Après avoir donné dans le mystique, Roberg Eggers revient avec un film bien plus terre à terre et d’une intensité viscérale. The Northman, ou le récit vengeur d’un Viking, est une œuvre impressionnante aussi bien par sa brutalité frontale que par son esthétisme saisissant et sanglant. Incroyable.
Le pitch : Le jeune prince Amleth vient tout juste de devenir un homme quand son père est brutalement assassiné par son oncle qui s’empare alors de la mère du garçon. Amleth fuit son royaume insulaire en barque, en jurant de se venger…
Après l’ésotérisme de The Witch, puis la mythologie trouble dans The Lighthouse, Robert Eggers revient avec un nouveau film percutant. The Northman est une expérience incroyable, de la maîtrise du son jusqu’au traitement de l’image, le film est porté par un souffle enragé qui prend aux tripes dès les premières minutes alors que la voix grave et rocailleuse d’un narrateur coupe le souffle.
Sur le papier, The Northman a l’air simple. De hauteur d’un jeune adolescent levant des yeux admiratifs sur son père, roi d’une tribu nordique, on assiste à l’explosion de la cellule familiale jusqu’à la fuite forcée du protagoniste. Plus tard, il revient pour se venger, façonné par des années de pirateries barbares et le souvenir violent d’une famille massacrée. De la mythologie nordique, Robert Eggers n’en garde que les croyances d’un peuple à un dieu tout puissant, sans faste ni tendresse. On est des versions édulcorées des films Thor (Marvel) et on pourrait comparer The Northman a une version enragée d’un Game of Thrones dépouillé de ses sous-intrigues romanesques, pour n’en garder que l’essentiel : la vengeance, la justice et la victoire au pris du sens. Aux cotés d’un héros transformé en bête de guerre, le film m’a maintenu en apnée alors que l’histoire se déroule sous tension dans un tableau sauvage où l’humanité n’existe presque plus.
J’ai adoré découvrir cette représentation intimiste et primaire des Vikings à travers leurs us et coutumes, ainsi que des cadres absolument fantastiques. Filmé en Irlande et en Islande, le film se repaît de ses paysages arides, froids et volcaniques : Robert Eggers choisit toujours des décors naturels qui font l’effet d’un miroir réfléchissant l’état émotionnel de ses protagonistes et les terres noires d’Islande ne font pas exception. The Northman est une véritable expérience tant le film traduit à tout les niveaux la rage silencieuse mais envahissante, qui déborde sur son personnage principal tout en muscle, vouté et presque revenu à l’état primitif. L’exécution est fascinante car le réalisateur parvient à sublimer la mythologie nordique dans sa représentation d’un peuple simple et pourtant régi par une culture sans détour. Pendant que l’attention est portée sur les personnages et surtout le parcours du protagoniste principal, l’œuvre se raconte également jusqu’au détail : les costumes, les décors et la photographie du film complètent les intentions viscérales et sombres du film qui, malgré ses quelques pointes de lumières, semble plus proche des enfers que de la lumière.
Comme The Revenant d’Alejandro González Iñárritu, The Northman évolue lentement mais sûrement dans un contexte impitoyable qui n’autorise aucune erreur. Et pourtant, malgré son approche littérale et linéaire, Robert Eggers ne se repose pas sur ses lauriers, au contraire. Si ce n’est pas l’homme vs la nature, mais plutôt leur complémentarité qui fonctionne dans The Northman. Sobre mais efficace, le film est porté par une férocité radicale qui gagne en intensité au fur et à mesure que l’histoire avance. Le final vous laissera pantelants mais ravis d’avoir été transporté par une œuvre magistrale, puissante et terriblement brutale.
D’ailleurs, veillez à respecter l’interdiction au moins de 12 ans et je déconseille le film aux plus sensibles : The Northman est violent, aussi bien dans le fond que dans sa forme terriblement captivante.
Au casting, on retrouve un Alexander Skarsgård (Succession, Godzilla vs Kong, Séduis-Moi Si Tu Peux…) méconnaissable, qui pourrait bien faire passer Thor (Chris Hemsworth) pour un nabot et La Montagne de Game of Thrones (Thor Björnsson) pour un parent éloigné. Sa masse de muscles et son caractère presque bestiale rendent son personnage inquiétant, sans pour autant empêcher une bonne part d’empathie pour son parcours. À ses cotés, on la voit moins mais le charisme d’Anya Taylor-Joy (Le Jeu de la Dame, Last Night In Soho, Les Nouveaux Mutants…), ici en esclave russe, vient compléter un duo iconique le temps d’un récit. On retrouve également l’incroyable Willem Dafoe (Nightmare Alley, Spider-Man: No Way Home, The French Dispatch…), souvent méconnaissable également, ainsi qu’un Ethan Hawke (Moon Knight, La Vérité, The Good Lord Bird…) en roi guerrier et une Nicole Kidman (The Undoing, Big Little Lies, Scandale…) insaisissable.
En conclusion, après deux films remarqués, Robert Eggers s’impose parmi les cinéastes à suivre grâce à ses films percutants où il sonde ses protagonistes en allant jusqu’au bout de son idée, quitte à éclabousser ou laisser sur le carreau au passage. Avec The Northman, c’est une épopée au coeur de la vengeance, là où les mots ne suffisent plus pour exprimer une colère si profondément ancrée qu’il n’en reste plus que l’état brut et sauvage d’un homme prêt à tout pour faire sa justice. À voir absolument.