Comédie musicale

[CRITIQUE] Mean Girls : Lolita Malgré Moi, de Samantha Jayne et Arturo Perez Jr.

Le pitch : Une nouvelle élève, Cady Heron se retrouve à côtoyer l’élite de la chaine alimentaire sociale, les filles populaires appelées « Les Plastiques », dirigées par leur queen Regina George et ses sous-fifres Gretchen et Karen. Mais quand Cady a un crush sur Aaron, elle ne réalise pas tout de suite qu’elle vient de commettre une grosse erreur, sa nouvelle bestie va rapidement se transformer en ennemie. Cady décide de renverser l’ordre établi avec l’aide de ses amis losers, Janis et Damian. Rester fidèle à soi même tout en se frayant un chemin dans la jungle impitoyable du lycée : tout un programme, vous avez 2 heures.

Plutôt qu’un remake, Mean Girls : Lolita Malgré Moi est l’adaptation de la comédie musicale Mean Girls jouée à Broadway entre 2018 et 2020, inspirée par le film original sorti en 2004, réalisé par Mark Waters. Il y a vingt ans, c’est la comédienne Tina Fey qui écrit l’adaptation du livre Queen Bees and Wannabes de Rosalind Wiseman. Le film sort à l’époque où le cinéma populaire est bercé par les « teen movies » qu’ils soient horrifiques ou comico-romantiques, de films comme Scream à Elle Est Trop Bien.
À l’époque toujours, il y avait Lindsay Lohan, enfant star chez Disney et propulsée sur le grand écran à l’âge adulte grâce à l’excellente comédie Freaky Friday : Dans La Peau de ma Mère, également réalisé par Mark Waters, où l’ado rebelle échangeait de corps avec sa mère un peu rigide, incarnée par la géniale Jamie Lee Curtis. Un an plus tard, l’actrice retrouve le même réalisateur pour le rôle principal dans Mean Girls, ou plutôt Lolita Malgré Moi en VF. Si la carrière de l’actrice est descendue en flèche après cela, le film lui a connu un succès quasi immédiat et a même fini par s’ériger au rang des films cultes pour tout amateur de teen movies.

En effet, en cristallisant tous les travers de l’adolescence, américaine ou non, Lolita Malgré Moi a su viser juste en alliant l’humour à la satyre accessible. Du point de vue français, le film reprenait à merveille l’image caricaturale des lycées américains, où les adolescents sont catégorisés à travers une côte de popularité, qui indique une forme de valeurs sociales : sportifs, pom-pom girls, intello, losers, glee club… avec toujours, une reine des abeilles intouchable. Le contexte est certes très américain, mais l’adolescence, elle, reste un sujet universel, si bien qu’on se retrouve facilement à travers les différents personnages, entre admirations, moqueries et autres sentiments ou velléité d’appartenance.

Au-delà de la comédie, le film – porté par l’écriture mordante de Tina Fey – osait s’attaquer au politiquement correct, enrobé par un emballage rose bonbon pour faire passer la pilule, avant de tout mettre à plat. Derrière ses apparences légères, Lolita Malgré Moi explore des sujets qui touchent les plus jeunes et les adultes, tant ils cristallisent toutes les inquiétudes, ou presque, qui ont bien pu nous passer par la tête à un moment donné, durant cette étape tellement complexe de la vie. Universel ? Probablement. Girly ? Oui, mais pas que. Plaisir coupable ? C’est certain.

20 ans plus tard, Lolita Malgré Moi n’a pas pris une ride. Si le film a eu le droit à une suite en téléfilm plutôt moyenne, son héritage arbore fièrement une comédie musicale à succès, une date ancrée dans le calendrier de la pop-culture (le 3 octobre, pour les noobs) et maintenant un nouveau film, co-réalisé par Samantha Jayne et Arturo Perez Jr..

Si vous avez déjà vu Lolita Malgré Moi, Mean Girls évolue évidemment en terrain familier avec, malgré tout, une certaine prise de risques. Un nouveau casting vient succéder à Lindsay Lohan, Rachel McAdams, Lizzy Caplan et autre Jonathan Bennett, tandis que, coté trame presque rien ne change : Cady Heron, fraichement débarquée du Kenya, fait ses premiers pas au lycée, se découvre puis se perd dans la jungle humaine, chapeautée par l’impitoyable Regina George. Hypocrisie, histoire de garçons et revanche s’ensuivent, on connait l’histoire…

Coté nouveauté, c’est bien sûr l’aspect musical : dès les premières minutes, Mean Girls affiche une ambiance pop et acidulée, à travers une suite de chansons servant à guider le spectateur et à surligner ce qui se passe dans le film. Tantôt sirupeux, tantôt entrainant, le soundtrack ne se démarque pas vraiment par son originalité, même si certains morceaux valent le détour dont « Stupid With Love » et « Meet The Plastics ». À noter que la chanson de Noël du film original « Jingle Bells Rock » a été remplacée par « Rockin’ Around The Pole ».

Globalement, si j’ai passé un plutôt bon moment devant Mean Girls, je reste assez sceptique. Fan du premier film, mon cerveau n’a cessé de faire la comparaison entre cette version et le film de 2004, du déroulé des scènes aux acteurs. Je me demande si Mean Girls saura autant trouver un public neuf que Lolita Malgré Moi, notamment parce que l’histoire choisit d’adopter un ton bien plus lisse et plus inclusif. Par conséquent, l’effet vraiment méchant des Plastiques devient moins percutant, là où Lolita Malgré Moi circa 2004 osait bousculer le politiquement correct, justement pour souligner le potentiel destructeur et cruel des adolescents, tout en dénonçant les lourds critères de normalité auxquels sont soumis les plus jeunes par la société. Oui, cela semble énorme pour un film comme Lolita Malgré Moi et pourtant, s’il n’y avait pas cette double lecture intelligente, le film de 2004 aurait fini dans l’oubli, n’est-ce pas ?

En allégeant le ton pour éviter d’égratigner les biens-pensants, Mean Girls propose des Plastiques mignonnes mais limitées à la caricature superficielle, tandis que les enjeux finissent également par s’égrainer jusqu’à disparaître. Mean Girls passe ainsi à coté de la superficialité de ces lolitas et, justement, des problèmes de harcèlements, de discriminations et d’hypersexualisation que Lolita Malgré Moi dénonçait à l’origine.

Si le film de Samantha Jayne et Arturo Perez Jr. parvient à jouer la carte de la nostalgie tout en conservant l’ambiance girly et acidulé de Lolita Malgré Moi, on est loin du film mordant et intemporel imaginé par Mark Waters et Tina Fey en 2004. Être woke c’est bien, mais attention à ne justement pas dénaturer le matériau d’origine…

Coté casting, je suis encore mitigée : Renée Rapp (The Sex Lives of College Girls…), qui tenait déjà le rôle dans la comédie musicale depuis 2019, est excellente dans le personnage de Regina George. Là où Rachel McAdams jouait plus facilement la carte de la fausse gentille, Renée Rapp propose une interprétation un poil moins subtile mais tout aussi intéressante. Face à elle, c’est Angourie Rice (Mare Of Easttown, Spider-Man : No Way Home, Senior Year…) qui reprend le rôle de Lindsay Lohan et, avouons-le, c’est une bien meilleure actrice, bien plus crédible de surcroit.

Autour d’elles, un melting pot aléatoire dans lequel on retrouve ou découvre Auli’i Cravalho (Vaiana : La Légende du Bout du Monde, The Power…), Avantika (Moxie…), Bebe Wood (Love, Victor…), Christopher Briney (L’Été Où Je Suis Devenue Jolie…) et surtout l’hilarant Jaquel Spivey (A Strange Loop) qui fait ses premiers pas sur grand écran. Coté adultes, Tina Fey (Mystère à Venise…) et Tim Meadows (Dream Scenario…) reprennent leurs rôles, accompagné par des apparitions de Busy Philipps (I Feel Pretty…), Jenna Fischer (The Office US…), Jon Hamm (Top Gun : Maverick…), Ashley Park (Emily In Paris…) – qui participe également à la comédie musicale et, heureusement, ne chante pas dans le film – et quelques caméos surprises.

En conclusion : si le film semble avancer en terrain conquis entre nostalgie et retrouvailles rose bonbon, Mean Girls : Lolita Malgré Moi ne parvient pas à égaler l’impact mordant et intemporel du film original de 2004. En cherchant à adoucir certains aspects pour adopter un ton plus inclusif, le remake perd la profondeur critique de Lolita Malgré Moi, laissant derrière lui la puissance de dénonciation des problèmes sociaux inhérents à l’adolescence. Cependant, cette nouvelle version propose un divertissement entraînant qui se regarde sans effort. À voir.

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