenant…), en père anar désabusé, livre une performance à la fois solide et ironique. Benicio Del Toro (The Phoenician Scheme, The French Dispatch, Sicario : La Guerre des Cartels…) incarne avec grâce une nonchalance magnétique, tandis que Sean Penn (Black Flies, Licorice Pizza, Flag Day…) compose une figure odieuse, détestable à souhait. Teyana Taylor (À Bout, Le Livre de Clarence…) électrise le film dès sa première apparition avec un rôle féroce et nuancé, Chase Infinity (Présumé Innocent…) s’impose comme une révélation éclatante, et Regina Hall (Nine Perfect Strangers, Girls Trip…), plus rare mais précieuse, apporte une fragilité qui ancre le récit dans l’émotion.
En conclusion : ambitieux, survolté et audacieux, Une Bataille Après L’Autre est à la fois un uppercut politique et une fresque profondément humaine. Anderson signe un grand film de cinéma, à la fois accessible, stupéfiant et corrosif. Viva la revolución ! À voir.

