
Le pitch : Romy, PDG d’une grande entreprise, a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux filles épanouies et une carrière réussie. Mais un jour, elle rencontre un jeune stagiaire dans la société qu’elle dirige à New York. Elle entame avec lui une liaison torride, quitte à tout risquer pour réaliser ses fantasmes les plus enfouis…
Deux ans après l’étonnant Bodies, Bodies, Bodies, Halina Reijn revient avec Babygirl et une grande actrice en tête d’affiche, Nicole Kidman. Tenant sa promesse de travailler avec plus de réalisatrices, après Destroyer de Karyn Kusama (qui était effroyable au passage) ou encore Les Proies de Sofia Coppola, l’actrice australienne oscarisée incarne ici une femme d’affaires à la vie de rêve, qui se laisse aller à ses fantasmes en fricotant avec un stagiaire dans une exploration SM (ou plutôt BDSM… vanille…) qui se veut torride. Présenté à la Mostra de Venise 2024, Nicole Kidman a remporté la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine. Ça donne envie et sur le papier, ça promet du sulfureux et du politiquement incorrect. Pari réussi ?
On va dire que oui, si on aime bien les pétards mouillés.

En effet, Babygirl tente de naviguer dans les eaux troubles du thriller pseudo-érotique, mais se retrouve lamentablement échoué sur les rives du ridicule. Avec une trame aussi profonde qu’une coquille Saint-Jacques pas cuite, le film se perd dans une série de micro-scènes tronquées, hantées par des dialogues aussi vides que des improvisations sans inspiration.
Dès les premières minutes, il est évident que le travail de recherche en pré-production a été survolé : les interactions entre les personnages sont floues et creuses, la direction des acteurs parait si absente qu’on dirait qu’ils se livrent à une séance d’improvisation ratée, captée au hasard par une caméra indifférente, pour faire croire à une quelconque backstory. Bref, ça commence déjà mal alors que les personnages principaux se côtoient à peine. On pourrait croire que cela n’a pas d’importance puisque le monde du travail n’est pas le sujet central du film, mais l’apathie générale dans l’écriture se ressent tout au long du film.

Rapidement, il devient clair que Babygirl cherche à faire son beurre sur le fantasme de femme de pouvoir qui rêve d’être dominée. Cependant, rien ne parvient à transpirer à travers l’image, depuis les gémissements souvent embarrassants aux jeux de rôles lunaires, le film se dit “érotique” mais s’assure de rester sur un terrain de jeu extrêmement safe et timoré. En clair, Halina Reijn peine à faire grimper la température, faisant passer la trilogie 50 Nuances de Grey pour un feuilleton tropical.
Incroyablement plat et froid, Babygirl, pourtant fait par une femme et mettant en scène une héroïne en pleine exploration de sa sexualité, a bien dû mal à nous embarquer à force de garder une forme de distance inutile et trop observatrice dans toutes les scènes importantes. Déchiré entre la culpabilité et la libido de son personnage principal, Babygirl avance à tâtons, sans réussir à franchir le pas, se cachant derrière la nudité frontale et superficielle pour faire réagir – comme si de nos jours, un corps nu suffisait à émouvoir ! Comparé aux démonstrations plus audacieuses dans des films comme Pauvres Créatures ou encore The Substance, Babygirl passe à coté de son potentiel, qu’il s’agisse d’un quelconque message sur la sexualité féminine ou sur le corps d’une femme passé un certain âge.

Et oui, ce n’est pas tout d’avoir Nicole Kidman à poil, encore faut-il en fait quelque chose ! Si on aime un tantinet le portrait de cette femme de pouvoir dans une industrie masculine, dont les détails se fissurent à mesure que le film explore la surface polissée (jusqu’à montrer une séance de Botox inutile), le film échoue a créer la tension nécessaire pour faire croire à cet égotrip enflé par le paraître. Et là encore, cette tentative pseudo féministe ne cesse d’être freiner par ses limites, ne serait-ce qu’on ne montrant jamais le corps nu d’un homme par exemple. Oubli ou fait exprès ? Le résultat ne fait que souligner la mise en abîme d’un fantasme féminin qui ne serait finalement qu’une construction complètement patriarcale (imaginée par des hommes qui pourraient écrasée des femmes de pouvoir, par exemple). Pire encore, le point final du film avec la métaphore animale ne fait que renforcer le peu de considération que le film a pour la sexualité féminine, nourri de fantasmes ou non.
Si Halina Reijn cherchait à faire son propre Eyes Wide Shut, il est bon de rappeler que “n’est pas Stanley Kubrick qui veut”.
Au final, si j’ai été fascinée par ce long périple laborieux qu’est Babygirl, c’est surtout parce que j’ai trouvé le film navrant et d’une pauvresse narrative presque choquante – surtout quand on se paie le luxe d’avoir Nicole Kidman. Seul mini-chapeau bas, la scène où son personnage tient tête à un homme qui tente de profiter de son secret.

Côté casting, ce n’est pas la fête. Nicole Kidman (Un Couple Parfait, Aquaman et le Royaume Perdu, The Northman…) traverse les scènes avec des expressions empruntées et surfaites. Si l’intention de prise de risque est louable, l’actrice est abandonnée à elle-même, sans soutien ni de la réalisation, ni du scénario, ni même de son partenaire à l’écran. Harris Dickinson (Iron Claw, Là Où Chantent Les Écrevisses, Sans Filtre…), malgré son apparence juvénile qui colle bien à son personnage, est desservi par une écriture pseudo-désinvolte, donnant l’impression que leurs face-à-face ressemblent davantage à des répétitions accidentellement insérées dans le montage final.
Autour d’eux, rien de grandiose : Antonio Banderas (Indiana Jones et le Cadran de la Destinée, Uncharted…) est peut-être le seul vague atout du film, tandis que Sophie Wilde (La Main, Everything Now…), Esther -fille de Ewan- McGregor (La Chambre d’À Coté, Star Wars : Obi-Wan Kenobi…) ou encore Vaughan Reilly (Hunger Games : La Ballade du Serpent et de l’Oiseau Moqueur…) complètent un ensemble navrant et paumé.
En conclusion, Babygirl est d’une platitude paresseuse et consternante, hanté par des personnages au surjeu évident qui trahit leurs méconnaissances du(des) sujet(s) exploré(s) dans le film. Halina Reijn livre une expérience longue et pénible qui, malheureusement, élève le niveau de gêne à des sommets nouveaux (je pensais pas voir de moment plus gênant que Ian McKellen lapant du lait dans Cats). Un malaise généralisé, à éviter.

