Drame

[CRITIQUE] The Wife, de Björn Runge (sortie e-cinema)

Le pitch : Joan, épouse fidèle du célèbre auteur Joe Castleman, accompagne son mari à Stockholm où il doit recevoir le prix Nobel de littérature. Or dans l’avion, elle comprend petit à petit qu’après de longues années de vie commune, elle ne le supporte plus. Pourquoi ? Le passé et les rancœurs ressurgissent alors. Devra-t-elle briser leur secret au risque de tout perdre ?

Adapté du roman de Meg Wolitzer, The Wife narre l’histoire d’une femme de l’ombre qui voit des années de frustrations ressurgir au moment où son époux atteint l’apogée de sa carrière. Porté par une Glenn Close formidable, et déjà récompensée par le Golden Globe de la Meilleure Actrice dans un film dramatique, le film de Björn Runge maîtrise habilement la montée en puissance des sentiments refoulés qui émergent par soubresauts. Démarrant aux côtés d’un couple de retraités apparemment soudés qui célèbrent une bonne nouvelle, les fêlures apparaissent rapidement que ce soit à travers la présence d’un fils coléreux ou le masque dignité qu’aborde l’héroïne, mâchoire figée dans un sourire crispé.

Il ne suffira que d’une intervention pour que The Wife creuse, entre confessions et flashbacks, l’histoire de ce couple discret, depuis leur rencontre à la fin des années 50. Entre passion et restrictions, le film creuse les secrets enfouis par des années de silence et de résignation, tout en observant les conséquences de leurs choix sur le présent, alors qu’ils sont en Suède pour une récompense prestigieuse. Björn Runge propose un récit dans l’ère du temps en exposant une société passéiste qui refusait de laisser une place aux femmes, un problème encore actuel mais qui, dans la structure de ce couple, a eu des répercussions profondes. De la relation entre époux jusqu’à l’éducation des enfants, l’amour a été rongé par la frustration qui a elle-même laissé place à une rancœur qui va bouillonner tout au long du film, pour finalement exploser en fin de course.

Entre tranche de vie et tragédie, The Wife observe une parenthèse conviviale se transformer en un règlement de comptes qui ne laissera aucun de ses protagonistes indemnes. Au centre, Glenn Close (Seven Sisters, The Last Girl…) incarne une femme bafouée, trompée et parfois même moquée qui, par convention sociale et bienséance, a accepté de se taire trop longtemps, face à un Jonathan Pryce (Game of Thrones, Taboo…) insouciant et au charme parfois insolent, pour ne pas dire ingrat. L’alchimie semble réelle, ce qui permet au film de porter toutes les émotions nécessaires pour accrocher à ce récit à la fois simple et poignant.
Autour deux, Max Irons (La Femme au Tableau…) et Christian Slater (Mr Robot…) joue les éléments perturbateurs, le second aurait mérité d’être plus creusé cependant.

En conclusion, au-delà d’une intrigue déjà vue au cinéma, The Wife se démarque surtout pour la performance d’acteurs et ses personnages bien écrits, coincés entre deux époques et des émotions contraires, tandis que le récit s’enfonce dans les méandres de la rancœur et de la colère. Björn Runge livre un film bouleversant et sensible, porté par une Glenn Close formidable et toujours en lice pour les Oscars. À voir.

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