Animation

[CRITIQUE] Toy Story 4, de Josh Cooley

Le pitch : Woody a toujours privilégié la joie et le bien-être de ses jeunes propriétaires – Andy puis Bonnie – et de ses compagnons, n’hésitant pas à prendre tous les risques pour eux, aussi inconsidérés soient-ils. L’arrivée de Forky un nouveau jouet qui ne veut pas en être un dans la chambre de Bonnie met toute la petite bande en émoi. C’est le début d’une grande aventure et d’un extraordinaire voyage pour Woody et ses amis. Le cowboy va découvrir à quel point le monde peut être vaste pour un jouet…

Il y a 24 ans – oui, 24 ans ! – les studios Pixar soufflaient un vent de révolution dans le cinéma d’animation avec Toy Story, réalisé par John Lasseter. Si aujourd’hui, les visuels font un peu peur, Toy Story a marqué cette fin de siècle d’une pierre blanche, en démarrant l’évolution du dessin animé vers le film d’animation 3D grâce à un rendu déjà plus réaliste et novateur en images de synthèse, qui a inspiré non seulement le cinéma mais également l’univers du jeu vidéo, de la robotique et des logiciels informatiques.
S’ajoute à cela un trésor d’imagination à travers une histoire d’enfance et d’amitié où les jouets prennent vie à l’insu de leur propriétaire, Toy Story – récompensé par un Oscar spécial en 1996 – est rapidement devenu culte tant il parlait aussi bien aux plus petits qu’aux plus grands, nourri par une nostalgie palpable et une inventivité extraordinaire. Quatre ans plus tard, John Lasseter livre une suite à la hauteur, mais pour ma part ce sera surtout le troisième opus réalisé par Lee Unkrich (2010) qui m’a conquise, en offrant une conclusion à la fois ludique, mouvementée et émouvante. La page semblait tournée : le jeune Andy a grandi et donné ses jouets à la petite Bonnie, laissant notre imagination faire le reste.

Aujourd’hui, de nombreux films d’animation défilent tous les ans sur nos écrans et la comparaison a minima technique avec la trilogie Toy Story est toujours de mise. Pixar reste une référence en matière d’animation et de storytelling, grâce à son partenariat avec les studios d’animation Disney et des succès tels que Là-Haut, WALL-E, Vice Versa, Le Monde de Némo ou encore Cars, Coco et récemment Les Indestructibles 2. La concurrence est dense mais peu sont parvenus à marquer les esprits avec un résultat aussi bon que Toy Story : Blue Sky a eu L’Âge de Glace, Disney reste une valeur sûre avec La Reine des Neiges, Les Mondes de Ralph ou le récent Vaiana, les puristes retiendront Ghibli, le studio japonais qui a donné Princesse Mononoké ou encore Le Voyage de Chihiro. Evidemment, il faut aussi compter DreamWorks Animation, qui est notamment à l’origine de l’excellente saga Dragons et des mémorables franchises Shrek ou encore Kung Fu Panda.
Tout cela pour dire que le monde du cinéma d’animation est petit, mais moins bien reconnu que les films standards malgré une production bien plus complexe et exigeante. Du coup, ce n’est pas vraiment étonnant de voir Toy Story ressusciter sur nos écrans pour un quatrième chapitre. Un film inquiétant car Toy Story 3 concluait si bien la trilogie qu’il ne semblait pas avoir grand chose de plus à raconter. En effet, au-delà du résultat esthétique, la qualité principale de Pixar c’est sa capacité à raconter des histoires qui touchent à tout âge, alors que pouvait bien proposer un quatrième chapitre de Toy Story dix ans après la fin ?

Heureusement, fin du suspens, le film de Josh Cooley (réalisateur du court-métrage Premier rendez-vous ?, dérivé de Vice Versa) est une très bonne surprise. Si la mise en place patine un peu, les retrouvailles avec Woody et son acolyte Buzz l’Éclair titillent notre nostalgie tandis qu’on découvre nos héros dans une situation nouvelle qui va rapidement changer la donne. Toy Story 4 s’articule autour d’un Woody qui a du mal à oublier Andy et qui va rapidement tout faire pour contribuer au bien-être de son nouvel enfant, Bonnie. L’arrivée d’un nouveau venu, Fourchette (Forky en VO), lance les débuts de péripéties pleines d’humour, de retrouvailles et de rebondissements, porté par un récit accessible et intelligent.
Si John Lasseter a dû laisser sa place à un nouveau réalisateur, Toy Story 4 n’a rien perdu de son ADN d’origine, voire renoue même avec le sujet essentiel du premier film, à savoir le jouet au service de l’enfant pour mieux le confronter à ses limites et à l’inconnu. Entre imaginaire et responsabilités, l’histoire parvient à créer de l’aventure dans un monde minuscule en étoffant ses personnages au travers du récit qui s’émancipe de la trilogie initiale pour explorer les zones d’ombre créées par le premier film. En effet, si la saga abordait l’importance pour un jouet de trouver sa place en tant que tel, Toy Story 4 utilise intelligemment ce nouveau départ pour creuser de nouvelles thématiques, comme la perte et la vie sans enfant (ou sans but, n’est-ce pas), mais du point de vue du jouet. Du coup, le film évite de resservir du déjà-vu et tisse une aventure pleine de surprise autour de personnages que l’on pensait déjà connaître et qui se retrouvent dans des situations qui poussent à la remise en question. De plus, Toy Story 4 parvient à créer des antagonistes conquérants (Gabby Gabby), loin du méchant basique ou revanchard, à travers des nouveaux personnages aux motivations étonnantes qui vont donner une profondeur bienvenue à l’histoire.
Seul bémol dans tout cela, si le film réunit enfin Woody et La Bergère, il a tendance à délaisser d’autres personnages : la cow-girl Jessie passe en retrait, même Buzz renoue avec ses premiers travers, tendis Barbie et Ken ont disparu. Toy Story 4 ne parvient pas à faire vivre tous les personnages déjà installés au profit de nouveaux venus et force le happy-end par rétropédalage de dernière minute qui fait un peu tâche (ce qui dessert un des personnages féminins). 

Cependant, ce que le film perd en démarrage et autres raccourcis narratifs, il le gagne en originalité en créant une histoire inventive, généreuse et excellente qui m’a embarquée sans effort, alors que j’étais hyper réfractaire à l’idée de ce nouvel opus. Au final, entre éclats de rires et véritables moments d’émotions, Josh Cooley parvient à trouver une conclusion nouvelle à Toy Story qui, une fois terminée, semble encore plus logique et définitive que celle de Toy Story 3.

Qui dit film d’animation, dit forcément animation – huhu. Comme dit plus haut, Pixar est un leader en la matière et ne déçoit pas avec un visuel extraordinaire qui impressionne dès la scène d’ouverture, avec une image au ras du sol, donnant sur un trottoir martelé par la pluie. Quasiment proche du photo-réalisme, Toy Story 4 se rapproche du réel et de la précision dans le détail, rendant le film si fluide qu’on oublierait presque qu’il s’agit de jouets – ce qui rend parfois les personnages humains très quelconques d’ailleurs. Entre les jeux de textures, d’ombre et de lumière, le film de Josh Cooley est un petit bijou d’animation, composé d’un nombre réduit de décors au rendu incroyable et accentué par une qualité de son démente. C’est simple, le film est si réaliste qu’on oublie tout bêtement que c’est de l’animation tant le résultat est proche de la perfection. Le rappel, ce sont évidemment les jouets. Là encore, en terme de texture et de son, Toy Story ne crée pas un moule uniforme mais s’adapte au type de jouets, recréant parfaitement la motricité attendue, qu’il s’agisse d’une peluche, d’un chien à ressort, d’un pantin, d’une poupée Barbie ou – cerise sur le gâteau – de marionnettes à ventriloque frissonnantes à souhait. L’attention aux détails est incroyable et véritablement admirable, c’est ce qui fait la force de la franchise Toy Story et contribue à la réussite indéniable de ce nouvel opus aussi divertissant que visuellement ravissant.

Au casting vocal, j’ai vu le film en VO. Même s’ils connaissent bien leurs personnages depuis toutes ces années, le doublage de Tom Hanks (The Circle, Pentagon Papers…), Tim Allen (Last Man Standing…) et Joan Cusack (Apprentis Parents…) est toujours impeccable. La Bergère, doublée par Annie Potts (The Fosters…), est de retour en tête d’affiche avec la « badassitude » à une rescapée de Mad Max Fury Road en porcelaine (hello Furyosa), tandis que Christina Hendricks (Good Girls, The Neon Demon…), Ally Maki (Dear White People…) et Tony Hale (Love, Simon…) s’ajoutent très bien à l’ensemble, incarnant respectivement Gabby Gabby, Giggle McDimples et Fourchette.
À noter également, le duo tordant Ducky et Bunny – ça ne m’étonnerait pas qu’un spin-off sur ces deux-là voit le jour – porté par Keegan-Michael Key (The Predator…) et Jordan Peele (Get Out, Us…), ainsi que la performance hilarante de Keanu Reeves (John Wick…) en Duke Caboom.

En conclusion, je n’attendais rien de ce nouveau Toy Story et les bandes-annonces n’étaient pas très convaincantes. Et pourtant, Toy Story 4 est une excellente surprise qui a su proposer un récit neuf et construit, sans jamais tomber dans la redite. Original, drôle et émouvant, le film de Josh Cooley offre un dernier chapitre conquérant qui trouve parfaitement sa place dans la franchise. À voir !

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