
Le pitch : Deux jeunes missionnaires de l’église mormone d’une petite ville du Colorado font du porte à porte dans l’espoir de convertir les habitants. Le soir venu, après une journée infructueuse, elles décident de frapper à la porte d’une maison isolée. C’est le charmant Mr Reed qui les y accueille. Mais très vite, les jeunes femmes réalisent qu’elles sont tombées dans un piège. La maison est un véritable labyrinthe où elles ne pourront compter que sur leur ingéniosité et leur intelligence pour rester en vie…
Un an seulement après 65 – La Terre d’avant, Scott Beck et Bryan Woods reviennent avec un film d’horreur intense qui s’inscrit dans lignée florissante des films de genre distribués et/ou produits par A24 (Men, La Main, Saint Maud, Beau Is Afraid, Midsommar…)
Exit les jumpscares faciles ou les excès sanglants ; ici, la peur s’insinue insidieusement, laissant le spectateur en apnée dès les premiers instants. Grâce à une atmosphère oppressante et une mise en abîme originale, Heretic propose de la terreur psychologique en prenant le genre à contre-courant. Dans la lignée d’un Get Out ou du récent Longlegs, le film questionne les rapports humains et les croyances de tout poils, tout en filant la chair de poule.

Inspiré par la religion mormone et ses controverses, le film propose un face-à-face haletant entre deux jeunes femmes missionnaires et un hôte des plus inquiétants. Rapidement, Heretic installe une ambiance malaisante qui oscille entre la naïveté des personnages féminins et le cadre oppressant de cette maison sombre qui se referme comme un piège asphyxiant. Si notre sens commun est déjà en alerte au fur et à mesure que l’installation se met en place, le film de Scott Beck et Bryan Woods va rapidement créer une tension étrange et surtout captivante.
En jouant avec les codes de l’horreur, Heretic nous met face à un “prédateur” à visage humain, forçant le spectateur à questionner ses propres biais et croyances face à des apparences toujours plus trompeuses. Les missionnaires se font-elles vraiment en danger ou leur hôte est-il simplement un personnage maladroit cherchant la prise de conscience ? Le film abat judicieusement ses cartes jusqu’à la dernière minutes, pour abattre son dernier atout et révéler ses véritables intentions.

Sous ses dehors de thriller claustrophobe, Heretic explore des thèmes dérangeants et universels : la foi aveugle, les croyances héritées, et le conditionnement qui façonne nos sociétés. Si l’intrigue se concentre sur deux missionnaires mormones, leur calvaire dans un labyrinthe domestique évoque une toile d’araignée où s’engluent les certitudes humaines. Le film ne se limite pas à critiquer la religion organisée : il établit des parallèles avec toutes les croyances préfabriquées qui guident nos comportements, souvent sans que nous les interrogions.
À l’opposé des récits manichéens où les protagonistes sont de simples victimes et où le récit fabrique le frisson à travers une succession de jumpscares sonores, Heretic se montre plus habile et plus imprévisible, façonnant l’inquiétude et l’angoisse à travers les dialogues et surtout la performance d’un Hugh Grant magistralement inquiétant.
Scott Beck et Bryan Woods réussissent le pari d’allier horreur viscérale et réflexion intellectuelle. L’ambiance sombre et sinistre, accentuée par une mise en scène minimaliste mais efficace, maintient une tension constante. On a l’impression d’être pris au piège avec les protagonistes, comme coincé sous terre, à la lisière de l’asphyxie.

En s’éloignant du concept de la biche effarée, Heretic nous place face à des personnages qui évoluent. Si les clichés de l’horreur sont d’abord mobilisés pour induire des réactions attendues, le film inverse rapidement la vapeur. On passe du scepticisme à une empathie réelle pour ces jeunes femmes déterminées à survivre, coûte que coûte et surtout sans (trop) fléchir. Cette progression émotionnelle est l’une des forces majeures du film : elle accroche le spectateur à leur sort et donne du poids à chaque décision qu’elles prennent.
Le suspense, quant à lui, est dévorant. Niché dans un huis-clos captivant, l’angoisse naît autant des actions de l’antagoniste que de l’impression d’impasse totale. La maison, avec son architecture sinueuse et menaçante, devient un personnage à part entière. Les réalisateurs (également scénaristes) jouent habilement avec les perceptions du spectateur, laissant planer un doute constant sur les intentions du terrifiant Mr Reed.

Au casting, Hugh Grant (Wonka, Donjons et Dragons, Glass Onion…) est excellent dans un rôle à contre-emploi. Rarement vu en premier rôle ces dernières années, l’acteur fait ici un retour fracassant en tête d’affiche, dans la peau d’un personnage aussi charismatique qu’effrayant, qui porte le film. D’un simple sourire affable à un froncement de sourcil, il parvient à à faire vaciller l’atmosphère du film d’une émotion à une autre, offrant une présence jubilatoire et dérangeante à l’écran. Face à lui, Chloe East (The Fabelmans…) et Sophie Tatcher (Le Croque-Mitaine, Yellowjackets…) forment un duo équilibré qui ne cède jamais (ou peu) aux clichés attendu, tandis que Topher Grace (Under The Silver Lake, BlacKkKlansman…) fait une brêve apparition.
En conclusion, j’ai été agréablement surprise et conquise par Heretic. Scott Beck et Bryan Woods livrent un film, certes, peu démonstratif mais saisissant et habilement écrit, disséquant les entrailles de l’esprit humain et de son asservissement social. Porté par un Hugh Grant exceptionnel, Heretic propose une plongée obscure et fascinante, réinventant avec audace les codes du genre. À voir.


Attention spoilers
Mon interprétation de la fin est plus … hérétique 😁
Trois catégories de penseurs :
Il y a les croyants « contrôlés » qui verront ce qu’on leur montre, c’est a dire son amie qui dans un dernier effort l’a sauve et se réincarne en papillon pour se poser sur son doigt et lui faire comprendre qu’elle n’est pas seule, qu’elle restera auprès d’elle
Il y a les non croyants qui diront que le papillon n’est qu’une coïncidence et que le concept de la vie après la mort n’existe pas
Et il y a les hérétiques qui auront remarqué au second plan que le papillon n’est pas sur le doigt et que, comme le disait la prophétesse, ce n’est pas réel. Et donc son amie ne l’a pas sauvée, elle est morte au fond de cette cave avec Reed allongé sur elle
Effectivement, je m’étais fait la réflexion que le papillon n’était pas sur son doigt !